Le jugement dernier de Bernard-Henri Lévy

Le jugement dernier de Bernard-Henri Lévy

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre

Critiqué par Veneziano, le 19 décembre 2005 (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans)
La note : 7 étoiles
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Jugement du XXème siècle pour liquidation

C'est l'unique pièce de l'auteur, qui veut porter un regard critique sur le XXème siècle finissant, de manière absurde, surtout à la fin, où il fait une sorte d'yeux doux à Ionesco, surtour à la fin qui n'est pas terrible. C'est dommage car la pièce commence plutôt bien.
L'idée générale est assez bonne, en tout cas originale. Anatole, metteur en scène, veut monter une pièce sur le XXème et recherche des témoins privilégiés qui pourraient servir de comédiens. Il est assisté de Maud, avec qui ils a des rapports disons "ambigus", avec qui tout n'est pas totalement rose. Elle lui reproche de ne pas lui présenter l'auteur de la pièce, qui lui a chargé de l'aider pour rôder le texte.
Pour celà, il l'a chargé, avec l'aide de Maud, les fameux témoins qui pourraient s'avérer utile. Au début, c'est intéressant ; mais, au fur et à mesure, c'est moins bien : ça devient gadget, et l'intérêt va decrescendo.
Catherine, dernière infirmière de Lénine devenu sénile, et Martin Holzweg, chef de gare à Auchwitz, nostalgique de la guerre, et membre du parti nazi, car ces trains qui menaient nulle part lui donnaient du travail, sont des personnages dérangeants, mais qui ont le mérite de faire réfléchir sur l'ambivalence de l'humanité. Ils rappellent l'atrocité de l'histoire et servent à s'interroger sur le sort particulier des petites gens. Comment soigner un ex-chef d'Etat autoritaire ? quel recul, surtout, prendre dans le cadre des conversations ? S'il est normal qu'il y eût des chefs de gare en Allemagne dans les années 1940, comment auraient-ils dû réagir, face au commandement de l'autorité légitime ? Avec ces deux personnages, la pièce sert à nous poser de bonnes questions.
De même avec le Professeur français qui enseigna la philosophie au Cambodge, et notamment à Pol Pot. Ses préceptes l'auraient partiellement influencé, selon lui. Il semble - mais dans quelle mesure ? - que ce personnage soit inspiré du Professeur Boudarel.
Vient ensuite le Cardinal italien opportuniste, qui avoue la complaisance de l'Eglise avec le régime soviétique, vu qu'ils ont un ennemi commun, l'Eglise orthodoxe. Il laisse entendre qu'il trouve justifiés les secrets et les silences de l'Eglise : il prétend qu'elle était certaine que le nazisme s'effondrerait, qu'il n'était donc pas la peine de crier au loup. L'Eglise s'est faite donc neutre pour protéger ses propres intérêts.
Ensuite, ça va moins bien : il y a le Maire de Saint-Chamond, donc un Antoine Pinay, vieux Monsieur respectable, encore vivant et centenaire au moment où la pièce est sortie, pour qui tout va bien dans le meilleur des mondes, à l'instar du docteur Pangloss dans Candide de Voltaire, puis Melody Cook, qui gère la charité comme une entreprise médiatique, et qui est très obsédé par la loi du "20 heures", et Tchen, celui qui se dressa devant le char chinois, place Tien An-Men.
On apprend à la fin l'identité de l'auteur de la pièce en train de s'écrire - au sein de la pièce qu'on lit ou qu'on voit jouer - , mais qui ne faisait pas grand doute quand même.

Bien que "passable", la fin est quand même assez amusante et a recueilli l'indulgence de l'adolescent que j'étais quand j'ai lu la pièce, juste après l'avoir vue représenter, au Théâtre de l'Atelier, en décembre 1992, avec Arielle Dombasle, dans le rôle de Maud, avec une perruque brune à la Cléopâtre - très belle aussi - , Pierre Vaneck dans le rôle d'Anatole, Gisèle Casadesus dans celui de l'infirmière de Lénine et Jacques François - décédé en 2004 - dans celui du Professeur.

En reprenant le livre, j'y ai redécouvert, une critique positive d'Elie Wiesel, du Figaro, du 5 janvier 1993 : " "Tableaux d'exposition" à la Moussorgski ? Une promenade haletante d'un thème à l'autre, d'une époque à l'autre ? On dirait aussi un bilan. Lucide, courageux, enveloppant les événements néfastes de l'époque contemporaine. Les déceptions inhérentes aux premières promesses du communisme, la trahison des êtres simples dans leur soumission au pouvoir nazi, la responsabilité de l'intellectuel * dans l'aventure sanglante de PolPot : où et quand les choses ont-elles mal tourné pour que l'humanité assoiffée de fraternité dans la souffrance subie ou imposée ? / Je ne me considère pas critique de théâtre, mais je sais pour l'avoir vu que le jeu des comédiens est tout simplement admirable. J'affirme aussi que tout ce que Bernard-Henry Lévy fait et dit sollicite notre attention. Les problèmes qu'il pose et qu'il examine nous interpellent avec sa puissance d'expression habituelle. Comme dans ses essais où il démasque brillamment la barbarie idéologique à l'extrême-droite comme à l'xtrême-gauche, l'auteur touche dans cette comédie métaphysique qu'il veut tragique, et inversement, à ce qui constitue l'essence même du projet humain pour une société oscillant entre l'attrait de la mort et la séduction de la farce rédemptrice (...)".

Avec tous ces éléments et, en sus et surtout, la lecture du livre, vous avez de quoi avoir une opinion précise.

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