Je ne t'aime pas, Paulus
de Agnès Desarthe

critiqué par Bananamooon, le 15 juillet 2006
( - 36 ans)


La note:  étoiles
Je n'aime pas les bons livres
Malgré une trame clichée, il ne faudrait pas trop hâtivement ranger ce roman dans la catégorie - méprisée? - des histoires pour ados.
Julia, l’héroïne, est un vilain petit canard : maigrichonne, binoclarde, mal dans sa peau ; elle étouffe dans une atmosphère familiale peu propice à son épanouissement personnel et social.
Entre une mère ancienne mannequin, « model » de perfection ; et son père, obèse donc chômeur car discriminé, et par voie de conséquence dépressif, Julia se sent incomprise au sein de cette famille « extrême ».

Quant à sa petite sœur Judith, sept ans, elle fait tourner son petit monde, avec sa poupée baptisée Tu Pues et son futur mari Camel, avec qui elle fait des gâteaux de cailloux quand ça va mal.
Julia croit que tout est aussi radicalement régi que dans Riquet à la houppe : elle est peut-être moche, mais au moins elle est intelligente et bat tous les records en classe. Elle a trouvé son complémentaire en sa meilleure amie Johana , « belle et la bête tout en un ».
Tout le beau raisonnement de Julia s’écroule lorsqu’elle apprend qu’un Prince Charmant, l’époustouflant Paulus Stern - « tellement beau que même les garçons avaient une sorte de respect bizarre pour lui » -, est amoureux d’elle.
Sa première réaction soi-disant lucide est de croire à un pari. Mais lorsque Paulus se met à plagier Apollinaire « Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne », sa sincérité ne fait plus aucun doute.
Et si Julia a du mal à admettre qu’on puisse aussi bien l’aimer, c’est parce qu’il lui faut d’abord apprendre à s’accepter comme elle est.

Je ne t’aime pas, Paulus, n’est pas un énième roman pour adolescents « mal dans leur(s) peau(x) ».
Recourrant souvent à la comparaison, les réflexions de Julia sont tour à tour amusantes, profondes, parfois égoïstes mais en tout cas toujours sincères et intelligentes.
Quant au style de l’auteur, il est clair et maîtrisé, mais parfois irrégulier, peut-être à l’image de son héroïne.
Quoique écrit il y a une quinzaine d’années, les ados d’aujourd’hui comme ceux d’hier – adultes aujourd’hui - pourront se reconnaître et se replonger dans les souvenirs de leur propre adolescence, période délicate qu’on persiste à tort à qualifier d’« âge bête ».

Petit bémol : la fin nous laisse justement sur notre faim, comme si le dénouement s’arrêtait juste à temps pour laisser notre imagination faire le reste.
Mais plutôt que de dénouer les quelques nœuds restant, Agnès Desarthe a choisi mieux que toutes les fins définitives qu’elle aurait pu trouver. En effet, elle nous a offert en 2005 une suite, dont le titre est (devinez) : Je ne t’aime toujours pas, Paulus, en référence à la méthode Coué à laquelle Julia a parfois recours, non sans une certaine lucidité quant à son inefficacité.

En tout cas, un roman à (s')offrir.