L'Etoile des mers de Joseph O'Connor

L'Etoile des mers de Joseph O'Connor
( "The Star of the sea")

Catégorie(s) : Littérature => Romans historiques

Critiqué par Sahkti, le 6 février 2006 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 148ème position).
Visites : 6 521  (depuis Novembre 2007)

Grande famine irlandaise

En 1847, un bateau (L’Etoile des Mers) quitte l’Irlande à destination de New York. La Grande famine (qui a fait plus de deux millions de victimes) fait fuir tout le monde, riches ou pauvres, des centaines de personnes entassées à bord d’un navire, dont beaucoup mourront pendant la traversée. Une galerie de personnages hétéroclites. Un ensemble de récits à la première personne, racontant les péripéties du voyage, les états d’âme des exilés. Le principe de départ de O'Connor m’a plu : il voulait raconter la misère irlandaise, mais loin des chiffres, de la grande Histoire, des textes scientifiques (parfois ennuyeux), tout en restant proche de la réalité. La fiction pouvait convenir, à condition de la rendre humaine. Dans un entretien accordé au journal belge Le Soir du 2 juillet 2003, O'Connor a cette jolie phrase : "Dans mon livre, tout est vrai et tout est inventé". L’étoile des mers est un roman (l’auteur refuse le terme de roman historique) qui mêle les mémoires des personnages, leurs souvenirs, plus ou moins fiables.
Quelques passages savoureux, comme ceux dans lesquels Dixon, le journaliste narrateur du récit, promet la vie sauve à de pauvres passagers en échange de leurs confessions. Caricature avant-gardiste du journalisme-sensation et de l’exploitation du malheur. Esquisses de familles qui entent d’oublier le chagrin d’avoir perdu un être cher en lisant son nom dans un magazine quelconque. O'Connor a entrecoupé les récits fictifs de témoignages véritables d’exilés irlandais, histoire de nous rappeler sans arrêt qu’il y a eu des morts et que ce n’était pas du tout une partie de plaisir. C’est également une approche réaliste de la pauvreté, irlandaise dans le cas présent, mais nous savons tous que la pauvreté est universelle dans ses conséquences et ses symptômes. Un roman historique d’actualité.

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Déroutant mais fort

7 étoiles

Critique de Echo (Aquitaine, Inscrite le 25 avril 2013, 46 ans) - 5 octobre 2013

L'étoile des mers est un curieux roman: il est très déroutant dans sa conception d'allers et retours qui conduit à une sorte d'immobilisme paradoxal et perturbant aussi avec l'insertion des documents dans le récit (lettres d'immigrés vantant le pays de l'Eldorado, lettres d'Irlandais appelant au secours, illustrations et articles de presse) . Cependant, un livre fort et terrible, sans faux-semblants pour faire toucher ce qu'était la misère et utile pour découvrir un pan d'histoire parfois dissimulé et surtout pour comprendre la tension anglo-irlandaise toujours d'actualité.

Impressionnant

8 étoiles

Critique de Jmb33 (, Inscrit le 6 novembre 2011, 63 ans) - 6 novembre 2011

Roman puissant, au souffle impressionnant. Le sujet : des émigrés irlandais traversent l'atlantique sur L'Etoile des mers, les riches en première classe et les pauvres dans l'entrepont. On est en 1847, la famine sévit depuis de nombreux mois en Irlande , beaucoup de passagers meurent de maladie et d'affaiblissement. Certains d'entre eux sont pourtant liés par une histoire commune, qui conduira au meurtre annoncé d'un aristocrate. Les voix sont multiples, la progression de l'intrigue n'est pas linéaire, faite de retours en arrière, de citation de journaux d'époque. Mais au final, si le meurtre annoncé a bien lieu, l'assassin n'est pas celui qu'on croit. Je lirai certainement d'autres romans de Joseph O'Connor.

Traversée de la dernière chance

7 étoiles

Critique de Miss teigne (, Inscrite le 6 mars 2008, 43 ans) - 8 octobre 2008

"L’Etoile des mers" est un roman noir et mélancolique axé sur la famine ayant frappé l'Irlande en 1847. Les classes les plus démunies, comme toujours, furent les plus rapidement et durement touchées par le fléau. A bord du navire qu'est l'Etoile des mers, bien que le but de chacun - indépendamment de la classe à laquelle il appartient - soit d’échapper à la disette, le contraste entre le confort des riches et la privation des pauvres reste très appuyé. Ces derniers agglutinés dans les cales du bateau qui les emmène vers cet Eldorado qu’est l’Amérique, cohabitent avec les rats, crevant les uns après les autres de faiblesse ou de maladies pendant que les classes aisées festoient malgré tout dans les salons. Pourtant, cette iniquité est plus ou moins mal vécue par un des personnages principaux.

Un récit empreint de beaucoup d’espoir également. Un espoir animé par un sentiment d’urgence et qui renforce la détermination de ces âmes accablées à connaître une vie meilleure, quitte à risquer leur vie dans une traversée de tous les dangers.

C’est aussi l’histoire d’une Irlande torturée qui pose également la question de la responsabilité des héritiers quant aux fautes commises par leurs ancêtres. Doit-on porter le fardeau des péchés de nos pères ? David Merridith est la cible de tueurs prompts à lui faire payer les manquements et cruauté de son paternel. Quant à Dixon, l’Américain, la culpabilité de l’esclavagisme pratiqué par sa famille le taraude, c’est pourquoi il se veut le porte-drapeau, un peu vénal et racoleur, des Irlandais affamés.

Au pays de la famine

7 étoiles

Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 8 janvier 2008

Joseph O'Connor revient sur un épisode tragique de l'Irlande : la grand famine qui a marqué les années 1845-1850.

A cette époque, le peuple irlandais est surtout composé de métayers payant de lourds fermages aux propriétaires des terres, constitués en majorité d'anglais.
Ces fermiers vivent dans une grande misère et se nourrissent presque exclusivement de pommes de terre. Après plusieurs récoltes successives ravagées par le mildiou, les irlandais n'ont plus aucune ressource pour se nourrir. Un hiver très froid empêchant tout travail extérieur aggrave encore un peu plus la situation.
Très vite, les maladies apparaissent : typhus, dysenterie, scorbut, épidémie de choléra.
A défaut de pouvoir payer leurs tributs à leurs riches propriétaires, les métayers se retrouvent chassés de leurs terres. Que faire sans nourriture, sans bien, sans travail, sans foyer ?
Beaucoup pensent que la seule solution consiste à émigrer aux Amériques.

L'étoile des mers est le nom de l'un de ces navires vétustes qui traverseront les 5 000 kilomètres de l'océan Atlantique pour rejoindre la destination de New York. On appelle ces navires des bateaux cercueils car un grand nombre de passagers sont dans un tel état de faiblesse qu'ils ne survivent pas à la traversée.
L'étoile des mers ne fera pas exception à la règle.

A bord, une quinzaine de privilégiés se partagent les cabines de 1er classe, tandis que les 402 passagers ordinaires essayent de survivre dans des conditions déplorables à l'entrepont. Parmi eux, un homme étrange erre chaque nuit sur le navire. Qui est-il ? Quels sont ses funestes projets ? David Merridith, un aristocrate sans le sou, ignore encore que ses jours sont désormais comptés.
Joseph O'Connor nous parle du pays de la famine à travers le passé et la destinée des passagers du navire, tout en mêlant à cette fiction de vraies lettres d'immigrés irlandais, des articles de presse, des chansons du peuple.
Plus qu'une traversée de l'océan, l'auteur nous convie au voyage en plein cœur d'une des plus grandes tragédies du peuple irlandais : la famine, qui dépasse aussi largement le cadre de l'Irlande de par sa présence actuelle dans d'autres parties du monde.

Quelques chiffres résumeront à eux seuls l'ampleur du désastre: sur les huit millions d'habitants irlandais en 1845, un million et demi seront morts en 1850 et un autre million d'habitants auront émigré.
Rien qu'aux États-Unis, plus de 40 millions de personnes sont d'ascendance irlandaise.


Citation[p.155] :

Mulvey se mit à réfléchir à une évidence qui tourna bientôt à l'idée fixe. Tout le monde admirait les chanteurs ; ils étaient à la fois mémorialistes, chroniqueurs, garants de la tradition, biographes. Dans un pays où presque personne ne savait lire, ils étaient les hérauts du passé, de véritables livres ambulants.
(...) Mulvey avait parfois l'impression que, s'ils n'avaient pas été là, personne ne se souviendrait de rien, et quelque chose dont on n'a pas le souvenir n'a pas vraiment eu lieu.
Un chanteur faisait partie de la même famille que la guérisseur, le rebouteux, la sage-femme capable de soulager les douleurs à l'aide de potions secrètes, ou le bohémien qui domptait les chevaux rien qu'en leur parlant. Quant aux compositeurs, ils étaient vénérés.
(...) Une nouvelle ballade était accueillie avec autant de joie qu'une bonne moisson. Et si la complainte était particulièrement bonne, elle était saluée à l'instar d'une naissance.
(...) Insulter un compositeur portait malheur. On les craignait autant que des magiciens ; si vous les mettiez en colère, vous pouviez vous retrouver dans une chanson et l'on se moquerait de vous pour l'éternité même si l'on ne se souvenait plus de la raison.

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