Broderies
de Marjane Satrapi

critiqué par Zelda, le 23 juin 2006
(Rambouillet - 53 ans)


La note:  étoiles
Quel plaisir ...
J'ai découvert Marjane Satrapi en lisant Persepolis.
Persepolis raconte l'enfance et l'adolescence de Marjane Satrapi en Iran au moment de la révolution.
On fait connaissance avec ses parents, sa famille et on suit son parcours jusqu'à la fin de son adolescence.

Broderies parle de ces discussions qu'ont les femmes entre elles, en Iran, lorsque les hommes vont fumer.

Le début est hallucinant et tout le reste vraiment surprenant.

Marjane Satrapi porte un regard à la fois tendre, sincère et critique sur toutes ces femmes qui ne brodent pas en attendant le thé. Vous découvrirez le pourquoi de titre en lisant le livre.

Marjane Satrapi est vraiment forte parce que le dessin et le texte sont en harmonie. Pourtant le trait semble simple, on dirait qu'elle a fait sa vignette en cinq minutes.
A y regarder de plus près je m'aperçois de la finesse des angles de vue, du choix qu'elle a fait dans la mise en relief d'un détail particulier qui va donner un autre sens aux mots.

Elle est une grande artiste par son trait, par son approche, par sa volonté de nous faire partager son univers et de nous permettre, à chaque fois, de nous retrouver dans ce qu'elle est.
Quand j'ai lu Persepolis j'avais parfois l'impression qu'elle montrait mon adolescence, alors que je suis d'un endroit vraiment différent du sien.
Des Iraniennes qui ne font pas dans la dentelle 8 étoiles

Pour les Iraniennes, la broderie n’est pas seulement une occupation à laquelle s’adonne la gent féminine. Le terme comporte également, non sans une certaine malice, une allusion chirurgicale à la virginité « retrouvée » des jeunes filles qui souhaitent se marier après avoir goûté aux plaisirs de la chair.

Ces discussions à bâtons rompus sur le ton du badinage révèlent une réalité moins rose de la condition féminine en Iran, avec la souffrance et le mépris que les femmes doivent endurer dans le cadre du mariage. Mais comme dans « Persépolis », Marjane Satrapi a judicieusement choisi l’humour, une arme aussi efficace sinon plus que la révolte. Les fanatiques religieux ne considèrent-ils pas le rire comme la marque du diable, a fortiori celui des femmes ? Quoi qu’il en soit, ceux-ci ont su nous montrer de façon peu amène, ces dernières années, qu’ils ne l’appréciaient guère.

Certains esprits chagrins y verront peut-être un parti pris misandre – le mâle ne ressort guère grandi de cet étrillage verbal – mais pour les autres, ces anecdotes, souvent croustillantes, apparaîtront comme un exutoire des plus légitimes. Tout au long du livre, les hommes ne jouent qu’un rôle secondaire et peu enviable, sans se douter une seconde qu’ils ne sont que des « pachas » en sursis, potentiellement déchus par les sarcasmes ravageurs de ces femmes, dont certaines apparaissent très libérées et de manière plus surprenante, libertines. Ce n’est qu’en apparence qu’elles sont soumises, car elles acceptent volontiers de faire leur autocritique, conscientes de payer pour leur propre bêtise à tout vouloir miser sur leur mari. Si la révolution a eu lieu en Iran il y a près de 40 ans, une autre, féministe celle-là, couve toujours pour la moitié de la population. Et à la lecture de l’ouvrage, l’espoir est permis…

Avec une certaine jubilation, on retrouve le personnage de la grand-mère frondeuse de « Persépolis ». Le trait noir et blanc de Marjane Satrapi reste à la fois minimaliste et naïf mais très vivant, avec une certaine liberté dans la mise en page, d’où les cases sont absentes.

On l’avait déjà bien pressenti avec « Persépolis », mais « Broderies » ne fait que confirmer le côté passionaria de l’auteure, prête à partir en guerre contre les mollahs et autres patriarches fanatiques, avec un crayon j’entends – une arme puissante quand on connaît la capacité de la plume à se changer en épée et qu’on voit l’acharnement des pouvoirs autoritaires à réprimer dessinateurs, journalistes et intellectuels.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 19 février 2017


La femme est l'avenir de l'homme. 9 étoiles

''Parler derrière le dos des autres, c’est la ventilation du cœur…''

C’est la grand-mère de Marjane qui l’a dit.

En ouvrant les pages de Broderies, on partage les réflexions de plusieurs femmes, de générations différentes, sur l’amour, le mariage et les relations avec les hommes.

Géographiquement, nous sommes en Iran. Mais comme les autres lectrices de Critiques Libres l’ont mentionné, nous pourrions être aussi bien en Europe ou en Amérique, tellement le sujet est universel.

Après avoir mangé, les hommes vont faire la sieste; les femmes, elles, desservent la table, font la vaisselle et, enfin, se réunissent autour du thé pour discuter.

Moi, qui suis un jeune homme, ai beaucoup aimé lire ces pensées de femmes célibataires, mariées ou divorcées.

Enfin, le dessin, la mise en page, le ton et la construction narrative sont sans défauts.

DomPerro - - - ans - 7 juin 2012


Un peu d'universalité 8 étoiles

Elle a beau nous parler de sa vie, en Iran ou en Europe (dans Persépolis), Marjane Satrapi met dans ses récits un peu d'universalité.

Ces quelques conversations sans tabou entre femmes (hommes interdits de séjour!) auraient pu se passer n'importe où, à n'importe quelle époque. Le petit plus, c'est qu'on les suit à travers les yeux de Marjane, un regard espiègle et très observateur.

Autre grand plus: la mise en page, l'organisation des vignettes de dialogue au milieu des dessins. La lecture de la discussion est très facile à suivre, alors qu'il y a tellement de personnages! Ça et l'apparente simplicité du trait, font que la lecture se fait tout naturellement, et qu'on se retrouve, comme une petite souris, à tendre l'oreille pour écouter leurs histoires...

Mallollo - - 42 ans - 12 octobre 2010


Intime 8 étoiles

Marjane Satrapi est une grande artiste. Avec Persepolis, plus jamais je n’aurais le même regard sur l’Iran. Broderies n’a pas la même grandeur que ce dernier, c’est une bande dessinée plus anecdotique, mais ça reste toujours dans le vrai. On sent le vécu, la sincérité. On apprend sur la vie de ces femmes iraniennes, qui ne semblent pas si différentes de nous. Cette bande dessinée m’a fait penser à moi et mon amie quand on parle de tout et de rien. Ce qui prouve qu’on a beau venir de deux cultures différentes, il y a certaines choses universelles. Sous une façade assez ordinaire, les dessins de Satrapi ont sa marque personnelle et ils sont toujours aussi efficaces.

Nance - - - ans - 21 décembre 2009