Matisse-Derain : Collioure 1905, un été fauve
de John Klein, Joséphine Matamoros, Dominique Szymusiak, Jack Flam (Co-auteur)

critiqué par Jlc, le 28 décembre 2005
( - 80 ans)


La note:  étoiles
le bonheur de vivre
C’est en 1905 que Picasso peint « Les demoiselles d’Avignon » qui va révolutionner la peinture moderne. C’est aussi l’année où Matisse découvre le petit port de Collioure et va, lui aussi, inventer un nouvel art de peindre, le fauvisme.

Bien que la France soit un pays très (trop) centralisé, Paris n’a pas, heureusement, l’exclusivité des très belles expositions. Celle organisée à Céret et, jusqu’au 22 janvier au Cateau (Nord), « Matisse-Derain, Collioure 1905, un été fauve », est un magnifique hommage à ce moment privilégié dans l’histoire de la peinture du XXème siècle. Courez-y tant qu’il est encore temps.

Le catalogue de l’exposition est tout à fait remarquable, précis sans être rébarbatif, chargé de vie sans être anecdotique, admiratif sans être flagorneur. Et, bien sûr, les reproductions sont très soignées, parfaitement choisies et d’un rendu excellent.

Donc, le 16 mai 1905, Matisse, né au Cateau en 1869, homme du Nord, « des ciels bas et des paysages gris », arrive à Collioure, pays de « lumières fortes et d’ombres claires ». L’année précédente, il a bien passé quelques temps à Saint-Tropez mais c’est à Collioure qu’il va le mieux ressentir cette révélation de la lumière. Collioure va redonner confiance à un artiste angoissé, incertain, un homme qui doute. Ici personne ne le juge, à l’inverse de Saint-Tropez où Paul Signac imposait une présence trop contraignante et finalement inhibitrice. Mais bien vite il se sent seul et invite ses amis à venir le rejoindre pour partager avec lui cette émotion, cette découverte. André Derain, son cadet de 16 ans, sera le premier à répondre à cet appel, début juillet.

Pendant un mois et demi, les deux artistes vont travailler ensemble, échanger leurs points de vue, s’enrichir de leurs trouvailles pour finalement abandonner le néo-impressionnisme et avancer vers le fauvisme. Ils peignent essentiellement des paysages, souvent les mêmes mais sous des angles variés, à des heures différentes et toujours chacun de son côté. Ce n’est qu’ensuite qu’ils comparent leurs travaux. Ah les roses de Matisse et les bleus de Derain ! S’ils font aussi quelques portraits et, notamment, de très beaux portraits croisés, ce sont les paysages ( toiles, aquarelles, dessins) qui dominent cette période exceptionnellement créatrice.

L’exposition et son catalogue explosent de ce bonheur de vivre qui sera le titre d’un des plus beaux Matisse de cette période, hélas non exposé. Mais le catalogue va au-delà de l’exposition et reproduit toutes les œuvres majeures de cette époque qui n’ont pu être transportées. C’est le règne absolu de la couleur et c’est tout à fait magnifique.

Derain quitte Collioure le 24 août 1905 et n’y reviendra plus. Matisse rentre à Paris début septembre et il y reviendra les années suivantes jusqu’en 1914. « L’épisode fauve » ne durera guère plus d’une année mais il est déterminant pour la suite.

Ce bonheur de vivre est remarquablement illustré dans ce catalogue qui raconte bien ce moment magique, intense, cette recherche de la couleur à l’état pur.

On referme ce livre, heureux…avant de l’ouvrir à nouveau et découvrir que la magie opère encore. Et ce bonheur de vivre de l’artiste devient alors le nôtre.
D'autant plus révolutionnaire 9 étoiles

Le fauvisme sera d'autant plus révolutionnaire avec l'emploi de couleurs bien souvent criardes que Picasso sortait de ses périodes bleue et rose. Ses fameuses "Demoiselles d'Avignon" marqueront un réel tournant dans la peinture, tant dans la forme que dans la couleur. Suite à l'ensemble de ces oeuvres, il va à nouveau révolutionner l'art en donnant davantage d'importance aux formes qu'aux couleurs. Il y aura l'influence de l'art "nègre" qui le portera vers le cubisme et par la suite à d'autres expériences. C'est de ce moment que l'on pourra vraiment parler d'"art moderne" Une autre vison des formes...

Une énorme source d'informations que ces catalogues d'expositions !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 29 décembre 2005