La foire aux dinosaures de Stephen Jay Gould
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Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Scientifiques
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Beauté de la pensée scientifique
Le plaisir éprouvé au contact d’une pensée originale doit-il nécessairement relever de la littérature ? de la philosophie ? de l’histoire ? des sciences sociales ?
Parmi les auteurs vers lesquels je me retourne souvent, il en est un qui ne s’est jamais vu homme de lettres, mais bien homme de sciences : Steven Jay Gould, théoricien de l’évolution, qui ne dédaigne pas à l’occasion à réfléchir sur les origines du base-ball ou celles du clavier QWERTY, l’AZERTY anglo-saxon.
Comme ses autres titres, La foire aux dinosaures est un recueil d’articles qui, délibérément, ne se limitent pas à la biologie (tout en lui faisant la part belle), mais embrassent une bonne part de l’ensemble du champ scientifique. Le projet de l’auteur n’est d’ailleurs pas, à proprement parler, de faire de la vulgarisation scientifique, mais plutôt de réfléchir à la signification des choix, et souvent des erreurs des chercheurs anciens. Cette réflexion sur la signification, me semble-t-il, ne peut pas laisser un bon lecteur insensible. En témoigne un article (que je relis toujours avec délice) intitulé « Les œufs du kiwi et la cloche de la Liberté ». L’œuf du kiwi, le saviez-vous, a pendant de longues années constitué une énigme dans le monde scientifique. En effet, alors que, pour tous les oiseaux, le rapport entre la masse de l’œuf et celle de l’oiseau est sensiblement la même, l’œuf du kiwi est « anormalement » volumineux par rapport à l’oiseau qui l’a pondu. (Un oiseau de la taille du kiwi « doit » pondre un œuf pesant entre 55 et 100 grammes. L’œuf du kiwi en pèse plus de 400.) Mystère. Résolu, sous nos yeux éblouis, par un simple retournement de la question qui n’est pas sans évoquer l’œuf de Christophe Colomb : ce n’est pas l’œuf qui est anormalement gros par rapport à l’oiseau, mais l’oiseau qui est anormalement petit par rapport à l’œuf. Le kiwi est apparenté à l’émeu et au casoar, deux géants parmi les oiseaux. Mais il vit en Nouvelle-Zélande, où les mammifères étaient quasi absents, et où par ailleurs il n’y a plus depuis longtemps de prédateurs de grande taille. Steven Jay Gould nous explique que dans ces conditions, la grande taille n’est plus un avantage contre des prédateurs inexistants, mais un inconvénient : une grosse bête mange beaucoup. L’espèce s’est donc nanifiée, de manière à occuper une niche écologique laissée vacante par l’absence des mammifères, et la taille « excessive » de l’œuf n’est qu’un indice de l’appartenance ancienne du kiwi à un groupe d’oiseaux géants.
Un autre article qui m’a touché (je n’hésite à employer ce mot : pour un non-scientifique qui ne s’était jamais posé la question, ce fut presque une révélation) porte qui plus est un titre particulièrement poétique : « Pas nécessairement une aile ». Vulgarisant pour le coup les travaux de ses confrères Kingsolver et Koehl (on se croirait presque en pleine fiction), Gould nous expose un autre dilemme, évident quoique souvent inaperçu : comment des membres, des organes (par exemple les membres antérieurs chez les oiseaux ou d’autres organes pour les insectes) ont-il pu évoluer jusqu’à devenir des ailes ? Sachant que, pour avoir une quelconque efficacité, il existe un rapport minimal à atteindre entre la masse de l’animal et la surface de portance (si j’ai bien tout compris), comment expliquer l’apparition des ailes, puisque les embryons d’ailes constituant les nécessaires étapes intermédiaires étaient parfaitement impropres au vol ? Il faut donc « imaginer » que ces proto-ailes, comme Gould et ses confrères les appelle, étaient propres à autre chose, qu’il importe de trouver.
Interprétation, imagination sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit quand je lis Steven Jay Gould, disparu récemment, après avoir longuement survécu à un cancer qui aurait dû le condamner. On ne s’étonnera pas, dès lors, que j’ai souhaité faire une présentation d’un de ses ouvrages sur un site dévolu à la critique littéraire, d’autant plus que, ce qui ne gâte rien, outre le fait d’être un scientifique de premier plan, Gould est aussi un auteur plein d’humour, à l’esprit particulièrement délié, féru de musique, d’architecture et de littérature.
Les éditions
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La foire aux dinosaures [Texte imprimé], réflexions sur l'histoire naturelle Stephen Jay Gould trad. de l'américain par Marcel Blanc
de Gould, Stephen Jay Blanc, Marcel (Traducteur)
Seuil / Collection Points. Série Sciences
ISBN : 9782020324205 ; 12,00 € ; 10/09/1997 ; 662 p. ; Poche
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Une foire d'imagination
Critique de Oburoni (Waltham Cross, Inscrit le 14 septembre 2008, 41 ans) - 28 juillet 2010
Riche, ludique, divertissant, Stephen Jay Gould reste fidèle à sa marque de fabrique : il commence par discuter d'un sujet aussi anodin que la naissance du base-ball, le clavier QWERTY ou la diffusion d'un nouveau timbre par la Poste américaine pour illustrer plus sérieusement et en détails ses propos, du rejet du créationnisme aux principes de l'évolution en passant par la taxinomie. Un style reconnaissable entre mille, des connaissances encyclopédiques, une imagination et une intelligence remarquable, Gould, indéniablement, fait partie des grands essayistes.
Je ne partage pourtant pas l'enthousiasme de Feint ( critique principale ) sur ce livre. Non pas qu'il soit mauvais, loin de là, mais sur 40 essais il y en a peu qui m'ont réellement plu, donné à réfléchir, vraiment apporté quelque chose; et ce même si la démarche de l'auteur et son regard sur la science sont, il est vrai, admirables.
"Of kiwi eggs and the liberty bell", remarquable, lui sert à rejeter l'adaptationnisme; "The chain of reason versus the chain of thumbs" revient sur le magnétisme de Mesmer et dénonce à merveille tout charlatanisme érigé en science; "To be a platypus" s'attarde sur un animal décidément étonnant; "Kroptokin was no crackpot" démolit l'un des préjugés les plus tenaces qui circule sur la sélection naturelle et "Knight takes Bishop ?" revient sur le célèbre débat animé ( vraiment ? ) entre Thomas Huxley et l'Éveque Wilberforce en 1860 à Oxford. Une poignée d'essais marquants, certes, mais le reste me passe un peu au-dessus.
Je recommande plutôt "Darwin et les grandes énigmes de la vie" -le seul autre ouvrage de Gould que j'ai lu jusque-la- à quiconque ne le connaitrait pas. "La foire aux dinosaures", même s'il est bon, reste inutilement vaste et long.
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