Trailerpark de Russell Banks

Trailerpark de Russell Banks
( Trailerpark)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 2 juin 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 466ème position).
Visites : 6 379  (depuis Novembre 2007)

Une excellente étude de milieu

Un lotissement de « mobil home » dans le Nord-Est des Etats-Unis. Ils appartiennent à une compagnie immobilière qui a acheté cela comme investissement il y a des années.
Cela fait des années aussi qu'elle n’y fait plus beaucoup de frais d’entretien car elle aimerait bien revendre le tout, terrain compris. Toute une petite faune vit sur ce site et chacun a ses particularités. Quelques-uns ont amélioré leur emplacement, alors que d'autres préfèrent laisser aller.
Marcelle Chagnon est la responsable de la compagnie sur place. Elle accepte ou refuse les locataires, veille au paiement des loyers et à la stricte protection des conduites d'eau à la veille de l’hiver. C'est une forte femme, au bon sens bien établi, mais qui n’est pas sans coeur. Elle doit aussi veiller à ce que chacun respecte bien les droits des autres et arbitrer quand il le faut. Parmi les locataires, il y a deux militaires, un homme et une femme. Chacun vit, en s'ignorant, de sa pension. La femme, Flora, passe pour être un rien fêlée, alors que le capitaine Dewey Knox est un fervent de l’ordre et de la discipline quotidienne.
Il y a Doreen Tiede qui vit avec sa petite fille Maureen, ayant été abandonnée par son mari. Quand celle-ci se plaint à Marcelle de Flora qu'elle estime être par trop « fêlée », elle lui répond : « Un peu givrée, c'est tout. On est tous un peu givrés, si on y réfléchit. Il y en a juste qui savent un peu mieux le cacher que d'autres, c'est tout. »
Il y a aussi Terry Constant et sa sœur Carol, des Noirs. Lui ne pense qu'à en foutre le moins possible, à fumer du shit et écouter de la musique, alors que sa soeur les fait vivre et tente de se perfectionner pour améliorer sa condition. Bruce Severance, l’étudiant, fume de temps à autre avec lui. Il faut encore mentionner Laroche, une sorte de comptable à la dévotion du capitaine Knox, Nancy Hubner, peut-être assez aisée, et sa fille blonde et jolie.
A tous ceux qui précèdent, vous devez ajouter un personnage haut en couleur : Merle. Il est vieux, moins à l’aise que pas mal d'autres, et joue à la loterie depuis des années. Il est plutôt ignoré des autres locataires en tant que solitaire passionné de pêche en hiver sous la glace.
Tout ce petit monde cohabite tant bien que mal et Marcelle Chagnon ne manque pas de boulot.
Et voilà qu'un évènement va bouleverser totalement les rapports que chacun a avec les autres…
Russell Banks nous décrit, avec beaucoup de tendresse, un petit monde particulier, aux situations financières différentes sans que personne n’y soit vraiment à l’aise ou à l’abri des contrecoups de la vie. Le monde des « mobil home » est très courant aux Etats-Unis et il y en a de tous les genres.
Une très belle étude psychologique.

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Dans l’Amérique profonde

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 24 juin 2024

« Trailerpark », c’est, vous savez, ces parcs à mobil homes, mobil (l’home) mais immobiles, comme des bungalows échoués dans un même espace, dans lesquels vivent des individus, des familles, américaines, plutôt déclassées, pas assez riches en tout cas pour habiter un logement « en dur ». Ca n’existe pas tant que cela en France, en Europe, mais oui c’est une réalité aux USA et pas simplement en 1981, date de la parution de Trailerpark aux USA.
Alors nouvelles ou roman choral, on peut en discuter mais pour moi c’est plutôt roman choral « distendu » plutôt que nouvelles à socle commun.
Une douzaine de mobil homes dans ce parc. Bien entendu des individus à la frange de la pauvreté, pas le genre dont les romans américains envisagent couramment le destin. Là c’est plutôt « vraie vie de la vraie vie », avec difficultés à joindre les deux bouts, pathologies diverses, phobies, légers dérangements, traumatismes, … Clairement on n’est pas sur Hollywood Bvd !
Marcelle Chagnon est la gestionnaire du parc, il y a un ancien capitaine de l’armée, il y a un minable trafiquant de shit qui ne sait pas où il a foutu les pieds, Terry et sa sœur Carol dont la couleur, noire, détonne furieusement dans ce coin du New Hampshire, il y a du monde, singulier, du monde que Russell Banks nous fait découvrir et, en même temps, c’est sur l’Amérique profonde que nous avons une vue. Merci Russell Banks ! Un auteur précieux.

Nouvelles

7 étoiles

Critique de Sibylline (Normandie, Inscrite le 31 mai 2004, 74 ans) - 28 janvier 2006

Ce livre, que la quatrième de couverture nous présente comme un « roman en douze caravanes et treize épisodes», ce qui est une jolie formule, me semble plutôt être un recueil de nouvelles articulées sur un socle commun. Simplement, ces nouvelles voient évoluer des personnages qui tous, appartiennent au microcosme de ce parc de caravanes et qui se côtoient de l’une à l’autre ; et tel qui aura été le personnage secondaire d’une nouvelle sera le personnage principal d’une autre.
Ce parc de caravanes est typiquement le genre d’endroit aux Etats-Unis où peuvent se retrouver des gens qui n’ont pas les moyens de se payer une maison et qui (est-ce le symbole un peu nomade qui s’attache encore à la caravane bien que celles-ci ne voyagent pas ?) se trouvent ici, un peu en dehors du monde, tout en préservant le lien avec la vie sociale normale. Un peu comme s’ils étaient en vacances, un peu sur le côté, mais pas totalement hors jeu. On n’a pas encore l’équivalent en France, mais je pense que cela ne tardera plus.
Dans chacune des caravanes, habitent et vivent différents spécimens de «petites gens», avec chacun sa vie, souvent plutôt complexe, son histoire et cette «philosophie de la vie» à laquelle Claudel Bing tient tant .
Vers la fin, Russell Banks résume bien cela : «…il s’était placé seul au centre de sa vie, ne la partageant avec personne. En fait, on aurait pu dire la même chose de tous les habitants du terrain à caravanes. Il est généralement vrai que les gens qui vivent dans ces parcs sont tout seul au centre de leur vie. »
J’ai trouvé que les «nouvelles» ou «chapitres», comme l’on voudra, étaient de qualité un peu inégale, mais la plupart sont tout de même très bons et l’ensemble mérite largement d’être lu. En fait, il n’y en a qu’un ou deux que je n’ai pas vraiment appréciés. Je garderai longtemps le souvenir des gens que j’ai rencontrés là. Aussi longtemps sans doute que le souvenir de ceux que je rencontre dans la «vraie vie» et ils auront la même réalité. Banks a une telle capacité d’empathie qu’il nous la fait partager sans peine. C’est cet art qui fait de Russell Banks le grand écrivain qu’il est. Ce regard humaniste porté sur les gens, ses personnages, ses voisins, nous ; et nous sur eux et lui.

Les USA usés n’abusent pas Russell

8 étoiles

Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 12 mai 2003

Banks parvient à ramasser la vie entière des humains autour de quelques événements et en quelques pages. D’une certaine manière, tous ses personnages n'en forment plus qu’un dont la vie commence chez le plus jeune pour se terminer chez l'ancêtre. On en ressort un peu avec cette impression qu’entre les trois kilos de chair tiède à la naissance et les quelques dizaines de kilos de viande froide à la fin, la vie réussit à placer quelques heures de plaisir, deux ou trois surprises, beaucoup d'attente et peu d’événements. Mais tout le monde à toutes les excuses du monde, ou plutôt, la seule excuse, celle d’avoir été broyé. C'est là que réside la tendresse de Banks. Cela dit, on ne rigole pas tous les jours. « C'était un homme triste d'aspect, le genre d’homme qui a cessé d’endiguer la mort (.) ». Ou bien : « Je suis vieux. J'ai plus grand-chose à faire qu’à penser, et puis, au milieu d'une pensée, mourir ». Dans ce livre-ci, j'ai parfois l’impression que Banks caricature son approche du social et de la littérature. Comme le dit le verso du livre « ce magnifique écrivain est [dans ce livre] le plus proche de lui-même ».
C'est dire la même chose, mais gentiment. Du fait de cette impression de répétition et d’une sorte de désordre qui amollit le récit, je suis un peu moins enthousiaste que pour « Affliction » ou « Les beaux lendemains ». Peut-être cela n’est-il dû qu'à l'ordre de lecture d’ailleurs.

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