Fenêtres
de Jean-Bertrand Pontalis

critiqué par Sahkti, le 7 juin 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Regards sur l'infini
Multiples fenêtres ouvertes vers l'infini, vers nulle part aussi. Pontalis part de bribes de conversations, de pensées, de mots chers à son esprit, de confidences de patients... pour ébaucher un recueil d'impressions et de sensations. Un lexique cher à son coeur, comme il l'explique. Un mot, simple et solitaire, qui donne naissance à une évasion vers un horizon invisible à l'oeil nu. Un échange avec un ami et voilà Pontalis perdu dans une rêverie sur le sens de la vie ou la signification de certains éléments de notre quotidien.
Loin d'être assommante, cette divagation permanente ouvre de nombreuses portes à la réflexion et la méditation. Nous ne sommes pas dans le domaine de la théorie, mais dans celui de l'expérimentation, un brin teintée d'analyse. Le langage de Pontalis est accessible et très proche, de nombreuses identifications sont permises et la faible taille des textes donnent à chacun de ceux-ci une saveur qui demeure longtemps à l'esprit. J'ai particulièrement apprécié la douceur qui émane de ces mots.

Un extrait:
"Elle ne comprend pas que disparaître lui soit impossible. Elle comprend d'autant moins que tous les gens qu'elle connaît ont le pouvoir d'apparaître en s'approchant d'elle et de disparaître très facilement lorsqu'ils sont absents. Elle seule n'arrive pas à disparaître. Où qu'elle soit, elle est toujours avec elle-même, ce qui la désespère et la décourage à un point que personne ne peut imaginer." (page 42)
fenêtre sur divan 10 étoiles

Dans ce vocabulaire écrit "au petit bonheur", Jean-Bertrand Pontalis se livre à un devoir de mémoire. Secrets sortis du passé, nostalgies, regrets, espoirs sont autant d'ouvertures (vers le passé, vers l'avenir) que l'auteur s'efforce d'analyser, à la lumière de ses souvenirs de praticien. Dans un langage simple, débarrassé du jargon et des tournures alambiquées des spécialistes, l'écrivain-psychanaliste avoue en toute modestie sa faiblesse face aux souffrances de ses patients, et éclaire d'un jour nouveau de nombreux concepts restés longtemps obscurs pour le commun des mortels. Loin des querelles de chapelle qui ont précipité le déclin de l'analyse freudienne, cette oeuvre d'une grande lucidité, facilement accessible au lecteur curieux et attentif, renoue les liens avec une tradition associant savoir et qualité de l'écriture. Un régal...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 20 septembre 2009