Terre mécanique, tome 1 : Océanica
de Patrick Fitou (Scénario), Jean-Baptiste Andréae (Dessin)

critiqué par Shelton, le 26 mars 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Quelle heureuse surprise !
Bienvenus êtes-vous à la fête donnée ce soir par le capitaine du Mékaton. Tous les passagers sont invités et costumés et je suis certain que nous allons passer un bon moment tous ensemble… D’ailleurs, ne voilà-t-il pas que le capitaine va commencer son discours…
« Chers amis… que la fête commence !!! »
Miss Edmée est venue avec son fils Bruno… Mais le jeune garçon semble ne pas partager l’avis de tous les invités…
« Et dire que c’est comme ça tous les soirs… »
Heureusement, ce soir, il va y avoir de l’animation car la fête est interrompue de façon violente par Philéon, un être hybride, mélange d’humain et de rhinocéros…
En lisant ces quelques lignes, vous vous dites que nous sommes en train d’ouvrir une bande dessinée pour jeunes adolescents, une belle aventure qui ne mérite pas plus notre attention que cela… Et pourtant…
Dans mes notes personnelles, pour qualifier cette œuvre, j’ai utilisé le mot de burlesco-philosophique. Oui, je sais bien que ce terme n’existe pas réellement, mais il donne le ton de l’histoire.
Ces fêtes à bord d’un navire hors norme, ce capitaine pas très intelligent qui tous les soirs, après avoir ouvert la fête, se préoccupe de savoir :
« J’étais bien ? »
Sans compter ses tables couvertes de victuailles, les coursives dorées et archi-luxueuses du paquebot, les tenues des grooms… Tout est baroque, burlesque et prête à rire…
Mais, dès que l’on se plonge dans une lecture attentive de ce premier tome de terre mécanique, on comprend que les propos des auteurs sont plus poussés que les apparences. C’est quoi vivre ? Faire la fête tous les jours ? Manger, danser, se costumer et attendre la fête suivante ? Et pourquoi empêche-t-on Philéon de quitter le bateau ? Certes, nous sommes en plein océan, mais là-bas, au loin, il doit bien avoir des terres… De quoi sont-elles recouvertes ? Tous les vivants font-ils la fête ainsi ?
Ce qui nous surprend le plus c’est ce personnage de Finoiseau… Un corps d’homme, une tête de rapace, et une violence démentielle. C’est lui, l’amiral des forces spéciales, qui pourchasse Philéon et qui est prêt à tout pour l’empêcher de quitter le bateau…
Le texte est exquis, parfois léger comme les fêtes à bord, de temps en temps grave comme les interrogations existentielles de Philéon ou Bruno… un Bruno qui voit arriver une jeune fille dans sa vie et qui est prêt à affronter toutes les interdictions par curiosité… fuir, peut-être par amour, enfin amour naissant…
Le dessin et les couleurs, fruit du travail de Jean-Baptiste Andeae, sont tout à fait à la hauteur de cette histoire démarrée par le scénariste Patrick Fitou que Andreae reprendra seul à son compte dans les deux tomes suivants…
J’ai été ébloui et séduit par cette histoire qui se révèle être bien plus qu’une petite aventure. La bande dessinée mûrit, grandit et devient philosophique… enfin, non, tout simplement humaine, dans tous les termes, donc, elle n’hésite plus à aborder les sujets existentiels…
C’est véritablement à lire ! Attention l’histoire est en trois tomes. Le premier a pour cadre unique le bateau, et dès que nous le quitterons, nous prendrons le temps de venir en reparler…