Sanguine
de Alain Populaire (Scénario), Sokal (Dessin)

critiqué par Shelton, le 2 mai 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
La guerre ! Quelle calamité...
La guerre ! Encore la guerre ! La bande dessinée, elle aussi, a souvent voulu donner son avis sur cette calamité humaine vieille comme « les robes d’Hérode »… Mais est-ce si facile d’avoir un discours pertinent sur la guerre et de l’incorporer avec talent dans une bande dessinée ? Comment faire pour intéresser, surprendre et faire réfléchir pour changer le monde ? Sokal, un des grands de la bande dessinée, a tenté plusieurs fois cette expérience et je pense qu’il a réussi à enclencher un mécanisme pédagogique qu’il faudrait régulièrement mettre à disposition des nouvelles générations… L’histoire que je vais vous présenter, aujourd’hui, date de 1988 et elle était parue dans le magazine mythique (A suivre) que les plus jeunes d’entre vous n’ont pas connu en librairie…
La guerre de Trente ans, celle qui sert de toile de fond à cette intrigue, a déchiré l’Europe entre 1618 et 1648. Il s’agit d’un conflit religieux et politique, fort complexe, mais qui pourrait être résumé en disant qu’il fut avant tout un affrontement entre catholiques et protestants au cœur du Saint Empire… Et comme souvent dans ce genre de conflit, quand on tue au nom de Dieu, la cruauté est sans limite, les victimes innombrables, et, rapidement, certains tentent d’en profiter au nom de leurs propres intérêts, oubliant toute notion religieuse…
C’est tout cela que vont nous montrer les auteurs de cette bande dessinée avec des personnages que l’on découvre en 1633 en Allemagne… Nous serons accompagnés d’un jeune Silésien, Manfred Von Kriek, qui prendra le nom de Adriaan Geutz pour partir en mission au profit de son excellence Wallenstein. Il doit rejoindre Lübeck pour récupérer son oncle Hermann… et sa petite fortune, ce qui permettrait de continuer la guerre… L’argent, le nerf indispensable pour mener des campagnes…
Nous sommes donc en compagnie de Adriaan, nous traversons des zones ravagées par la guerre, nous découvrons, presque par hasard, que le jeune homme appartient aux papistes, et nous faisons la connaissance de Hermann et son épouse, la fameuse et chaude, très chaude, Sanguine…
Les péripéties du voyage seront terribles et permettront de passer en revue toutes les stupidités de la guerre, ses violences gratuites, ses excès et le brigandage qui l’accompagnent, les chefs qui deviennent de véritables fous, les procès des uns et des autres au nom d’un même dieu qu’ils ne reconnaissent plus, l’attrait de l’argent et de la gloire qui frappe ici ou là… Mais il y a aussi cette Sanguine, femme qui sait très bien ce qu’elle veut et qui utilise son petit monde avec méthode, soin, précaution et espère bien arriver vivante et riche dans son pays d’origine, l’Italie…
En dehors de l’aspect engagé, très fort et bien réalisé, cette bande dessinée permet aussi à Sokal de dessiner de nombreux animaux – ce qu’il fait très bien dans sa série animalière Canardo – mais cette fois-ci ce sera le cheval, dans un premier temps, puis le loup et le corbeau… Et c’est très réussi… Rien que ces dessins d’animaux devraient vous pousser à aller voir si cette bédé ne vous attend pas chez votre bouquiniste préféré…
Excellent travail en faveur de la paix et contre toutes les guerres, en particulier les guerres civiles et religieuses…