Ronces, tome 1 : Racines électriques
de Jean-David Morvan (Scénario), Nesmo (Dessin)

critiqué par Shelton, le 5 novembre 2005
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
La ville, encore la ville...
Un homme, au visage de clown triste, un soir au clair de lune… Mais qui est ce Pierrot ? Pourquoi est-il fasciné par cette lumière que l’on voit au loin ? Que se passe-t-il dans sa tête ? Pourquoi se met-il en route ? Pourquoi prend-il le temps de faire ces petites chorégraphies au fond des bois ? Et pourquoi la ville est-elle si rouge, si enfumée lorsqu’il y arrive ?
Je dois vous avouer que cet album est une profonde et réelle merveille, une découverte époustouflante, une surprise comme on n’en connaît que quelques-unes unes par an… Et c’est dommage tant ça fait du bien au lecteur qui se laisse surprendre…
Les premières planches de cet album, entièrement sans texte, sont d’une beauté et d’une force étonnante. Le lecteur doit mettre seul la bande son en place et le dessin s’y prête très bien… Dans les yeux de notre homme, j’ai cru apercevoir tout l’album, toute la série, sa gravité, sa philosophie… mais je vous laisse voir ça vous-même…
Ce qui est donc sûr, c’est que notre homme débarque un jour dans la ville. Pas n’importe laquelle, la ville absolue, la ville par essence même, celle qui porte en elle toutes les violences, toutes les contradictions, toutes les espérances, toutes les forces qui s’affrontent…
Notre homme est une sorte de géant, un homme qui ne comprend pas comment on vit dans cette ville, quelles en sont les règles, les us et les coutumes… une vieille femme tente de la guider, de l’aider, mais ce n’est pas facile dans cet univers si inhumain !
Le scénariste, pour nous permettre de pénétrer son univers nous offre une sorte d’intrigue policière. Je dis une sorte car ce n’est pas, de toute évidence, un scénario pour nous faire deviner qui a tué madame Tansvalle. Ceci est sans aucune importance. Mais l’ambiance, elle, est très forte, et le commissaire Edouard Mornière est assez crédible dans son rôle…
Mais cette bande dessinée met surtout en avant la ville dans tout ce qu’elle peut avoir de cruel, de monstrueux et c’est très réussi. Je trouve que la séquence de notre homme tentant de sortir du métro, quand il est à la recherche de la lumière, du soleil, de la nature… est tellement belle, bien dessinée, que l’on finit par être aussi angoissé que le personnage et que cette bédé n’est pas pour un parisien prenant le métro tous les jours…
Plus on avance dans l’histoire et plus la violence de la ville apparaît, submerge tous les autres sentiments de tous les personnages… donc de notre homme, aussi ! Il faut absolument qu’il puisse sortir de cet enfer, il faut qu’il retrouve la nature, la liberté, la vie… Mais en faisant un tel cheminement, il montre le chemin de la libération, il devient le modèle, il peut incarner le sauveur, le messie…
Mais comme c’est le début d’une histoire, il faudra attendre la suite pour avoir des certitudes à ce sujet…
Très beau travail d’un scénariste confirmé – Morvan est l’auteur de Sillage, Troll, Nomad, Merlin… - et d’un jeune dessinateur qui pour son coup d’essai n’est pas loin de nous réaliser un coup de maître…
Bravo ! Bravo ! et nous attendons la suite avec impatience…