Journal du dehors
de Annie Ernaux

critiqué par Emjy, le 14 avril 2006
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Une belle surprise
Ce petit livre de "choses vues", cette mosaïque de courtes notations recueillies au hasard, au jour le jour aboutit à ce que Françoise Giroud décrit comme des "ethnotextes", donc très localisés dans la banlieue parisienne.

"De 1985 à 1992, j'ai transcrit des scènes, des paroles, saisies dans le R.E.R., les hypermarchés, le centre commercial de la Ville Nouvelle, où je vis. Il me semble que je voulais ainsi retenir quelque chose de l'époque et des gens qu'on croise juste une fois, dont l'existence nous traverse en déclenchant du trouble, de la colère ou de la douleur. "


Mon avis: ce livre fait partie de ces "OVNI littéraires" qu'on rencontre parfois et qu'on apprécie aussi bien par son originalité que par sa qualité (parce que, bien entendu, l'une ne va pas forcément avec l'autre). Il fait un peu plus de 100 pages et se lit donc extrêmement rapidement, parfait donc pour servir d’intermède entre deux ouvrages plus conséquents.
Annie Ernaux ne se contente pas de transcrire ses observations, elle essaie d'y trouver des significations. Ces notes mises bout à bout, hétéroclites et diverses, parviennent néanmoins à former une sorte de récit, un tout cohérent. Ces individus, les uniques personnages qui peupleront ces notes, qui ne sont pour elles que des étrangers, des personnages qu'elle n'a vu qu'une fois et qu'elle ne recroisera sans doute jamais, garderont grâce à sa plume, une trace en elle et en ses lecteurs. Ces individus absolument anonymes se retrouvent ainsi dans ce drôle de carnet de notes, où leurs paroles, leurs gestes, leur attitude ou tout simplement leur présence ont été prises sur le vif, comme si l'auteur souhaitait faire en sorte qu'ils ne soient pas oubliés. Car comme elle le conclut elle-même: "Dans des individus anonymes qui ne soupçonnent pas qu'ils détiennent une part de mon histoire, des visages, des corps que je ne revois jamais... Sans doute suis-je moi-même dans la foule des rues et des magasins, porteuse de la vie des autres.".

Il faut sans doute avoir une sensibilité assez proche de celle de l'auteur, avoir eu ce même genre de questionnement intérieur et cette préoccupation du monde collectif et surtout individuel qui nous entoure, être curieux de ces choses là tout simplement, pour réellement trouver de l’intérêt à cet ouvrage qui ne se situe dans aucun genre littéraire particulier. Bien entendu, tout dans ce roman est subjectif, c'est à dire vu au travers du regard même de l'auteur. Toutes ses allusions, ses remarques, conjectures, réflexions, ses petites digressions constituent la valeur des ses souvenirs et de ses prises de notes.
Néanmoins, ce livre a incontestablement un côté captivant, avec toutes ces petites histoires et descriptions de petits épisodes urbains mis bout à bout...(J'ai eu une nette préférence pour l'épisode du SDF et de la réjouissante et astucieuse technique qu'il choisit pour faire la manche, mais je ne vous en dis pas plus et vous laisse lire ce petit livre)
la petite musique d'annie ernaux 10 étoiles

Les lecteurs des "grands" romans d'Annie Ernaux seront peut-être déçus à la lecture de ces instantanés, pris sur le vif quelque part entre Paris et la lointaine banlieue qui s'étale à l'ouest de l'agglomération parisienne. On y trouve pourtant la touche de l'auteure de "Passion simple" et de tant d'autres beaux, très beaux romans. Des phrases récoltées au petit bonheur de 1985 à 1992, vides de sens lorsqu'on en ignore le contexte, comme on peut en dire entre amis, entre collègues, voire tout seul lorsqu'on ignore qu'on est écouté. Un travail d'espionnage, mais tellement révélateur de la vraie vie. Au fil des pages, on se rend compte du décalage énorme qui existe avec ces banlieusards des années 80, qui se parlent dans le train, dans les magasins, sans casques, sans écrans les isolant d'autrui et d'un univers devenu, en grande partie à cause de ces mêmes habitudes, passablement inhumain...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 3 mars 2013


Bribes de quotidienneté 5 étoiles

Je n'ai pas une passion pour cet auteur, mais ce livre n'est pas le pire. J'en ai eu une drôle d'impression. Il s'agit en effet d'un journal où se succèdent de brèves saynètes traçant la vie de l'auteur dans le RER, les supermarchés, bref les les lieux ouverts au public. Annie Ernaux raconte qui elle a croisé, ce qu'elle en a pensé, la musique qu'elle a entendue dans tel magasin.
Pour ceux qui ont connu cette époque, ou une partie, on y retrouve des détails de sa propre vie, des références d'actualité qu'on a pu avoir.

Ce peut être le reflet d'une époque, ça n'est pas si mal, bien que très anecdotique, assez frais mais bien banal tout de même.
En somme, ça m'a paru, probablement à tort, assez moyen. Cet auteur a été un moment très à la mode.

Veneziano - Paris - 47 ans - 16 avril 2006