Un coeur de trop de Brina Svit
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un cœur à prendre
Un cœur de trop ? C’est le titre mi-« eau de rose », mi-flaubertien, que l'écrivain franco-slovène Brina Svit a choisi pour son deuxième roman écrit directement en français (après « Moreno »). Un roman à l’essence subtile, insaisissable, audacieuse et folle, pareille à celle des parfums de son héroïne, « Parfum de Lila » ou « Secret n° 3 ».
« Un cœur de trop », quelques phrases pourraient suffire à résumer ce roman, même si ce n'est pas le roman d'un cœur simple. Oui, cela est tout à fait envisageable, c’est d’ailleurs ce que dit Lila Sever à propos du « petit roman » qu’elle est en train de lire.
Lila pourrait vous dire que ce roman, c’est l’histoire d’une femme qu’un incident, en apparence anodin, fait soudain sortir de sa vie. Ou encore que c’est l’histoire d’une rencontre imprévue et bouleversante. Mais toutes les rencontres, les vraies, ne sont-elles pas imprévues et bouleversantes ? Lila pourrait aussi vous dire que l’histoire qui lui arrive est celle d’un impossible amour. Ou encore, si elle avait le « nez littéraire », l’histoire d’un roman dans le roman. Celle qu’elle découvre, justement, dans le manuscrit de Matija Sever, son père. Sauf que l’histoire dont elle lit le récit sous la plume de Matija, est sa propre histoire. Une histoire vraie donc, celle de Lila Sever au tout début de sa vie. Une histoire dont le puzzle se reconstitue pièce par pièce.
Qui s’aventure dans les romans de Brina Svit doit être patient. Il faut accepter de prendre des chemins de traverse, de se laisser conduire en suivant un « fil rouge » ténu ou de se laisser guider par les quelques leitmotive qui sourdent sous l’écriture. L’histoire de Lila Sever, c’est tout cela à la fois. Et la suivre dans «Un coeur de trop », c’est se demander avec elle comment il est possible que la vie puisse prendre, du jour au lendemain, une direction tout autre que celle prévue. Se dire que tout peut basculer à tout moment. Cet effet de basculement, c’est cela qui arrive à Lila Sever. Qu’elle a peut-être hérité de sa mère, « la petite brune » … aux yeux « d’un vert étonnant, limpide et froid comme deux lacs alpins ». Lila l’imprévisible et l'indomptable, qui ne fait que le contraire de ce qu’elle s’était juré de ne pas faire.
Ne pas s’attarder dans cette maison au bord du lac et rentrer à Paris sitôt les obsèques de Matija terminées ! Retrouver sa vie bien huilée avec Pierre, son mari, et Oscar, leur fils ! Réintégrer le trio brahmsien bien rôdé de Simone-Pierre-et-Lila ! Simone, l’amie des vingt ans, collectionneuse sentimentale et un brin farfelue. Mais capable d’abandonner tous ses rendez-vous d’affaires pour voler au secours de Pierre et de Lila.
Au lieu de cela, Lila s’éternise dans sa maison slovène au bord de ce lac alpin entouré de montagnes. Un lac qu’elle n’a pourtant jamais aimé et qu’elle trouve vraiment, mais vraiment trop « kitsch ». Mais peut-être après tout Lila est-elle en train de devenir « kitsch », elle aussi, à force de s’incruster dans cette maison des brumes hivernales. À force de se plonger dans la lecture du manuscrit de Matija. « Un cœur de trop ». Tout en attendant le retour de Sergueï. Sergueï ? Elle raffole qu’il lui demande si elle veut faire l’amour... d’abord et manger des spaghettis... ensuite. Ou bien l’inverse. Il faudra bien que tout cela prenne fin un jour ou l'autre, ce soir ou demain, mais Lila a beau imaginer plusieurs issues possibles, comme le ferait un romancier pour venir à bout de son personnage et de son récit, elle ne parvient pas à trouver la sortie. Et quand enfin elle a tranché, une force extérieure intervient, qui la détourne de son choix. Mais dévoiler la pirouette finale de ce récit mené « con brio » serait lui confisquer sa douloureuse saveur. Que domine le cri de révolte et de lucidité de Lila : « Matija a tout faux : on peut souffrir, on peut se tromper, on peut perdre, on peut avoir mal, on peut commettre l’irréparable, on peut errer dans les ténèbres, on peut se sentir coupable, misérable et ne rien comprendre… mais il n’y a jamais de cœur de trop dans nos vies, non, jamais… »
La chute de cette cruelle leçon de « marivaudage » qui fourmille de trouvailles et de formules drôles, est à l’image du style de Brina Svit. Qui pratique en virtuose l’art du glissando. Art subtil et périlleux qui fait de l’écriture de Brina Svit un contrepoint polyphonique inimitable. Du grand art assurément. Mais l’ambition suprême de Brina n’est-elle pas de faire de la vie – de sa vie - une œuvre d’art ?
Les éditions
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Un coeur de trop [Texte imprimé], roman Brina Svit
de Svit, Brina
Gallimard / Blanche
ISBN : 9782070776733 ; 17,15 € ; 26/01/2006 ; 204 p. ; Broché -
Un coeur de trop [Texte imprimé] Brina Svit
de Svit, Brina
Gallimard / Folio
ISBN : 9782070347971 ; 3,20 € ; 08/11/2007 ; 248 p. ; Poche
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Amour du soir
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 3 juillet 2013
Elle veut vivre cet amour du soir de la vie avec l’homme qu’elle a rencontré dans la nuit, vivre une idylle peut-être éphémère, ils le savent bien, mais elle veut vivre ces instants pleinement sans se préoccuper de savoir ce qui arrivera plus tard, elle veut connaître encore l’amour car à quarante ans on peut encore aimer et vivre des choses exaltantes. Dans la maison léguée par son père, elle trouve un manuscrit qui raconte son enfance, alors elle ne peut plus quitter ce lieu où est son histoire, où est son nouvel amour, où sont ses racines qu’elle n’a jamais cultivées jusqu’alors.
Brina Svit reconstitue le trio rituel mari, épouse, meilleure amie, qui se confronte aux contours de la quarantaine en déterrant les fantômes de la jeunesse quand le mari a choisi entre les deux femmes, un voyage dans le temps et l’espace au gré des souvenirs et humeurs. Brina est une grande spécialiste des affaires cœur et notamment des amours tardifs, elle décortique les sentiments et les états d’âme avec une précision chirurgicale plongeant le lecteur au cœur des passions qui se nouent et se dénouent sous sa plume avec une grande légèreté et beaucoup d’élégance. Le métier de Lila, nez dans la création de parfums et arômes, lui permet de donner une touche très sensuelle à son texte où les odeurs prennent une place prépondérante.
Avec de très nombreuses références culturelles qui dépassent largement le cadre habituel de la littérature et de la musique, elle montre l’étendue de sa culture, une culture bien parisienne pour une Slovène. Elle écrit l’amour, l’amour difficile, l’amour qui demande des sacrifices, l’amour qui mérite bien ces sacrifices. Un amour vaut toujours la peine d’être vécu, les Slovènes ne sont pas slaves mais Brina Svit semble avoir l’âme bien sentimentale dans cette histoire empreinte de romantisme.
le lac gelé
Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 12 mars 2011
Une histoire entre deux cultures
Critique de Mr Grille-Pain (, Inscrit le 26 janvier 2009, 39 ans) - 26 janvier 2009
Le roman est construit sur deux plans. En Slovénie, on vit avec Lila les retrouvailles, le changement de vie. Parallèlement nous est conté son retour en France, à travers les yeux de sa meilleure amie, Simone, qui en profite pour faire une rétrospective mentale de sa vie avec Lila. On y découvre son passé, ses habitudes, la relation qu’elles ont toutes deux avec un homme, mari de Lila, ancien amant de l’autre.
Ce roman profite de la situation de Lila pour évoquer la thématique des différences culturelles. Celles que Lila ressent en France, celles qu’elle éprouve en retournant en Slovénie. Le fait qu’on soit ainsi attaché à deux pays a pour conséquence qu’on n’appartient plus vraiment à l’un ni à l’autre.
Cette identité à mi-chemin entre les deux nationalités se retrouve régulièrement tout au long du roman :
- Dans le métier typiquement français de Lila : nez, pour un parfumeur de renom.
- Dans sa façon plus slovène de mépriser Bled et son lac, lieu superficiel que le touriste aimera pourtant visiter, par rapport à celui de Bohinj (à peine évoqué), plus sauvage, plus naturel, plus difficilement accessible, qui aura la préférence des autochtones.
- Dans l'amour de Lila pour le bon vin, partagé par la France et la Slovénie, deux pays viticoles.
- ...
Pour finir, il est intéressant de savoir que Brina Svit a rédigé ses plus récents romans - dont Un coeur de trop - en français, contrairement à Mort d'une Prima Donna slovène, par exemple, qui nous a été traduit du Slovène.
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