Malone meurt de Samuel Beckett
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le mot de la fin
Long monologue intérieur qui ne sera interrompu que par la mort du protagoniste, Malone meurt peut être lu comme une « aggravation » de Molloy. Un homme cloîtré, plus défait encore que le narrateur de Molloy, évoque (plutôt avec bonne humeur) sa mort qu’il sait prochaine sans pouvoir la dater, non plus qu’il ne peut dire depuis combien de temps il est là, ni même son âge. Pour combler le temps qui l’en sépare, il se parle à lui-même, il dresse l’inventaire de ses propriétés, menus objets ou déchets qui parsèment la pièce où il agonise, et qu’il tire à lui au moyen d’un bâton. Il envisage de se raconter des « histoires » dont il annonce dès le départ la vanité. Ainsi suivra-t-on le parcours de deux personnages qui peuvent être interprétés comme des états antérieurs de lui-même, qu’il nomme d’abord Sapo, puis Macmann, et dont la dégradation progressive nous ramène à l’état de Malone lui-même. Ce motif de l’homme se racontant des histoires à lui-même (que l’on retrouve par exemple dans L’Innommable et dans Fin de Partie) est à la fois une image de l’illusion dans laquelle vit l’homme (et dont les protagonistes de Beckett cherchent à sortir) et de la condition – vaine – de l’écrivain.
Malone meurt est à coup sûr une lecture exigeante, surtout dans un contexte où, de plus en plus, la lecture passe pour une détente. Pour ma part, la détente, je ne peux m’empêcher de la voir comme l’état dans lequel se trouve le sexe de Macmann tandis qu’il essaie laborieusement de le fourrer dans celui de sa partenaire, « à la manière d’un oreiller dans une taie ». L’écriture de Beckett, sèche et drôle, tendue et ratiocinante, pourra dérouter encore plus d’un lecteur. Souhaitons-le. Après avoir lu Malone meurt, le lecteur sera enfin prêt à lire L’Innommable, pire encore. Pire, parfois, c’est peut-être mieux ; en tout cas, c’est ultime.
Les éditions
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Malone meurt [Texte imprimé] Samuel Beckett
de Beckett, Samuel
les Éditions de Minuit / Double.
ISBN : 9782707318909 ; 7,00 € ; 01/10/2004 ; 190 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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La mort en direct
Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 8 février 2015
Confiné dans une chambre où un être invisible lui apporte ses repas, Malone, en attendant de mourir, écrit.
Pour passer le temps et lutter contre la solitude (« Quel ennui » écrira-t-il souvent), il dresse l’inventaire des objets qui l’entourent, puis s’achemine progressivement vers la fiction, en alternant les passages dans le réel, mais les liens qui se tissent entre l’écrivain et ses personnages deviennent de plus en ténus à tel point qu’il finissent par se confondre un peu.
Malone meurt.
Chaque page le rapproche de son inéluctable fin, et le lecteur sent qu’il succombe lui aussi en tant que lecteur, car le texte évolue, reste de plus en plus en suspens au beau milieu d’une phrase, Malone lui expliquant au paragraphe suivant qu’il s’est endormi, le crayon entre les mains…
Malone meurt de plus en plus, livrant ses confidences « je m’interromps pour noter que je me sens dans une forme extraordinaire. C’est peut-être le délire », pressentant que le grand moment se rapproche « cet inventaire non plus je ne l’achèverai pas […] Ainsi soit-il. »
Puis ses mots se font plus rares, les phrases plus elliptiques, le ton plus délirant.
Malone est mort.
Dès lors le lecteur n’existe plus non plus.
Mais avant cela, qu’est-ce qu’il l'aura fait rire, réfléchir et rêver! Repose en paix l’ami…
« Je me demande quel sera mon dernier mot, écrit, les autres s’envolent, au lieu de rester. Je ne le saurai jamais. »
Laissons Malone mourir tranquille
Critique de Olelko (Lausanne, Inscrit le 4 mars 2012, 34 ans) - 18 août 2012
Ici, on nous compte l'histoire d'un vieillard sénile, qui sachant la mort rôdant autour de son lit d'hôpital, décide d'écrire tout ce qui lui passe par la tête, surtout de raconter un homme, une femme et un objet.
On est donc confronté à deux récits: celui de la chambre d'hospice, clairement raté, et celui un poil plus intéressant de l'histoire de Malone.
En clair, les tergiversation du vieux fou n'ont ni queue ni tête, aucune pertinence et ne servent (à mon humble avis) qu'à étoffer un récit que Beckett lui-même n'a pas su mener. Hélas, ces pensées superficielles prennent la majorité de la lecture et trop peu de place est laissée aux souvenirs du mourant. Car ceux-ci possèdent une certaine qualité romanesque: on se prend de pitié et de reconnaissance pour ce pauvre jeune Sapo qui ne trouve aucun plaisir dans l'action, le "faire à tout va" encore proche de notre société et qui préfère, sans vraiment savoir pourquoi, errer dans les champs, la forêt, parler avec les gens.
Puis Malone grandit, il se perd. Se retrouve, après une ellipse anti littéraire de plusieurs décennies dans les bras de son infirmière dégoûtante, et là on remarque l'abandon (volontaire ? Nul !) du protagoniste principal par son inventeur: aucune psychologie, rien ne transparaît de Macmann (Malone, Maloy, etc. sont la même personne), il nous paraît distant et peu probable.
Pour couronner le tout, le style de l'auteur est pompeux: une grammaire facile, une conjugaison normale et un vocabulaire prétentieux. Du moins dans ma traduction (Éditions de Minuit, 1951). Au début, on se prend au jeu, mais au fur et à mesure, on remarque aisément que Beckett n'a cherché qu'à se prouver à lui-même qu'il était capable d'écrire comme les grands. Hélas, ce n'est pas le cas.
Vous l'aurez compris, c'est bien le seul passage qui a retenu mon attention. Et encore, j'ai dû supporter les interminables interstices de retour au temps du narrateur, car tous ces petits passages sont tout le temps, et bien trop entrecoupés.
De dépit, j'ai bien essayé de finir ce livre mécaniquement, en "avançant pour avancer", mais rien n'y fit: je m'arrêta à quelque pages de la fin, n'en pouvant plus. Et c'est là l'un des rares livres que j'avorte ainsi.
Je le déconseille vivement à quiconque en serait curieux. Sauf peut-être à ceux qui trouvent un bonheur fou à lire les réflexions banales et personnelles d'un personnage inintéressant.
En attendant la mort...
Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 3 janvier 2012
Malgré tout, "Malone meurt" se lit assez aisément car le style de Beckett (qui écrivait en français) est extrêmement fluide et agréable. En outre, l'omniprésence de la folie et de la mort, qui étreint progressivement Malone et le submerge lentement comme une marée montante, confère au roman de l'étrangeté et de la poésie.
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