Histoires, livres XXIX-XXXI
de Ammien Marcellin

critiqué par Ezra, le 23 juin 2006
( - 67 ans)


La note:  étoiles
De beaux désastres
Il n'est pas nécessaire de savoir le latin pour se plonger dans l'Histoire écrite par Ammien Marcellin à la fin du IV°siècle. A la différence de bien des romans historiques contemporains plus ou moins bien écrits et exacts, cet ouvrage, dont c'est ici le tome VI, est un texte authentique, rédigé par un soldat qui fut témoin oculaire de beaucoup d'événements qu'il relate, et qui a enquêté pour les autres.

Nous avons gardé de lui la chronique des années 350 à 378, publiée en six volumes aux Belles-Lettres, chronique qu'il fait avec un génie narratif, descriptif et poétique étonnant, unique, capable d'effacer de nos mémoires les mauvais souvenirs de cours de latin fastidieux ou de mornes études : l'écriture de l'Histoire est pour lui, comme pour tous les Grecs et les Romains, un art autant qu'une recherche de la vérité. L'Histoire a sa Muse, qui, comme ses soeurs, est fille de la déesse Mémoire. Beauté et vérité, pour lui, vont de pair.

Ammien est contemporain des invasions barbares qui ravagèrent l'Empire. Pourtant, bien que la fin approche pour la part occidentale de cet Etat, l'historien ne perd pas confiance en l'éternité de Rome devant ces nations barbares émergentes. Ce sixième et dernier volume de son oeuvre, lisible indépendamment des précédents, se termine pourtant avec le désastre d'Andrinople (aujourd'hui Edirné en Turquie), où les Goths, introduits sur le sol romain avec la bénédiction des autorités, écrasèrent en 378 l'armée romaine et tuèrent même l'empereur Valens, en ravageant les provinces.

L'édition bilingue est introduite, annotée, expliquée abondamment, avec un soin du détail, une science, une compétence et une profondeur qui forcent l'admiration pour les auteurs des éditions des Belles-Lettres. Il en va de même pour les cinq volumes précédents de l'Histoire d'Ammien Marcellin: les acquérir est certes un investissement, mais c'est aussi un bonheur de lecture inégalé.