African psycho
de Alain Mabanckou

critiqué par ValdeBaz, le 29 juin 2006
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Pas fastoche d’être serial killer.
Grégoire Nakobomayo est ce qu’on appelle un « enfant ramassé ». Un physique ingrat, une « tête en forme de brique rectangulaire », baladé de famille d’accueil en famille d’accueil. Son objectif premier : être libre. Opiniâtre, il y parviendra et deviendra rapidement le caïd des gosses de la rue, errant comme lui, laissant derrière eux leur lot de désespoir.
Entre débrouillardises et petits méfaits, il s’endurcira avec pour autre objectif : tuer. Car son idole, son « grand Maître », n’est autre que le meurtrier qui sévit et eut son heure de gloire dans le quartier « celui-qui-boit-de-l’eau-est-un-idiot » : Angoualima !
Pour égaler son maître (un vrai pro !), il va multiplier des coups minables qui ne lui vaudront que des silences radio ! Même le journal « la rue meurt » l’insulte en le traitant de maniaque sexuel !
Il ira alors chercher conseils auprès de feu son maître, au cimetière des « Morts-qui-n’ont-pas-droit-au-sommeil » mais même là, Angoualima lui apparaît pour le traiter de minable.
Rien à faire, il faut agir ! Il faut prouver à ce maître vénéré qu’il est aussi de la même trempe, il le sait, il le peut, il le fera !
Tout est prévu, le 29 décembre, il tuera Germaine. Point. (Enfin !...)

On est loin d’American psycho car le pauvre Grégoire n’a rien d’un Golden boy, mais quel régal par rapport à son « homologue » made in US ! Mabanckou réalise encore un coup d’éclat (avant « Verre cassé ») en nous plongeant au cœur d’un quartier qui n’a pourtant rien de reluisant !
Certaine scènes ou dialogues sont à se rouler par terre, les odeurs nous chatouilleraient presque les narines (enfin, pour le coup, on préfère les éviter), les ivrognes imbibés de vin de palme apparaissent les yeux rougis et l’on se met à fredonner le refrain « tout le monde m’appelle soûlard » de Zao !
Ecriture fluide, phrases courtes et dialogues nombreux rythment le récit avec un monologue haletant et alcoolisé, sans un seul point, qui n’est pas sans rappeler le style de « Verre cassé ».
Pas de risque d’overdose d’hémoglobine avec cet apprenti killer qui est plutôt pitoyable ! Humour assuré.
Celui qui boit de l'eau est un idiot! 9 étoiles

Prenez un bricoleur dont le cerveau affaibli est aussi déglingué que les bagnoles cabossées par des congénères qu’il méprise, même si cela le fait vivre, dans un quartier dont l’appellation
(« Celui qui boit de l’eau est un idiot ») est aussi pittoresque que les mœurs de ses habitants . Vous avez là le décor amusant d’African Psycho.
Ce type, à tête rectangulaire, se trouve moche. Il se le dit chaque jour qu’Angualima, son assassin de héros fait. Il rêve de l’imiter. Il lui voue un culte régulier. Ses visites sont intéressées pour les conseils prodigués de sa tombe. En même temps le Maître le méprise, et le carrossier démontre son masochisme.
« Grand Maître » repose après s’être supprimé, estimant qu’il a accompli son devoir, à savoir commettre le plus de crimes parfaits, en faisant trembler les chaumières et pisser les plumitifs de la presse à sensations, sans être pris.
Il rêve donc d’égaler le « Grand maître ». Pour cela il s’est mis en tête de supprimer une fille. Ce devra être une prostituée venue de l’autre côté du fleuve, exercer son métier avec des clients assez fantaisistes.
L’auteur cite en dédicace Hermann Ungar : « J’ai tué un être humain, mais il me semble que je n’ai pas fait cela moi-même ». L’on peut se demander si Mabanckou n’a pas surpassé son inspiration morbide au travers de lectures de ce tchèque morbide.
Aurait-on un double, un ange maléfique, se dédouble-t-on ? que se passe-t-il dans l’au-delà quand les vivants conversent avec leurs défunts ? Mabanckou recoure à ces interrogations éclectiques dans le récit. La psychanalyse est bonifiée par sa truculence. Le lecteur peut aussi, à côté d’une lecture très savoureuse, se payer une psychanalyse bon marché, en lisant entre les lignes.
Le héros ordinaire se nomme Grégoire Nakoboyamo. Il lui arrive de s’abîmer longtemps dans des rêveries qui n’en finissent pas, heureusement que Mabanckou écrit avec faconde ! L’une de celles-ci est la capture d’une étoile qu’il mettrait en cage pour l’éclairer en se passant de soleil. Mabanckou nous livre le bric-à-brac de la parfaite péripatéticienne, sorte d’inventaire drolatique à la Prévert.
Je ne parle pas de la chute. Chutt !
Cela se lit avec amusement. L’irrévérence de l’auteur doit beaucoup, et au monde occidental, et à son Afrique, qu’il peint, au loin, à Manhattan, avec ses inventions littéraires grand-guignolesques, que l’on déguste comme on le fait de fruits savoureux et délétères.
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1893-1929. Ecrivain tchèque de langue allemande. Contemporain de Kafka, Ungar est un maître des destinées sordides. Ses nouvelles ( Editions ombres) ne sont jamais très longues, souvent sous forme de récit, mais que l'on se jure de ne plus lire. Cet univers malsain, glauque, peuplé d'avortons humiliés par l'existence, de frustrés sexuels, de meurtriers miséreux, de destinées persécutées et cruelles effraie le lecteur bien portant et le renvoie systématiquement à un troublant acte voyeuriste, voire masochiste. A partir de 1920, il acquiert peu à peu une belle notoriété qui n'est pas sans rapport avec l'admiration que lui porte Thomas Mann. Puis tout s'accélère. Le 10 octobre 1929, il demande un congé sans solde de six mois au ministère des Affaires étrangères pour se consacrer uniquement à la littérature et quitte son poste de secrétaire de légation à l'ambassade de Tchécoslovaquie à Berlin. Cinq jours avant la naissance de son second fils. Le 28 octobre, il meurt d'une crise d'appendicite aiguë. (in le Matricule des anges avril 1993).

Habertus - - 81 ans - 6 août 2009


African psycho 4 étoiles

j ai adore le rythme

Moncef lahlou - casablanca - 54 ans - 2 janvier 2008