Le désert de l'amour
de François Mauriac

critiqué par Lileene, le 1 avril 2006
( - 40 ans)


La note:  étoiles
Stérilité des passions
Raymond Courrèges a trente-cinq ans lorsqu'il retrouve par hasard la femme qu'il a aimée dix-sept ans plus tôt et qui l'a rejeté. Pendant toutes ces années, il a rêvé de se venger d'elle pour avoir repoussé cette passion aussi sincère que maladroite qu'il lui a manifesté durant son adolescence.
Le visage de cette femme aimée, vieilli mais toujours beau, fait ressurgir un flot de souvenirs. Moments passés à se regarder dans un tramway, attentes, désirs inassouvis et rivalité avec ce père, lui aussi amoureux de cette femme qui avait alors vingt-sept ans.
"Le désert de l'amour" est un roman presque cynique, décrivant la stérilité de passions qui peuvent durer une vie entière. François Maurias m'a fait entrer au coeur des sentiments des personnages, de leurs doutes, de leurs difficultés. Un récit mélancolique mais pas moins magnifique.
Bien écrit. 4 étoiles

Je connaissais François Mauriac de l'Académie Française mais je ne l'avais jamais lu. Le désert de l'amour c'est effectivement un désert. Il écrit bien certes, c'est un bon écrivain mais quand à l'histoire c'est très redondant, des phrases mises bout à bout. Il y a beaucoup d'explications de textes, un père et une mère, pis on a l'impression que toute l'histoire se passe dans la cuisine. Mais bon parfois il y a une coupure de courant mais après cela s'arrête là. Il n'y a rien, des amourettes, des regards et des pré sentiments, mais tellement vagues qu'on se noie dans l'incertitude et dans l'ennui profond, on se noie même dans l'océan Atlantique et en particulier dans le bassin d'Arcachon. Pis on ne comprend pas ce clivage entre les bordelais et les basques, ça n'a rien à voir avec l'histoire.

Obriansp2 - - 54 ans - 17 octobre 2017


Un père et un fils sous l'emprise d'une même femme ou la vie d'une Phèdre contemporaine 10 étoiles

Raymond Courrèges se retrouve dans un bar à jazz pas loin d'une femme qui l'a grandement marqué durant son adolescence. Et voilà que l'on replonge dans la jeunesse de ce personnage dont le père, médecin de village, était aussi sous le charme de Maria Cross, femme violemment critiquée pour ces mœurs. Qu'en est-il ?

François Mauriac était captivé par le mythe de Phèdre. Nombreux sont les romans qui portent la trace de cette influence. "Le Désert de l'amour" en fait partie. Maria Cross est Phèdre, le père est Thésée et Raymond Hippolyte. Ce roman ne se veut pas une simple réécriture. L'on perçoit certains renvois, mais le roman peut se lire indépendamment. Par ces allusions, la portée tragique est d'autant plus soulignée et les émotions sont exacerbées.

L'auteur analyse avec justesse un univers qui brille par le vide sentimental. Les amours sont à sens unique, qu'ils soient entre un homme et une femme ou un père et son fils. L'homme semble seul face à lui-même. Mauriac s'inspire de son cher Bordelais et immerge son lecteur dans les secrets de famille. La dimension psychologique est bien peinte et donne vraiment le sentiment que ces situations sont universelles ou du moins ont une résonance en chacun de nous.

Certains romans de Mauriac m'ont profondément ennuyé, celui-ci m'a captivé et possède une dimension qui le rend touchant. François Mitterrand, amoureux de littérature, trouvait que Mauriac était l'un de nos meilleurs écrivains régionaux, ce qui pouvait avoir un caractère dévalorisant, ici, sans doute, par l'allusion au mythe, il acquiert une force rare. La réflexion sur le regard des êtres aimés est pertinente et marquante :
"Nous avons tous été pétris et repétris par ceux qui nous ont aimés et pour peu qu'ils aient été tenaces, nous sommes leur ouvrage, ouvrage que d'ailleurs ils ne reconnaissent pas, et qui n'est jamais celui qu'ils avaient rêvé. Pas un amour, pas une amitié qui n'ait traversé notre destin sans y avoir collaboré pour l'éternité."

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 1 octobre 2017


Splendide et magique ! 10 étoiles

Dans ce roman Mauriac réussit le tour de force de livrer en peu de page, grâce à son magnifique style épuré mais puissant et poétique, une analyse sensible de deux passions amoureuses, une description profonde d'un rapport père/fils et une analyse de mœurs de la haute société bordelaise du début du vingtième siècle.
Par ailleurs, ce roman comporte de nombreux passages très poétiques qui décrivent à merveille Bordeaux et sa banlieue. Etant né et ayant vécu mes vingt-cinq premières années à Bordeaux, j'ai été très sensible à cette poésie et à cette merveilleuse description de l'atmosphère bordelaise (surtout que j'ai été collégien et lycéen au même endroit que Raymond Courrèges, certes quatre-vingt ans plus tard..) et de certains quartiers que je connais "par cœur".
Même sans ce côté "nostalgie" de mon pays d'enfance, j'aurais littéralement été conquis par ce magnifique roman (qui vaut largement "Un Amour de Swann" pour la description de la passion amoureuse déçue et "Le Fils" de Simenon pour la description des rapports père/fils), mais là, avec ce petit plus qui me touche tout spécialement dans mes souvenirs, c'était vraiment magique !

JEANLEBLEU - Orange - 56 ans - 12 mai 2013