La couleur et le sang
de Pierre-André Taguieff

critiqué par Hiram33, le 4 août 2006
(Bicêtre - 55 ans)


La note:  étoiles
Le racialisme pseudo-scientifique
Dans ce livre, P.A. Taguieff rappelle d'abord que la notion de race, correspond à l'idée d'une division de l'humanité en groupes dont les éléments partagent des traits et des moeurs héréditairement transmis. Cette idée est ancienne et notable dès le début le dix-huitième siècle, de même pour la croyance en une hiérarchie pour classer ces groupes. L'originalité du dix-neuvième siècle en ce domaine vient pour lui de ce qu'il voit surgir des discours qui, mobilisant les ressources de la "science normale", tentent de promouvoir des modes d'explication du monde social dont l'idée d'une hiérarchie des races serait la clé de voûte , ce que Taguieff définit sous le terme de racialisme. Il existe également des doctrines, qui sont aussi des plans politiques, visant à transformer la race en une catégorie mobilisable dans le champ politique et prise en compte par l'action publique ce que le politologue appelle la “pensée raciste” et qui doit établir entre les races des discriminations.

L'ouvrage, de Taguieff est dédié à la mémoire de Léon Poliakov, historien de l'antisémitisme, est consacré à l'histoire de trois auteurs fondamentaux du racisme en France : Gobineau ("racialisme pessimiste"), Le Bon (racialisme évolutionniste et darwinisme social), Vacher de Lapouge ("racialisme eugéniste"). La filiation historique entre les trois auteurs est abordée tout au long du livre. Il semble que les auteurs racistes du XIXe et XXe siècles s’inspirent régulièrement de Gobineau sans toujours être d’accord avec lui. P.-A. Taguieff démonte cette filiation en soulignant que les différences essentielles de doctrine ne permettant pas d'établir
une continuité entre Gobineau et ceux qui s'en réclament. Il semble vouloir défendre Gobineau qui, pour le grand public, est fréquemment considéré comme l'un des inspirateurs du nazisme.Taguieff estime que cette idée a été établie par les nazis eux-mêmes, puis par les collaborationnistes. Montrer Gobineau, comme le père du racisme français permettait aux collaborationnistes de prouver qu'il ne s'agissait nullement d'une doctrine étrangère. Taguieff s’attache à démontrer que Gobineau n’était pas antisémite contrairement à Le Bon et à Vacher de Lapouge, tout deux antisémites. Le politologue pense que le pessimisme de Gobineau est " incompatible avec la formulation d'un quelconque projet politique" (p. 18). A contrario de "l'orientation pro-capitaliste et libérale-conservatrice" de Le Bon, tout autant qu’au «socialisme étatiste" de Vacher de Lapouge. La lecture de cet ouvrage laisse malgré tout une étrange impression. On ne sait pas si Taguieff est très clair dans son analyse des écrits de Gobineau, il semble parfois qu’il les dédramatise. Un court passage sur Drumont permet d’avoir une petite idée sur les théories antijuives de l’auteur de La France Juive mais hélas Taguieff ne développe pas.