Intermezzo
de Éric Warnauts (Scénario), Raives (Dessin)

critiqué par Shelton, le 5 juin 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Break positif... ou pas ? Quel intermède !
Warnauts et Raives, comme nous l’avons déjà dit ici, sont deux auteurs de bandes dessinées qui travaillent à quatre mains, chacun des deux sachant tout faire, écrire et dessiner. Ils se sont spécialisés dans les récits de destins pour adultes, lectures que l’on trouvait avec bonheur dans la revue (A suivre) du temps de sa splendeur. Warnauts et Raives en faisaient partie et l’album que je voudrais vous présenter aujourd’hui est d’abord une histoire parue dans le magazine.
Intermezzo est la vie d’une femme, plus exactement une tranche de vie de madame Giovanna Di Giorgio, les premières semaines d’une grossesse…
Elle vit dans une région nordique et minière, dans la région liégeoise, probablement. Le nouveau papa, Patrice, qui ne le sait pas encore, est un mineur qui ne prend pas toujours le temps de bien comprendre sa femme. Il a sa logique, son fonctionnement, quelques femmes aussi… Giovanna partirait bien définitivement, mais après avoir discuté avec sa mère, elle décide de partir en Italie, de rentrer au pays, prendre un peu de distance, de recul, de faire un break, comme on dirait aujourd’hui, un intermezzo comme elle dit dans sa langue maternelle…
L’album est divisé en chapitres, à chaque fois avec un lieu, des personnages et, surtout, un rythme spécifique… Giovanna prend de la distance avec sa vie grâce à un certain nombre de flash back qui lui donnent la possibilité de revivre certains épisodes de sa vie, en Belgique, ou en Italie… Petit à petit elle passe de jeune femme au statut de future maman, de façon insignifiante, délicate… Mais saura-t-elle redevenir amante, amoureuse ? Vous prendrez la mesure de la qualité de la narration graphique en constatant le talent des auteurs pour parler de sentiments en dessin… Oui, nous sommes dans une bédé très psychologique, avec un récit très lourd, très fort… avec des souffrances, des tensions, des non-dits…
Warnauts et Raives sont aussi des auteurs très sensuels qui ont compris qu’émouvoir ce n’est jamais tout montrer, tout raconter, mais susciter, évoquer, effleurer, toucher du bout des doigts, croiser, sentir… oui, je trouve qu’Intermezzo est une bande dessinée de l’odeur, de la transpiration, d’une émotion que l’on ne rencontre que si on s’immerge dans l’histoire, si on accepte de se laisser prendre au jeu des auteurs, enfermer par les personnages, par le scénario… Vous ne retrouverez votre liberté qu’en fin d’album, enfin si vous le désirez, bien sûr…
J’ai parlé de sensualité, pas d’érotisme. Ce dernier terme serait beaucoup trop restreint pour décrire cette histoire. Certes, il y a des corps humains, des scènes de tendresse et d’amour, mais il y a aussi les scènes de bal, de plage, de cuisine. On dit que chez les Italiens les femmes tiennent la cuisine, que c’est leur domaine, c’est une réalité dans Intermezzo… On n'y mange pas toujours, on y boit beaucoup de café, mais il paraît que c’est une autre spécialité italienne… Tout cet ensemble donne l’impression de passer un moment dans la réalité et no dans une fiction… On touche, on sent, on respire les personnages, les paysages, les intérieurs…
On peut aussi signaler quelques magnifiques planches de récit sans texte, tout en dessin et qui sont pourtant d’une expression et d’une clarté incroyable… Séquences dans la mine, dans la rue, au café, au cimetière, à la plage, et aussi celle de la rencontre amoureuse entre Massimo et Giovanna… qui, ceci dit en passant, pour rire, se situe à la page 69…
Cette bande dessinée qui a été écrite en 1991 est de toute beauté et n’a rien perdu en force et source d’émotion… Alors, c’est aussi à lire, même pour ceux qui étaient trop jeunes à l’époque pour avoir eu le plaisir de la découverte dans (A suivre)…