Le petit bleu de la côte Ouest (BD)
de Jean-Patrick Manchette (Scénario), Jacques Tardi (Dessin)

critiqué par Shelton, le 11 novembre 2005
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Que la vie est belle !
En 1977, Jacques Tardi commence un très beau travail sur un scénario de Jean-Patrick Manchette, romancier et scénariste noir et policier de talent. Cela donnera Griffu, une très belle bande dessinée, qu’il faut savoir relire (enfin lire tout simplement si vous ne l’avez pas encore fait…). Cette histoire permettait à l’auteur de bande dessinée de s’affirmer comme l’un des meilleurs créateurs d’images noires pour la bédé et, surtout, lui donnait la possibilité de nous offrir un final sanglant étonnant avec la disparition du héros, chose qu’il aime puisqu’il retrouvera cette situation avec Le der des ders…
Nous retrouvons ce duo même si la mort a déjà emporté Manchette. Jacques Tardi ressort du grenier de la littérature policière, un roman de 1976, Le petit bleu de la côte ouest, et le résultat est époustouflant…
Il est vrai que j’ai du mal à ne pas être un inconditionnel de Tardi tant j’aime son dessin en noir et blanc, sa narration graphique qui attrape le lecteur et ne le laisse en paix que quinze jours après la fin de la lecture de l’album…
Georges Gerfaut est un cadre français, un homme bien, une femme, des enfants, une vie bien réglée, une existence que lui envieraient bien de nos contemporains… Et pourtant, en quelques instants tout va basculer et il ne pourra rien faire pour éviter ce qui semble une fatalité… ou, tout simplement, un peu de malchance… car s’il ne s’était pas trouvé à rouler sur cette route, par une nuit épaisse, s’il n’avait pas été le premier à se trouver sur les lieux de l’accident de la Citroën Déesse… Oui, on peut tout réécrire, mais lui, Jacques Tardi, nous raconte tout et avec des images d’une force, d’une maturité…
Georges Gerfaut va devoir survivre et ce ne sera pas simple… Moi, j’ai adoré cette lecture rythmée, endiablée qui ne nous laisse aucun instant de répit…
Départ en vacances, tentative de noyade, explosion d’une station service, exil dans la haute montagne, chasse à l’homme, exécutions diverses et multiples… puis retour à la maison…
« Je suis revenu »
« Georges ! Tu sens le vomi ! T’es tout sale ! D’où sors-tu ? »
« Je ne sais pas »
Combien a duré le temps de l’absence ? Plusieurs mois, bien sûr… Mais, il est bien possible que Georges Gerfaut réussisse à retrouver sa place dans la vie, dans le monde, y compris professionnel… et pourtant il a tué… La seule chose anormale c’est qu’il lui arrive de rouler comme un fou sur le périphérique extérieur… Mais, en fait, ça lui arrivait déjà auparavant… Alors, il est, peut-être, complètement normal… Mais la normalité, c’est tout simplement de se comporter comme Gerfaut pour survivre à cette vie absurde…
Magnifique travail de Tardi que je ne saurais trop conseiller à tous les lecteurs passionnés de films, romans et bédés noirs… Un coup de cœur que, je l’espère, vous partagerez avec moi…
Mais qu'est-ce qu'il a ce Georges? 9 étoiles

Encore un grand Tardi! L'histoire de ce Georges Gerfaut, qui a tout pour être heureux et qui pourtant semble limite dépressif. peut-être lui faut-il un bon coup de pied dans le derrière. Et bien dans cette histoire, il va en avoir un sacré et va apprendre à connaître la valeur de vie. Bien involontairement, il va se retrouver pris dans une histoire qui le dépasse, qui nous dépasse aussi. Un seul mot d'ordre, survivre! Et si là était finalement le message. Le dessin de Tardi est une fois de plus envoûtant. Certaines cases restent dans la tête longtemps encore après la lecture.

Nothingman - Marche-en- Famenne - 44 ans - 19 janvier 2011


Meiux vaut Tardi que jamais personne 8 étoiles

Rien à dire sur la qualité du dessin et son époustouflante force de persuasion. C'est noir, comme du Manchette à l'écriture.
Le destin pas ordinaire d'un homme ordinaire ou presque. Aucune empathie avec le héros qui agace par certains côtés, révolté du troisième sous sol. L'ambiance " j'en ai marre de vivre" mais je ne veux pas mourir. Et bien il va la voir la mort, et à son insu. La musique jazz est présente entre les lignes, les clins d'oeil, comme cette esquisse du Cri de Munch en bas dans la case à plusieurs reprises. Comme pour donner plus de poids au dessin, une stéréographie, un écho pour appuyer le dessein !
Le passage de vie isolée dans les montagnes est splendide, le retour à la vraie vie, qui finalement agace le héros. C'est ce qui plaît ou déplaît, un héros jamais à l'aise dans ses baskets, un peu faible, jamais bien à la place qu'il a choisi. Malgré tout il fera le job jusqu'au bout et donnera le sentiment de s'en sortir le front haut mais les mains rouges.

Hexagone - - 53 ans - 27 novembre 2008