Coup-de-Fouet
de Bernard Du Boucheron

critiqué par Bertrand-môgendre, le 9 mai 2006
(ici et là - 69 ans)


La note:  étoiles
coup-de-fouet de Bernard du Boucheron
coup-de-fouet pour beau coup de sang

Comme il a fière allure, ce monsieur de Waligny, chasseur émérite, à qui l’arrogance de sa prestance n’a d’égale que la fougue capricieuse de son étalon, l’indomptable Diamant Noir. Cavalier têtu et monture sauvage s’accordent à merveille lorsqu’il s’agit de briller lors des chasses à courre, organisées dans les années mille neuf cent dix, par Monsieur le Comte.
« Coup-de-fouet », le piqueux, (Jérome Hardouin) « coup-de-fouet » le malin, veneur fin limier devenu par sa réputation d’homme rusé, débusqueur de gros gibier, et tout à la fois coureur des dentelles frivoles, portées par la jeune Aella, promise (du à la noblesse de son rang), au mariage de raison avec Waligny.
Aella, jeune aristocrate ambitieuse, avide de pouvoir et de chair virile, trouve auprès des deux rivaux, les complémentarités de sa quête de vie facile, insouciante et légère.
Dès lors, les trois personnages principaux de ce roman, se guerroient méthodiquement, à coup de mots fourchus, de défis vantards (on peut dire viandard aussi), ou de hardiesses bon-enfant.
Seul l’appel de 1914, calme les esprits. Face aux réalités de la boucherie organisée, les cavaliers enrôlés dans le même bataillon, n’ont pour seul souci que celui de sauver la patrie de l’envahisseur teuton, à coup de charges héroïques ou folles, à l’aide de leur sabre, arme bien dérisoire, sous la mitraille ennemie.
Le piqueux « coup-de-fouet » sous les ordres du lieutenant Waligny, brillera encore dans sa hardiesse au combat, mais à quel prix !
Le réputé vaillant Waligny gagnera la main de sa promise, mais à quel prix !
Du Boucheron est un auteur atypique dans le roman contemporain. Ce récit, « coup-de-fouet » est une louange à la gloire de l’homme, héroïque combattant, porteur de valeurs sacrées, le genre de mâle guerrier qui indispose les pacifistes scandant les appels au dialogue et à l’intelligence des peuples désarmés. Ne cherchez pas la tendresse de la romance, car ici l’odeur de musc sauvage règne, enivre les intrigants. La femme est reléguée une fois de plus (tout comme dans Court serpent, son premier roman), à son rôle méprisant de compagne dévouée aux services du mâle dominant. Cette maîtresse sournoise, tireuse de ficelles, envisage d’asservir le faible avec le dédain d’une femelle en chasse.
Les mots du vocabulaire utilisés par du Boucheron calfeutrent ce roman dans un univers particulièrement intrigant, rendant l’aventure agréable (dans le sens du dépaysement), pour ceux qui aiment la langue française. Nous sommes invités dans le monde pédant des gens oisifs, exploiteurs de manants, humiliant gueux et roturiers, ripaillant sans scrupules à l’insouciance du mieux vivre en s’amusant.
Une bonne leçon de français. Même si le sujet m’indispose, tant je répugne l’excès de violence qu’expriment ces chasses à courre, je dois avouer qu’une fois de plus, je suis tombé sous le charme de cet écrivain.
Chaque situation dépeinte avec justesse, nous entraîne dans l’action, le mouvement. Le bruit accentué de couleurs sanguines mêlé aux odeurs pittoresques des combats au corps à corps, rendent le livre vivant, presque bondissant (mais là, il faut s’accrocher pour le parcourir). Oui il faut s’accrocher pour rentrer dans l’histoire, pour y décrypter ce langage peu habituel, et c’est d’ailleurs ce qui fait son charme, ou plutôt non, sa Force !
Il n’est de nature domptée que celle qui oblige l’homme à courber l’échine (bertrand-môgendre)