Le fleuve détourné de Rachid Mimouni

Le fleuve détourné de Rachid Mimouni

Catégorie(s) : Littérature => Arabe

Critiqué par Vigno, le 6 juillet 2001 (Inscrit le 30 mai 2001, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 12 300  (depuis Novembre 2007)

Le règne des suborneurs

« Il n'est pas facile, dans ce pays, d'être Administrateur.
C'est un poste qui exige beaucoup de qualités. Il faut faire montre d'une grande souplesse d'échine, de beaucoup d'obséquiosité, d'une totale absence d'idées personnelles de manière à garder à ses neurones toute disponibilité pour accueillir celles du chef. Il faut surtout se garder comme de la peste de toute forme d'initiative. Notre Administrateur observe à la lettre ces sacro-saints principes. C'est un homme intelligent. Je prédis qu'il montera haut dans la hiérarchie. »
Le Fleuve détourné, publié en 1982, évoque les déceptions engendrées par la dictature militaire après que l'Algérie eût obtenu son indépendance.
Le Fleuve détourné raconte deux histoires, celle de prisonniers enfermés dans un camp parce que leurs « spermatozoïdes sont subversifs » et celle du narrateur, lui-même emprisonné dans ce camp, et qui prétend que sa « présence en ce lieu n’est que le résultat d’un regrettable malentendu. » L'histoire des prisonniers offre très peu de développement narratif. Il faut la lire comme un microcosme de la nouvelle société que l'Administration essaie de mettre en place. Par contre, celle du narrateur est assez mouvementée. Né chez des paysans, forcé de s'exiler du village à cause de la division des terres imposée par l'administration coloniale, il doit apprendre le métier de cordonnier. Il épouse Houria laquelle lui donne un fils. Recruté par la guérilla algérienne, il abandonne femme et enfant et se retrouve à fabriquer des souliers de maquisards. De retour dans son village après de nombreuses années, il a tôt fait de constater que sa femme et son fils ont disparu, qu’on lui a déjà fait une place au cimetière et que personne n’a l’intention de l'en faire sortir. Sans papier officiel, il est à la merci de tous les suborneurs de la terre. Comment retrouver femme et enfant? Comment retrouver son identité et une place dans cette société de dictature socialiste?
Les coloniaux partis, d’autres prennent la place. A une idéologie en succède une autre. Et toute idéologie finit par être travestie par les suborneurs. « Il est extraordinaire de voir à quel point le pouvoir peut transformer les hommes. La moindre parcelle d'autorité concédée fait d’un opposant irréductible un homme de main servile. Nous en tirons comme leçon que la politique est un jeu de dupes. Il ne faut jamais croire les politiciens quand ils parlent de principes. Ces beaux principes ne sont que le moyen
qui permet de confisquer le pouvoir. Ne les préoccupe que leur situation personnelle. Ils sont opposants parce qu'ils ne peuvent pas être partie prenante. » Désolant.
J'ai pourtant une réserve face à ce roman, nécessaire comme tous les romans qui dénoncent les suborneurs. C'est un roman abstrait, un roman à clefs qui ne livre pas facilement ses fruits. D'autres vont sans doute y trouver une raison de plus de le lire.

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Les éditions

  • Le fleuve détourné [Texte imprimé], roman Rachid Mimouni
    de Mimouni, Rachid
    Stock
    ISBN : 9782234052048 ; 7,49 € ; 02/02/2000 ; 218 p. ; Broché
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8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 15 juillet 2001

C'est pourquoi je voudrais en profiter pour rappeler une chose: en démocratie, ne pas utiliser son droit de vote est, non seulement une très lourde erreur, mais aussi une fuite devant un devoir ! Que de fois nous entendons "Je ne vais pas voter, cela ne sert à rien, ils sont tous les mêmes !"... Je rappelle ici ce que Comte Sponville dit à la fin de son texte dans son ouvrage "Pensées sur la politique": "Quant à ceux qui font de la politique leur métier, il faut leur savoir gré des efforts qu'ils consacrent au bien commun, sans trop s'illusionner pourtant sur leur compétence ni sur leur vertu: la vigilance fait partie des droits de l'homme, et des devoirs du citoyen."
Mais méritons-nous nos démocraties ?... Là est le fond de la question et Soljénitsyne y a répondu clairement: c'est "NON" !

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