Uranus de Marcel Aymé
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Quel excellent roman que celui de Marcel Aymé. Quel courage d'avoir écrit ce livre.
Blémont 1946. Lourdement bombardé par les Américains en 1944, le village a perdu 1/3 de ses habitations, les quartiers ouvriers ayant été pulvérisés. Les rescapés sont relogés dans les quartiers bourgeois ce qui amène à une "surpopulation" et une promiscuité peu désirée.
Ancien pétainiste, un peu cynique, Archambaut est ingénieur à l'usine. Il loge chez lui Gagneux, un brave militant communiste et son horrible femme, une mégère qui n'a d'égal en méchanceté que la harpie qu'est madame Archambaut... Il loge également Watrin, un prof de maths débonnaire obsédé par Uranus. Il lisait un traité d'astronomie quand, arrivé à la page Uranus, sa maison fut pulvérisée par les bombes.
Un beau jour, Archambaud se trouve avec une tuile sur les bras : Maxime Loin, ancien rédacteur en chef d'un journal fasciste et condamné à mort lui demande asile. Catholique, Archambaut se doit de l'aider. Il y a le problème visible : comment empêcher Gagneux de le voir... Il y a le problème invisible : comment Loin va-t-il échapper à madame Archambaut qui a jeté son dévolu sur lui ???
Le village, ce n'est pas seulement les Archambaut : c'est Monglat, le ponte enrichi au marché noir et qui méprise tout le monde. C'est le fils Monglat, amant de la petite Archambaut, qui a un fond d'honnêteté et ne rêve que de devenir marchand de chaussures. C'est Léopold, le patron de bar truculent et alcoolique. C'est Rochard, le cheminot sadique et lâche, tortionnaire de l'épuration mais qui s'écrase devant Léopold. C'est Jourdan, le fanatique communiste, qui n'aime que le parti et maman. C'est David, le prof de français qui ne croit plus dans son métier. C'est enfin Maxime Loin, intellectuel sensible et romantique traqué par tous, redevenant le petit garçon victime des brimades de ses camarades de classe qu'il avait été.
Ce qu'il y a de bien dans ce roman, c'est que les personnages ont tous leurs qualités et leurs défaut, même les pires. On s'aperçoit qu'avec trois baffes, Rochard devient un brave type. On s'aperçoit que Monglat est rongé par le remords. On s'aperçoit que Jourdan le stalinien et Loin le fasciste étaient au fond faits pour devenir les meilleurs amis du monde s'ils avaient été dans le même camp...
Bravo Marcel Aymé
Les éditions
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Uranus [Texte imprimé] Marcel Aymé
de Aymé, Marcel
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070362240 ; 2,00 € ; 31/12/1995 ; 376 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (5)
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Marcel Aymé torpille le roman national de De Gaulle
Critique de Killeur.extreme (Genève, Inscrit le 17 février 2003, 43 ans) - 9 novembre 2024
En 1948, Marcel Aymé, qui comme pratiquement tous les écrivains qui ont continué à travailler pendant l’occupation dans des journaux collaborationnistes ou jugés comme tels est rangé temporairement du côté des "collabos", publie ce roman qui va contre cette simplification et montre à travers cette petite ville sinistrée que la majorité des français n’était ni collabos ni résistants, ils vivaient seulement leur vie et essaient de le faire tant bien que mal après la libération ne sachant plus sur quel pied danser entre leurs convictions personnelles et celles qu’il faut avoir pour ne pas être suspect à une époque où on se venge encore des "traitres".
À travers une galerie de personnages où Marcel Aymé décrit la complexité humaine, aucun n’est complètement bon ou méchant, il restitue cette période de transition entre l’occupation et l’unification du pays où chacun doit trouver sa place.
Comédie tournant au drame
Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 11 mai 2024
« Uranus » est un roman social se déroulant à une époque assez terrible, où les Français ne s’aiment plus, où l’on dénonce à tout-va, où les femmes sont tondues pour avoir eu une faiblesse avec un soldat allemand, où un milicien se retrouve sauvagement torturé en public, les yeux crevés par une petite frappe laquelle s’en prend ensuite à Léopold, brave cafetier du coin, ancien lutteur de foire et grande gueule, outrée de se retrouver, sans la moindre raison, derrière les barreaux. Le lecteur devine dès le début que toute cette histoire ne pourra finir que par un drame. Les personnages sont fort bien campés, tous pleins d’humanité. Il n’y a pas vraiment de héros, rien que de petites gens avec leurs qualités et leurs défauts. Aymé montre parfaitement que dans les périodes difficiles, ce n’est pas le courage et encore moins l’altruisme qui règnent en maîtres, mais plutôt la lâcheté, les petits calculs, l'égoïsme et le conformisme moutonnier. Très agréable à lire (même et surtout à notre époque…) ne serait-ce que pour l’intérêt historique et pour le style inimitable de l’auteur, un des très grands de la littérature française du XXè siècle.
L’argent d’abord…A tribord ou à bâbord après.
Critique de Pierrot (Villeurbanne, Inscrit le 14 décembre 2011, 73 ans) - 14 août 2017
- Trois machines à écrire neuves, un dictionnaire en douze volumes, un sabre de samouraï…
- De quoi ?
- De samouraï, c’est japonais. Un lustre Louis XVI, je te l’ai dit ? J’ai une armure du XVé et des jumelles de marine.
- Monglat eut un ricanement maussade, le regard de ses yeux troubles coula sur la bâche de la camionnette, et il haussa les épaules.
- Ah ! tu me barbes, li dit Michel, tu n’es jamais content. A la fin j’en ai jusqu’au bord.
Si tu te crois plus malin que moi, tu n’as qu’à acheter toi-même. Ou alors, garde tes billets pour te torcher les fesses.
Il faisait allusion au prochain changement de la monnaie et à la nécessité pressante qui en résultait pour Monglat de convertir en marchandises le plus possible de billets de banque. Le distillateur avait chez lui une quantité de papier monnaie si considérable qu’il ne pouvait se permettre d’en échanger seulement la dixième partie sans déchaîner contre lui le contrôle fiscal et alerter en même temps l’opinion publique de Blémont…
Un bon petit moment.
Découvrir Marcel Aymé...
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 29 janvier 2010
Marcel Aymé, un fin observateur des carences humaines, fait vivre ses personnages dans la promiscuité avec une fougue satirique unique.
Une comédie noire, s'il en est une!
Un chroniqueur lucide et acerbe de son temps. Travelingue (1941) retrace l'avènement du Front populaire ; Le Chemin des écoliers (1946), évoque les années de l'Occupation ; Uranus (1948), achève cette trilogie en prenant pour cadre la Libération et les sombres épisodes de l'épuration.
Mon choix s'est arrêté sur ce dernier titre pour la simple raison que j'étais en possession de ce livre..., mais inutile de préciser que j'ai commandé les deux autres titres que je lirai aussitôt!
Un grand écrivain, un fin conteur, un esprit libre et indépendant...
Autre fait à signaler concernant Uranus; une excellente version cinématographique a été réalisée par Claude Berri en 1990, mettant en vedette une pléiade de grands noms tels que Michel Blanc, Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Luchini, Noiret, etc., disponible en DVD.
Léopold...
Critique de Le rat des champs (, Inscrit le 12 juillet 2005, 74 ans) - 23 novembre 2005
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