Les demoiselles aux allumettes
de Marie-Paule Villeneuve

critiqué par Libris québécis, le 8 décembre 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Syndicalisation des ouvrières
Ce roman raconte une histoire d’amour qui rappelle Les Oiseaux se cachent pour mourir de Colleen McCullough, mais l’auteur a transformé les éléments sirupeux de cette œuvre en outil de combat à la défense des ouvrières. Elle nous emmène à Hull, où la Eddy Match fournit de l’emploi à de jeunes femmes qui empaquètent des allumettes.

Victoria, l’héroïne, y travaille dès l’âge de 14 ans pour subvenir aux besoins de sa famille, d’autant plus que son frère est parti combattre outre-mer. Et comme la fin de la Première Guerre mondiale est suivie par le krach des années 20 et la mort de sa mère, la jeune femme garde son job au détriment de sa santé, menacée par la toxicité du phosphore qui entre dans la composition des allumettes. Comble de malheur, elle s’amourache d’un prêtre, envoyé peu de temps plus tard à Lowell au Massachusetts. À son invitation, elle le suit aux États-Unis, où elle devient enceinte. De retour au Canada, Victoria se console de sa mauvaise expérience en participant activement à la création d’un syndicat qui existe encore.

Cette trame historique dénonce l’exploitation de la main-d’œuvre féminine par une entreprise cupide. D’autre part, l’Église a eu aussi recours aux femmes pour défendre sa doctrine sociale aux yeux des employeurs anglo-saxons, juifs ou protestants. Le contexte les pousse à s’organiser pour améliorer leur sort. Ce roman est fort intéressant, d’autant plus que le séjour de Victoria aux États-Unis permet un parallèle avec les filatures américaines qui ne sont guère plus reluisantes. Cette histoire syndicale s’inscrit dans la foulée d’une histoire d’amour susceptible de déjanter toute jeune femme. Mais grâce à son entêtement, Victoria parvient à s’affirmer au-delà des contraintes imposées par la rectitude sociale. Si l’auteur avait troqué sa plume rigide de journaliste pour une écriture romanesque plus originale, son roman serait un chef-d’œuvre.
Les demoiselles aux allumettes... 7 étoiles

Dans l'odeur du soufre, Victoria et deux cents autres demoiselles peinent dans une fabrique d'allumettes où les conditions de travail sont déplorables.
Le sujet et le contexte sont des plus intéressants...
Malheureusement, le style d'écriture est d'une navrante froideur . L'auteure ratisse beaucoup trop large; en ce début de siècle foisonnant de champs d'intérêt tous plus passionnants les uns que les autres et d'une galerie de personnages tout autant fascinants, celle-ci survole superficiellement tous ces éléments en escamotant l'émotion comme les mois et même les années qui séparent certains chapîtres.
Donalda Charron ainsi qu'Elizabeth Gurley Flynn, personnages secondaires importants de cette histoire, furent d'authentiques militantes syndicalistes et socialistes qui ont consacré leur vie à la condition féminine et le journaliste Henri Lessard, chef du bureau de Hull du journal Le Droit d'Ottawa pendant trente ans, a suffisamment marqué son époque, au point où deux villes, Hull et Pointe-Gatineau, ont nommé une rue à sa mémoire...
Si tous les clins d'oeil à ces illustres personnages ont parfait mes connaissances, ils ont néanmoins porté ombrage à Victoria et aux deux cents autres demoiselles aux allumettes, les héroînes de ce roman...!

FranBlan - Montréal, Québec - 82 ans - 3 avril 2007