Depuis qu'Otar est parti ...
de Julie Bertuccelli, Bernard Renucci

critiqué par Tistou, le 21 août 2006
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Scénario
« Depuis qu’Otar est parti … » est un film de Julie Bertuccelli, scénario écrit par Bernard Renucci. C’est un film mais les Editions « Hors Commerce », dans la collection « Hors écran », publient le scénario. C’est de celui-ci dont nous parlons. Il est d’abord important de préciser qu’il ne s’agit pas d’un scénario réalisé à partir d’une oeuvre déja écrite mais d’un scénario original à partir d’une histoire entendue par Julie Renucci, comme elle l’explique en postface dans un intéressant entretien avec Patrick Boriès. On a ainsi la genèse d’un film, depuis l’idée glanée lors d’une conversation, l’écriture du scénario confiée à Bernard Renucci et la réalisation finale par Julie Bertuccelli. Film qui reçut tout de même le César de la Meilleure Première Oeuvre au Festival de Cannes en 2003.
Donc lire un scénario. Puisqu’il s’agit bien de cela. Lire un scénario plutôt qu’un roman ou plutôt que regarder une version image sur écran.
C’est possible ! Forcément différent du roman puisque la destination finale est la réalisation d’un film et donc dialogues/indications des éléments scéniques (lieu, personnages, situation particulière, …), … Ca donne ça par exemple, le début :

« TBILISSI (GEORGIE)
1 Poste Centrale/Int. Jour
Sous une lumière rare, deux mains dodues de postière fouillent dans un tiroir métallique où sont rangées verticalement des lettres en souffrance …
Début du générique …
Maniées avec une dextérité professionnelle, les lettres défilent, ornées de timbres du monde entier … Tombée de la bouche de la postière, une cendre de cigarette s’écrase dans le tiroir … Les mains s’arrêtent brusquement sur une lettre venue de France et adressée à Madame Eka Zourabichvili-Poste restante-Tbilissi-Géorgie, saisissent la lettre, referment le tiroir qui claque comme une guillotine … »

Il est vrai que ce n’est peut être pas forcément le cas de tous les scénarios mais celui-ci est « écrit ». Pas de simples indications dans un style minimal, il y a réellement une qualité d’écriture. Bernard Renucci s’en explique d’ailleurs dans l’interview en postface. Dans ces conditions, lire le scénario de « Depuis qu’Otar est parti … » ressemble à la lecture d’un roman. Un roman structuré différemment, un roman dans lequel les indications, les impressions au lieu de passer par la suggestion, l’écriture au fil des paragraphes, sont données de manière frontale et brute. Ca ne nuit pas à la lecture dans la mesure, encore une fois, où c’est « écrit » et non pas seulement « indiqué ».
L’histoire est simple. Otar, le fils, frère et oncle respectivement d’Eka, Marinina et Ada, est parti tenter de trouver fortune en France en laissant sa famille, féminine, en Géorgie. On ne nous raconte que la partie féminine de la chose puisqu’Otar mourra en France et que Marinina et Ada pour épargner Eka lui cacheront la nouvelle. L’histoire porte donc à la fois sur cette cachoterie familiale, la bataille pour la vie quotidienne en Géorgie et les relations complexes mère/fille.
On est loin du film ou de l’histoire à sensation. Histoire à la fois psychologique et sociologique. Qui aurait pu faire un roman !