un fasciste français de Robert Belot

un fasciste français de Robert Belot

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Hiram33, le 5 août 2006 (Bicêtre, Inscrit le 31 juillet 2006, 55 ans)
La note : 8 étoiles
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Rebatet et le fascisme français

Belot, Robert.- Lucien Rebatet, un itinéraire fasciste, Paris : Seuil, 1994
Pourquoi vouloir faire connaître Rebatet en 1994 ? La question, visiblement, obsède Robert Belot. Le livre dont il est l’auteur n'y répond pas vraiment. Par sympathie fasciste visiblement puisqu’il s’en défend presque à chaque paragraphe. Son ouvrage est constitué de nombreuses sources inédites utilisées : articles de presse, livres de Rebatet, archives privées qui ne sont malheureusement pas bien répertoriées dans les pages de notes. Robert Belot révèle à quel point il est difficile de savoir pourquoi un intellectuel comme Rebatet a commis un crime contre l’intelligence et contre sa patrie. La première partie du livre de Belot montre un Rebatet gourd et timide avec les femmes issu d’une petite bourgeoisie (un père notaire) et d’une éducation religieuse (qui l’a rendu anticlérical). Puis on assiste à la montée en puissance du fasciste qui déversa à longueur d’articles dans L’Action Royale d’abord et Je suis partout, sous l'Occupation, sa fascination pour le nazisme et sa haine du marxisme, de la " cataracte démocratique ", de la République, des parvenus de Vichy mais surtout des juifs.

Ses articles et ses pamphlets déclenchèrent des arrestations, et Robert Belot démontre même que sa plume vindicative fut fortement délatrice (Rebatet dénonça un gaulliste rencontré par hasard lequel témoigna contre lui lors du procès du pamphlétaire). Idéologiquement, Rebatet s’inscrit dans la droite ligne du collaborationnisme. Politiquement, son engagement fut purement théorique, il quitte la Milice aussitôt après y avoir adhéré, il hésite entre les deux fascistes français rivaux Déat et Doriot.A l'automne 1942, souligne Robert Belot, le succès imprévu des Décombres n'a pas changé l’image de son auteur : son pamphlet de 664 pages vendu à 65 000 exemplaires et largement diffusé au marché noir, n'a guère été compris ; il a sans doute été lu par les Français qui se délectaient de leur propre déliquescence mais n'a pas permis pamphlétaire de trouver avec ce succès de librairie un tremplin politique. Belot s’attache surtout à comprendre la genèse d’un pamphlétaire fasciste que Sartre a qualifié de salaud. Robert Belot que Rebatet lut Rimbaud et Proust avec passion, que ses études de droit et de philo furent médiocres qu’il " fit l'artiste " à Montparnasse dès 1923. qu’il vit dans le besoin jusqu’ en février 1930, dès lors, il sort de sa vie médiocre et passive en prenant en charge une rubrique cinématographique à l'Action française et des piges sur la musique à Radio-Magazine. TOUT s'est joué chez lui entre 1930 et 1935, et Robert Belot aurait dû tenter de cerner et de hiérarchiser davantage les processus d'identification du journaliste à la cause extrémiste. C'est bien _ vraie révélation du livre _ à travers le cinéma que Rebatet a cru repérer l'emprise nouvelle du Juif sur le cours du monde. Sa critique, moderne et intelligente, sachant saluer le génie américain à l'écran, entichée de Scarface avant d'abdiquer devant Leni Riefenstahl, montre qu'il a saisi les mécanismes des démiurgies du XXe siècle et raffolé de ses mythologies de la violence. Mais cette logique esthétique ne suffit pas à le faire basculer, faute sans doute de moyens intellectuels pour théoriser un peu plus la révélation des images.
C'est plutôt la fréquentation des plateaux et des producteurs qui excite son antisémitisme. C'est la victoire de Hitler, l'affaire de Rhénanie puis la victoire du Front populaire qui enragent sa haine raciale, son enquête de 1935 sur les étrangers en France, pour Je suis partout _ où il recommande l'ouverture de camps de concentration pour émigrés trop récents _, qui la systématise. Etrange cheminement qui n'a rien d'intellectuel et dont le populisme trivial engendrera chez Rebatet une longue et conflictuelle perplexité face au " père ", ce Maurras national qui rompra avec " cette petite gouape " à la sortie des Décombres. Un parcours qu'à tout le moins, et toutes proportions gardées, il eût été intéressant de comparer avec celui d'un certain petit peintre, à Vienne avant 1914. On sort donc du livre de Belot fortement instruit, mais pas définitivement éclairé sur une adhésion de plus en plus frénétique.
Rebatet n'était pas prédestiné, mais la collaboration fut bien le vrai moment où il dénuda son intime vérité. Son Occupation est en continuité avec son avant-guerre, sinon avec sa jeunesse, mais sans qu'ait été mise en oeuvre au service du " fascisme français " une vocation aussi rectiligne que le dit, après Zeev Sternhell, ce savant livre de bonne foi. Le mystère n'est donc pas entièrement dissipé. Il serait, certes, très commode d'appliquer à Rebatet le mot de Forain : " Il se vomit lui-même, mais sur les autres. " Ce serait pourtant oublier qu'être ignoble, cela s'apprend.

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Les éditions

  • Lucien Rebatet [Texte imprimé], un itinéraire fasciste Robert Belot
    de Belot, Robert
    Seuil / XXe siècle (Paris. 1987).
    ISBN : 9782020129817 ; 39,99 € ; 01/06/1969 ; 481 p. ; Broché
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