L'appareil-photo de Jean-Philippe Toussaint

L'appareil-photo de Jean-Philippe Toussaint

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nothingman, le 21 mars 2006 (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 022ème position).
Visites : 5 195  (depuis Novembre 2007)

Les instantanés

Avec cet "appareil-photo", Jean-Philippe Toussaint crée ici un bien curieux personnage, genre de double autobiographique. Un personnage fantasque qui décide un beau jour d'apprendre à conduire. Mais pour cela, il faut s'inscrire à l'auto-école et remplir une série de formalités assez simples. Sauf pour notre héros qui va trouver prétexte des sous dites formalités pour investir régulièrement son agence d'auto-école. Un document par ci, un document par là, ce monsieur sans gêne usera de toutes les excuses pour passer de plus en plus de temps dans l'agence. A moins que ce ne soit pour deviser avec la jolie employée, Pascale Polougaïevski dont il va tomber progressivement amoureux.
Par la suite, il vivront tous les deux des aventures rocambolesques comme vouloir changer une bouteille de Gaz Primagaz au supermarché du coin (qui n'accepte que les Thermogaz!) ou encore se rendre chez un pédicure milanais parce qu'il souffre des pieds. Des aventures folles, on vous disait.
Mais là réside la force de Toussaint. De ces petits moments de rien du tout, de ces micro-événements, il tire une importance insoupçonnée. Chaque instantané est prétexte à réflexion, à des digressions sans fin pour ce héros à la fois présent et sur une autre planète. Le style de l'auteur, fait de phrases longues et sinueuses renforce cette idée de réflexion perpétuelle. Et un humour discret, toujours présent.
Il reste néanmoins que "L'appareil-photo" n'est pas aussi abouti que "Faire l'amour" ou "Fuir", ses derniers romans, magnifiques tous les deux.

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Hilarant... mais pas seulement

6 étoiles

Critique de Rosmarine (, Inscrite le 22 février 2012, 41 ans) - 20 avril 2012

D’abord, L'appareil-photo, plus encore que La Salle de bains, est un livre absolument hilarant. C’est drôle, spirituel, loufoque. On sourit souvent, et l’on rit parfois franchement. Mais d’où vient cet humour et sur quoi repose-t-il ? Car en apparence, le récit est lisse, très descriptif, très objectif, sans psychologie ni sans jugement.
Le ressort comique, si l’on regarde bien, est à multiple détente :
1./ Dans l’absurdité de situations qui mettent à mal les codes sociaux et la plus élémentaire bienséance, qui ne mènent nulle part, qui s’agencent sans logique aucune (boire un petit verre dans la salle d’attente du podologue, allumer un camping gaz dans l’école de conduite pour pique-niquer avec une monitrice que le narrateur connaît depuis deux jours, fouiller dans son sac et y trouver un frottis dans une enveloppe…)
2./ Les descriptions sont tellement précises qu’elles fouillent et mettent au jour des détails qui tuent. L’auteur parodie également une forme de grandiloquence… et, en accordant de l’importance à des choses insignifiantes, touche au burlesque.
3./ L’auteur commente son récit en de nombreux apartés entre parenthèses, qui sont comme autant de clins d’oeil complices au lecteur.
4./ Le lexique est lui-même source de drôlerie, soit que les mots véhiculent des images (les autos-école maladroites sont des albatros ; le mono « encule » une chevalière), soit qu’ils semblent gratuitement sophistiqués (noctiluque, pacfung).

Mais le livre ne se contente pas d’être drôle.
Si Toussaint s’amuse à parodier tantôt le roman d’amour, tantôt le roman philosophique ou le road trip initiatique (le protagoniste est toujours dans un avion, un train, un bateau, un hôtel)…, le ton change à mi-parcours. Imperceptiblement, on quitte l’ironie et la moquerie pour une évocation plus grave du passage du temps, d’une forme d’angoisse métaphysique.

Faire tenir ensemble les deux infinis, l’attention à l’insignifiant et à ce qui nous dépasse, la désinvolture et la profondeur, c’est sans doute le propre du « roman infinitésimal », que Toussaint essaie de définir a posteriori, dans un entretien reproduit en annexe à l’édition de 2007.

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