Le roi cassé
de Nicolas Dumontheuil

critiqué par Shelton, le 2 mai 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Contre la guerre, quoi qu'il en soit...
Nous avons déjà parlé ensemble de ces bandes dessinées qui apportent des éléments de réflexion politique, philosophique ou spirituelle. Certains y sont allergiques, ça peut se comprendre, d’autres les acceptent volontiers si l’œuvre n’est pas moraliste. J’entends bien tout cela et c’est pour cela que je vous propose, aujourd’hui, la lecture de ce Roi cassé de Dumontheuil, un livre de très grande tenue qui ne pourra pas vous laisser indifférents…
C’est à la fois une histoire, certes un peu déjantée, mais quand même lisible par un très large public ; mais c’est aussi une fable anti-militariste, avec la première guerre mondiale en toile de fond, « Moi, mon Colon, celle que je préfère, c’est la guerre de 14/18 » nous chantonnerait Brassens ; mais c’est aussi une véritable réflexion sur la mort, la vie, le souvenir, le courage, l’héroïsme, la bêtise, la politique… Oui, c’est tout cela à la fois et c’est aussi la preuve absolue que la bédé peut être considérée comme un art narratif pouvant aborder tous les sujets sans exception, et même le faire en les regroupant dans la même histoire…
Nous avions eu de grosses et profondes réflexions sur le soldat inconnu, ce qu’il représentait, son utilité politico-sociale… Dumontheuil nous propose, cette fois, de prendre en compte le destin du dernier mort de la guerre. Oh, celui-là, il n’est pas inconnu puisqu’il porte le nom de Simon Virjusse et que la France entière lui rend hommage !
Mais, une fois que cet homme est bien mort, de façon bête comme toujours pendant les guerres, le sage absolu va tenter de faire revenir le monde en arrière en lui évitant une partie de la tuerie effroyable que l’humanité s’est imposée à cette époque… Attention, c’est un peu loufoque, mais dans la guerre, ce qui compte le plus c’est le symbole, alors allons-y…
« Mon idée, c’est parce que vous êtes le dernier, on pourrait ne garder que vous ! On revient en arrière et on garde le même dénouement ! C’est une expérience à tenter ! Neuf mois en arrière, oui ! Neuf mois, c’est bien ! ».
Certes, il faut convaincre les militaires, enfin, surtout, les généraux, de stopper la guerre… « Je proteste ! C’est une aberration ! C’est contraire aux lois de la guerre ! ». Ah, les lois de la guerre, le code de l’honneur, le souvenir national… Combien de mythes que l’auteur attrape de plein fouet avant de les détruire, de les exploser en plein vol ???
Cette bande dessinée est un très bel ouvrage de presque 100 planches en couleur. Je serais bien tenté de vous dire que vous allez en avoir pour votre argent… La narration graphique, très particulière pour ne pas dire unique et spécifique, porte la signature de ce Dumontheuil. Il ne s’agit pas d’un récit réaliste, ni d’un rêve magique – ce serait plus un cauchemar – … Non, ce serait plus une réflexion qui se déroule sous vos yeux, une lecture qui vous demande une participation totale… car si vous n’acceptez pas de vous battre, vous-mêmes, contre la guerre et ses atrocités… la bande dessinée perd son âme, rejette son sens et ses personnages et vous allez vous embêter… Cela peut vous paraître assez particulier, mais je vous affirme que cette histoire ne peut se lire que si vous adhérez à l’idée de déclencher une guerre totale à la guerre, à l’idée même de guerre…
« Peuple de France, peuples de tous les pays, en cet instant unique, un homme, le soldat Virjusse, par son sacrifice inutile, va sceller le sort d’un monde nouveau : un monde de paix et d’amour… ».
Alors, avis à tous les hommes de bonne volonté, n’hésitez pas un instant, prenez le relais de Dumontheuil, devenez des combattants pour la paix… Une bédé à lire et faire lire… Et si, un jour, la lecture de la bande dessinée faisait économiser des vies humaines… Oui, je sais, je suis un peu utopiste… Mais essayons quand même un petit coup…
La vie et la mort et la vie et la mort du soldat (in)connu : Simon Virjusse 7 étoiles

Vous êtes engagé dans la Première Guerre mondiale, en plein combat. Une balle perdue vous atteint à la tête. Vous mourez. Et, l'instant suivant, c'est l'armistice, la fin de la guerre. Vous êtes donc le dernier soldat tué de la guerre 14-18. Vous deviendrez un symbole.

C'est ce que raconte cette bande dessinée très riche. Et bien d'autres choses, sur la vie, la mort, la religion, le sacrifice, les gens, les destins individuels et collectifs. Bref, l'Absurdité avec un grand A.

DomPerro - - - ans - 19 juillet 2013