Rock'n'Roll Babylone : 50 Ans de sexe, de drogues et de tragédies
de Gary Herman

critiqué par Numanuma, le 9 décembre 2005
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Le livre noir du rock n roll
Le problème lorsque je me ballade dans sa librairie préférée pour le fun, c’est que je suis pratiquement sûr de sortir avec un bouquin sous le bras même-surtout-si je me suis promis de ne rien acheter. Et c’est bien ce qui est arrivé avec ce livre à couverture rouge orné d’une photo d’une jeune femme dénudée dans la foule d’un concert dont le visage est barré d’un bandeau «"50 ans de sexe, de drogue et de rock’ n roll ".
Dans la Bible, Babylone est un royaume de Mésopotamie dont la capitale est Babel, dont le roi le plus connu, Nabuchodonosor, est le vainqueur d’Israël. La déesse de la fécondité et de l’amour, Icthar, est vénérée à Babylone et c’est en l’honneur de celle-ci, selon l’affirmation d’Hérodote, que les lois prescrivaient à toutes les femmes de se livrer au moins une fois dans leur vie à la prostitution. Le livre de l’Apocalypse reconnaît en Babylone la « mère des prostituées et des abominations de la terre ».
Capitale des idoles et des vices, Babylone est également dépositaire d’une des sept merveilles du monde : les fameux jardins suspendus, mêlant ainsi l’ignoble à la beauté. Et c’est bien le propos général de l’ouvrage qui nous occupe.
Le fait est qu’avec les rock stars, on ne sait jamais vraiment de quelle côté de la barrière elles se situent.
Adulées par les foules, les stars du rock sont souvent vues comme des icones rebelles à la société et à ses lois. Les ennemis jurés de Babylone. Cependant, on peut aussi les considérer comme les plus grands défenseurs du royaume décadent, gloire, argent et pouvoir aidant. La thèse de cet ouvrage qui laisse un goût étrange dans la bouche est que la confusion est telle qu’il est plausible de concevoir que les rock stars ne sont pas nos amies à nous, les fans.
Le problème est que l’auteur ne tranche pas vraiment la question et que son livre ressemble à une longue liste des pires événements du rock. Alcool, drogue, sexe, violence, politique, pouvoir, mort, groupies, ennui… le rock est un véritable cimetière. Cimetière d’artistes mais aussi cimetière des illusions. Au fil des pages de papier glacé, les noms s’accumulent et s’enlisent : tel est drogué jusqu’aux yeux, tel autre est violent, un autre encore s’est suicidé… Les faits ne sont guère réjouissant et leur énumération donne à penser que l’auteur est écœuré de tout ce cirque. Et comment ne pas l’être devant un tel gâchis de talents perdus.
Connaissez-vous la mort la plus idiote du rock’n roll show ? Celle de Johnny Ace, gloire montante du rythm and blues des années 50 qui n’a rien trouvé de mieux que de perdre la vie en jouant à la roulette russe, le jeux le plus stupide de la planète… La plus honteuse : Elvis sur ses chiottes. La plus bizarre : Brian Jones, Jim Morisson, Hendrix… La plus « la vérité est ailleurs », celle des plusieurs membres de Lynyrd Skynyrd suite au crash de leur avion alors que leur album à venir s’intitule Survivor…
Ajoutons à tout cela une iconographie à la limite du bon goût : le corps d’Otis Redding en train d’être repêché, Sid Vicious se faisant un fix, Paula Yates (ex madame Bob Geldof, ex madame Michael Hutchence de l’inodore, indolore groupe INXS) nue sur une chaise en osier, Keith Moon entièrement à poil sur un lit, la bite au vent ou, bien éméché, en train de rouler une pelle à son guitariste, Pete Townsend… On en passe.
Ecœuré, il y a de quoi l’être or, si l’on en croit la préface, l’auteur adore le rock. OK. Moi aussi, sans cela ma vie serait différente mais je ne suis pas aussi aigri, déçu, juste indigné. Ou résigné. Au-delà des mots, il faut lire l’incroyable chute du rock depuis les années 50 ; de force rebelle il est passé instrument de l’establishment même si quelques uns gardent le feu intact. En admettant qu’il existe encore un feu quelque part…