Lost paradise of Maurania
de Gérard Pangon, Sokal

critiqué par Shelton, le 24 août 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Quel beau pays !
Benoît Sokal, auteur de bandes dessinées et créateur de jeux vidéo, nous a habitué à nous mettre en main de magnifiques albums pour décrire les univers qu’il invente. Après L’Amerzone, un pays mystérieux d’Amérique du Sud, lieu d’une aventure de son héros mythique Canardo, après avoir décrit Sybéria, territoire gelé d’un jeu, le voilà qui nous ouvre la Maurania, théâtre africain d’un jeu et d’une bande dessinée…
Cet album, à l’italienne, est une véritable invitation au voyage dans l’imaginaire de Sokal. On y trouve tout, ou presque, sur les animaux de Maurania. Les animaux, chez Benoît, sont des êtres vivants. Ils expriment des sentiments, comme des êtres humains, mieux que des êtres humains, probablement. C’est, d’ailleurs, pourquoi Sokal a mis des animaux dans sa série Canardo : un animal peut en dire plus sur l’homme et la société qu’il a mise en place sur la terre, sur les sentiments et les défauts, sur les passions et les jalousies, sur les histoires et les destins humains…
En Maurania, il y a un animal magique, le léopard noir, on ne le verra qu’une fois dans cet album artistique : mais il y est magnifique ! Par contre, on y rencontre, en détail, une taupe qu’on ne retrouvera pas dans le jeu… on crée puis on élague pour ne garder que le meilleur, même quand on se nomme Sokal, surtout lorsque l’on porte un nom si prestigieux dans la bédé… On se doit d’être le meilleur !
On va croiser, aussi, les peuplades de Maurania, en particulier les Molgraves qui vivent sur les baobabs et qui ne mettent jamais les pieds sur le sol, ce qui les rendrait presque irrémédiablement impurs…
Mais quel est donc ce pays de Maurania ? Je crois, mais ce n’est que mon point de vue personnel, qu’il s’agit d’un pays hybride entre la Mauritanie (le désert) et le Congo (l’Afrique plus traditionnelle teintée de souvenirs de la colonisation belge et des récits comme ceux de Hergé). Ce pays n’existe pas, est sorti directement de l’imagination de Sokal et, ainsi, l’auteur s’abstient de tirer des leçons morales pour les Africains d’aujourd’hui.
Cet univers va servir à une grande quête : Malkia, certains continuent de l’appeler Ann Smith, doit rejoindre son père mourrant, Rodon, roi de Maurania. Ce roi est-il un tyran, un monstre, un despote plus ou moins éclairé ? En fait, je crois qu’il est seul, malade, à la fin de sa vie, inconscient de ce que vit son peuple, incapable d’aimer… Il souffre, il va mourir, et, comme toute bête sauvage dans ce type de situation, il peut mordre tout ce qui sera à sa portée…
Cet album est donc une façon de découvrir les clefs de base d’un univers, mais pour aller plus loin dans ce monde, il vous faudra jouer ou lire la série bédé, ce que je préconiserai sans état d’âme tant elle est belle et réussie.
Voilà, donc, un très beau livre qui met en valeur les talents de conteur et de créateur de Benoît Sokal. Profitez-en, sans aucune modération !