David Golder de Irène Némirovsky
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Quelle puissance dans le portrait !
« Le bal » était l’histoire d’un âpre combat entre une mère et sa fille. « L’affaire Curilof » nous ramenait au nihilisme et aux attentats politiques utilisés un peu plus tard par Camus dans sa pièce « Les justes ». Le premier roman d’Irène Némirovski est cependant « David Golder »
Qu’il soit le premier n’aurait pas beaucoup d’importance s’il n’était pas aussi probablement le plus fort qu’elle ait écrit.
En effet, dans ce livre elle crée des personnages inoubliables et qui devraient rester dans la littérature comme des Nana, des Bovary, des Grandet ou Bel Ami.
David Golder est un juif qui a quitté son Ukraine natale pour New York, tout jeune, et s’y est marié avec Gloria. Nous le retrouvons à Paris, des années plus tard, toujours marié et avec une fille superbe de 18 ans, Joyce, et plus que riche. Après l‘enterrement d’un de ses associés qu’il a poussé au suicide, il pense faire une crise cardiaque dans son train vers sa villa somptueuse de Biarritz. Il y retrouve sa femme et sa fille qui y mène un train de vie pour le moins somptueux, alors que ses affaires sont plutôt difficiles. Gloria, comme Joyce, n’ont qu’un seul mot à la bouche quand elles le voient arriver : « De l’argent ! »
Et lui qui est si fatigué !...
De ce moment il ne lui tombera plus que des tuiles sur la tête !
Trois portraits dominent largement ce livre :
- Celui de Golder qui est un homme d’affaires redoutable et dur. Seule sa fille trouve grâce à ses yeux et arrive à l’attendrir un moment. David Golder sera aussi le portrait de l’homme rude qui s’est toujours battu mais se sent soudain terrassé et abandonné par les êtres comme par la vie.
- Gloria, sa femme, est tout aussi dure que lui, mais bien plus remplie d’une haine profonde envers lui. Son amant, étant un doux inutile qui n’a jamais travaillé, elle n’a eu de cesse que de se constituer une petite fortune à elle à force d’avoir roulé et exigé de son mari.
- Joyce nous est décrite comme vraiment très belle mais seulement capable de vivre au gré de ses fantaisies les plus chères. Câline mais intéressée, elle aussi tombe amoureuse d’un jeune homme tout à fait incapable de faire quelque chose de valable. Mais elle se croit riche et pense pouvoir assurer le train de vie pour deux ! Son père est vraiment amoureux d’elle, lui passe tout, jusqu’au jour où…
Ce qui est assez étonnant c’est que Irène Némirovski nous fait le portrait de juifs qu’elle décrit d’une manière terrible, sans pitié aucune. Elle en fait de véritables caricatures ! Cède-t-elle au terrible antisémitisme ambiant qui régnait en France à l’époque ? L’affaire Dreyfus marquait toujours les gens… En outre, l’immigration de Juifs était très importante à l’époque vers la France. Ils étaient appelés des « métèques »…
Je crois cependant qu’elle a surtout voulu décrire les gens comme elle les a connus et reprocherait-on les mêmes portraits de Français faits par un auteur français ?... Les noms des grands personnages littéraires cités ci-dessus semblent dire que non. Ce sont avant tout des études psychologiques parmi d’autres.
Les éditions
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David Golder de Irène Némirovsky
de Némirovsky, Irène
B. Grasset / Les cahiers rouges
ISBN : 9782246151456 ; 8,26 € ; 09/03/2005 ; 191 p. ; Broché
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Le règne de l’argent
Critique de Antinea (anefera@laposte.net, Inscrite le 27 août 2005, 45 ans) - 20 septembre 2014
Dans le train qui le ramène à Biarritz, Golder fait un premier accès d’angine de poitrine. Chez lui, il retrouve une femme et une fille oisives, futiles et voraces d’argent qui ne s’aperçoivent nullement de sa fatigue. C’est à l’issue d’un second accès que ces dernières prennent la mesure du danger qui les menace : sans cette manne que représente ce mari, ce père, comment vont-elles pouvoir vivre ?
Némirovsky fait le portrait caricatural d’une famille juive dévouée à l’argent, telle que, sans doute, ses contemporains s’en faisaient l’image. Et c’est cela qui me dérange : si Némirovsky, elle-même de confession juive et d’une famille très aisée, se permet ce gros trait, se met-elle dans le lot ou dénonce-t-elle les travers de quelques extravagants qui jettent une mauvaise réputation sur toute une communauté ? Difficile à dire. Toujours est-il que le livre ayant connu un certain succès à sa publication, je me demande si ce n’est pas par antisémitisme plutôt que par reconnaissance de ses qualités littéraires… et en ce début du vingtième siècle très antisémite, était-ce réellement malin de publier un livre pareil ? C’était certainement dangereux...
Le coffre-fort ne suit pas le corbillard
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 22 mai 2014
D'emblée, un homme est montré dans son activité favorite : « les affaires ». C'est un homme d'argent, il est égoïste et méchant, c'est un homme sans cœur...
L'auteur(e) procède par chapitres courts, qui sont autant d'étapes de la vie du héros, avec des retours en arrière qui expliquent sa personnalité. C'est un livre construit de façon magistrale. Un livre qu'on ne peut plus lâcher avant de l'avoir terminé et qui marquera pour longtemps la vie du lecteur.
Le héros est un personnage de tragédie. C'est un homme pour qui, gagner de l'argent, donne un sens à la vie ; ce n'est pas la satisfaction de l’accumuler, encore moins le plaisir de le dépenser qui l'animent, sa raison de vivre est de le gagner.
Il est comme on l'imagine : c'est un homme courageux, redoutablement intelligent et travailleur. On ne peut pas se résoudre à le trouver mauvais, il s'est trompé de vie, il s'est trompé de destin. Il aurait pu devenir un modèle... et c'est un démon ! Sa réussite l'a conduit dans un enfer, peuplé de personnages cent fois pire que lui : des parasites, des vaniteux, des gens sans foi ni loi, des dévergondés...
On ne peut pas détester un personnage pareil ! Il est trop humain. On ne peut qu'éprouver pour lui une réelle compassion et, pourquoi pas, de l'admiration pour sa réussite, en même temps qu'une infinie tristesse pour le sort tragique où cette réussite l'a mené.
Ce livre est un fleuron de la littérature française et l'auteur(e) a réussi la vraie gageure d'un écrivain : donner vie à un personnage consistant, plein d'humanité, universel et inoubliable.
"Vanité des vanités tout est vanité !"
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 10 mars 2008
- Vanité
- Haine
- Cupidité
- Cynisme
Irène Némirovsky nous entraine dans un monde sans concession où le combat est toujours à la vie à la mort, où les personnage se livrent sans retenue avec leurs armes propres pour détruire et prendre. C'est chacun pour soi et que les autres crèvent. Mais ce combat a toujours une limite et à force de prendre il faut, un jour, rendre car là où la vie s'arrête on n'emporte rien. C'est le monde de la vanité qui s'ouvre devant les personnages de Némirovsky là où "tu es poussière et tu redeviendras poussière".
Némirovsky ne cherche pas à dépeindre les juifs migrants mais l'humanité toute entière qui sacrifie à la futilité et à la puérilité pour paraître au risque de ne jamais être surtout dans l'au-delà si important pour les juifs.
Quelle violence ! Quelle noirceur ! Quel pessimisme !
Sentiments partagés
Critique de Lilie-de-rennes (Rennes, Inscrite le 22 novembre 2005, 42 ans) - 17 décembre 2006
"Le Seigneur donne et Il reprend. Bénis soit Son nom.".
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 9 janvier 2006
Le génie de Némirovski est de nous rendre humain cet homme dur mais nu et désemparé face à la mort. C'est le thème universel de la solitude et de la vanité face à la mort qui est traité ici avec un rare talent. L'auteur, qui était elle-même juive Ukrainienne, réussit une critique imparable du monde de l'argent, de l'opulence et de la futilité et dépeint avec bonheur le monde de ces juifs émigrés qui s'établirent dans les affaires. Une grande réussite même si on n'atteint pas à mon avis le génie de son grand roman publié de manière posthume, "Suite Française".
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