Les cahiers de don Rigoberto
de Mario Vargas Llosa

critiqué par Jules, le 23 juin 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
La solitude des nuits de don Rigoberto
Ce livre est la suite de « Eloge de la marâtre ». Dona Lucrecia
a été chassée de la maison de don Rigoberto qui lui a loué une autre maison du village.
Elle est partie avec sa fidèle bonne, Justitiana. Quant à Alfonso, il s'est mis en tête de réconcilier son père et sa belle-mère. Il fera tout pour qu’elle puisse rentrer et ira jusqu'à faire preuve de dons assez diaboliques pour son jeune âge.
Presque chaque jour, en cachette de son père, il passera chez dona Lucrecia, là où règne cette ambiance féminine, un peu trouble, qu’il affectionne tellement.
Quant à don Rigoberto, il se languit de ses nuits avec le corps voluptueux et généreux de dona Lucrecia à ses côtés. Mais il ne semble pas prêt à envisager son retour dans le grand lit conjugal.
Un échange de correspondance, un peu mystérieux, a pourtant pour effet d’enflammer le désir que chacun des époux peut avoir pour l’autre.
Ecoutez cet extrait d’ « une lettre de dona Lucrecia à don Rigoberto » : « J'ai été une petite marquise de Watteau, une nymphe du Titien, une Vierge de Murillo, une Madonne de Piero della Francesca, une geisha de Foujita et une traînée de Toulouse-Lautrec. J'ai eu du mal à faire les pointes comme la ballerine de Degas et, crois-moi, pour ne pas te décevoir, j’ai même tenté, au prix de bien des crampes, de me transformer en ce que tu appelles le voluptueux cube cubiste de Juan Gris. »
Les cahiers de don Rigoberto ne contiennent pas que des pensées sur Lucrecia. Ils abordent également des sujets divers, comme « Diatribe contre le sportif », « l'Odeur des veuves », « Lettre au lecteur de Playboy ou traité minime d’esthétique ». Certains sont intéressants, d’autres le sont moins.
Ce livre, tout en gardant le ton enlevé, humoristique et sensuel d'«Eloge de la marâtre», semble cependant un peu plus dispersé que ce dernier.
Suite de "Eloge de la marâtre" 6 étoiles

« Les cahiers de don Rigoberto » sont la suite de « Eloge de la marâtre ». Cela je ne l’ai constaté qu’après avoir lu le roman et … avoir été passablement dérouté. Car en fait, le déroulement du roman, déja en lui-même plutôt compliqué, devient limite hermétique pour qui n’a pas suivi, comme moi, les évènements qui ont constitué l’ « Eloge de la marâtre ».
Il y est fait régulièrement allusion. On comprend que c’est à cause d’Alfonso, fils de don Rigoberto, que ce dernier a chassé de sa maison sa femme bien aimée ; dona Lucrecia, accompagnée par sa fidèle servante ; Justiniana. On le comprend à force d’allusions mais ça reste compliqué d’autant que la technique adoptée par Mario Vargas Llosa d’entremêler les fils du réel et ceux du fantasme ne permet pas de faire rapidement la part des choses.
Donc, don Rigoberto s’est séparé de dona Lucrecia et passe ses nuits (ses jours aussi) à regretter celle-ci. La même dona Lucrecia ayant pour le moins une attitude trouble vis à vis d’Alfonso, très jeune fils de don Rigoberto (dont elle est la belle mère) et qui, de par ses manifestations vis à vis de celle-ci a conduit au clash (cf « Eloge de la marâtre » ?). Et don Rigoberto, se languissant de dona Lucrecia, de son corps, de sa présence, en est réduit aux fantasmes. Fantasmes les plus divers, les plus variés, qui conduisent Mario Vargas Llosa à aborder au fil des chapitres de petits apartés, qui seraient tirés des fameux « cahiers de don Rigoberto », et qui alimentent sa réflexion.
Si bien qu’en dehors du fil rouge que constituent les curieuses intrigues menées par Alfonso, bien machiavélique pour son âge ( ?), pour « réparer sa faute », à savoir ramener les deux époux à la réconciliation et la vie commune, le reste est curieux et fait penser à une juxtaposition d’histoires.
Peut-être est-ce faute de n’avoir pas lu «Eloge de la marâtre » qui m’a fait me sentir spectateur, au bord du chemin, peut-être pas seulement.
Je ne saurais dire pourquoi, dans la démarche, les propos, les obsessions fantasmatiques de don Rigoberto ( ?), ce « cahier … » m’a parfois fait penser à « Belle du seigneur » d’Albert Cohen. Car c’est très bien écrit. D’une écriture neutre, comme simplement au service de l’histoire. Beaucoup de fond sous-jacent, pas de doute, mais il m’a fallu m’accrocher.

Tistou - - 68 ans - 21 août 2007