Mont-Perdu de Michèle Gazier

Mont-Perdu de Michèle Gazier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par THYSBE, le 23 novembre 2005 (Inscrite le 10 avril 2004, 67 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 295ème position).
Visites : 4 521  (depuis Novembre 2007)

A la recherche du Mont Perdu

Michèle Gazier livre une part d’elle-même dans ce roman. Si le thème est récurrent de la recherche de son identité, ici il est décliné d’une façon toute particulière.
Alice part à la recherche de ses racines. Pas facile d’accéder à son histoire familiale quand ses parents ont fait tant d’efforts pour oublier leur Espagne, leur langue et leur culture.
« Pauvre Alice, contrainte de refaire en sens inverse le long parcours de sa mère, elle qui s’était efforcée sa vie durant de gommer toute trace d’une autre identité que celle qu’elle s’était choisie ; qui avait voulu être plus Française que les Françaises de souche » (p. 41). Derrière cette amnésie orchestrée par sa famille, Alice, n’aura de cesse de vouloir réveiller cette mémoire du passé. Une plongée au plus profond d’elle-même pour restituer une identité perdue.
Mais le parcours est long et difficile dans ces limbes du passé, où l’oubli est ingratitude.
Alice, découvre une Espagne au sortir de plusieurs années de dictature, une libération, mais tellement loin de celle, sexuelle que la France, pays de sa naissance, vivait.
A travers ses voyages espagnols, elle réveille des lieux, des personnages, des rites et des mots ancestraux. Elle aura du mal à se poser géographiquement, amoureusement dans ce pays.
Un beau portrait de femme que Michèle Gazier met en ligne par un narrateur, amoureux d’Alice. Témoin toute sa vie de ses émotions, ses espoirs et ses désillusions par des rencontres sporadiques qu’il retranscrit dans son journal.
Deux chemins parallèles, menés par des désirs impossibles : « Alice avait voulu être Espagnole et moi j’avais voulu être l’amoureux d’Alice » (p115).
Ils arrivent ensemble dans la maturité de leur vie, où l’on se dit que cette course doit aboutir, ce qui fera dire à Alice « on ne retourne pas au pays dont on n’est pas parti », et le narrateur clora ce journal d’un amour impossible.
Quête d’identité, exil, apprentissage, sont les thèmes abordés avec justesse par Michèle Gazier, le tout coloré par l’apport de deux cultures. Une reconnaissance d’une mémoire qui efface ce sentiment de honte que laisse une histoire qui n’était plus transmise.

J’ai beaucoup aimé cette rencontre avec Michèle Gazier, que j’ai même eu le plaisir de croiser dans un café littéraire. Cette façon d’utiliser le journal du narrateur pour rentrer pudiquement dans la vie d’Alice, m’a un peu perturbée au début (je mets souvent quelques temps pour me faire à un narrateur du sexe opposé à l’écrivain), mais ensuite, ce regard masculin m’a conquise. Un beau moment de lecture.

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j'ai deux amours...

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 24 mai 2010

Alice veut tout savoir des origines de sa famille, que son père comme sa mère lui ont cachées. Est-elle française, comme l'atteste son état civil? Est-elle espagnole, catalane, comme elle l'imagine, comme elle le souhaite de tout son coeur? Sa vie, enfin disons plutôt la première partie de sa vie, va être une longue errance en quête de ces fameuses "origines", qu'elle va progressivement découvrir au fil de nombreux voyages vers cette terre de rêve qu'est pour elle l'Espagne, une Espagne dont elle a appris avec perfection la langue et dont elle a fait son métier de traductrice. Cette quête, elle va la partager au fil des années avec le narrateur, un ami français rencontré à Barcelone, qu'elle ne parviendra jamais à aimer car il a le malheur d'être... français! Leurs vies parallèles vont être rythmées par des pèlerinages en terre d'Espagne, à la recherche d'un temps perdu, comme cette montagne magique d'où tout est parti, où tout finit une fois ôtées les illusions de la jeunesse. Au terme de ce long parcours initiatique chacun aura trouvé un peu de sérénité, sinon le bonheur. C'est à une belle leçon de vie que nous convie Michèle Gazier, et une réflexion profonde sur l'identité culturelle. Les soi-disant racines, ne les trouve-t-on pas du côté des êtres qui nous ont transmis leur amour, plutôt que dans les chromosomes? Cela fait du bien de lire ce livre, superbement écrit, en ces temps de réflexion amère sur l'identité nationale...

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