Le pape des escargots
de Henri Vincenot

critiqué par Hexagone, le 25 août 2006
( - 53 ans)


La note:  étoiles
L'évêque de la Nature
Quel enthousiasme, quel allégresse à la lecture de ce livre.
Chaque coin de page recèle un trésor de joie simple, comme au détour d'une friche ou d'un vallon. Tous les mots respirent la gaité d'une campagne aujourd'hui disparue. Le bon sens de ses habitants, la générosité dans les rapports humains et dans le travail. L’exaltation de l'homme baigné et bercé dans son environnement. Celui dont il est issu, comme une sculpture de son marbre. Redevable envers les siens et sa terre, Respectueux de son passé comme de son avenir. Un livre qui est une fenêtre ouverte sur le monde de Vincenot. Le bourdonnement des abeilles, la chaleur du soleil de Bourgogne et le sucre du miel vous griseront l'âme.
Le pape des escargots c'est la Gazette, personnage haut en couleurs, fantasque et généreux. Sorte de barde des monts, Druide de la nature. Celui-ci pense trouver en Gilbert son successeur.
Gilbert est un sculpteur autodidacte, naturel et inné. Prodigieux talent qui se dévoue à la sculpture de personnages bibliques. Cela afin de restaurer une chapelle, élevée sur un ancien autel celte.
Vivant en ermite entièrement dévoué à son art.
Mais Gilbert, attiré par la réussite et la cupidité, se laisse envoûter par le miroir aux alouettes de deux escrocs qui décèlent en lui un énorme potentiel de sculpteur, ainsi qu'une manne financière.
Quittant sa Bourgogne pour monter à Paris, Gilbert va faire l'apprentissage du vice, et en homme plein de bon sens, s'apercevra assez tôt que cette vie n'est pas la sienne. Faisant la rencontre d'un compagnon sculpteur, Gilbert va suivre celui-ci au travers d'un voyage initiatique, qui va l'amener à restaurer des cathédrales.
Chemin faisant il va se rapprocher de son village natal et retrouver l'amour perdu des yeux, mais non du coeur.
Ce roman n'a rien de gothique malgré la présence de cathédrales. Païen par endroits, iconoclaste en tout cas.
Vincenot sait dépeindre habilement et sans fioritures les paysages ruraux et les états d'âme de ses habitants.
Un voyage formidable au travers d'un temps que les moins de vingt ans ....
Ecrivain enraciné 6 étoiles

S'il y a un personnage qui ressort de cette fable moderne, c'est bien le Duché de Bourgogne et particulièrement le pays d'Auxois dont est issu Henri Vincenot, sorte de Barrès contemporain et qui serait le pendant campagnard du chantre lorrain.
C'est en effet une exaltation à chaque page de la Bourgogne qui est donnée au lecteur: son art, le parler de ses habitants, le bon sens de sa population, son art de vivre ancestral. La Gazette n'est que le prétexte pour Vincenot à défendre ces traditions, ses connaissances qu'il voit disparaître au fur et à mesure que le Progrès pénètre jusque dans les campagnes aux confins du Morvan et du Dijonnais. Enraciné et antimoderne donc, tout ce qui pouvait me plaire. D'autant que Vincenot est doté d'un style propre mais impeccable.
Cependant, ce roman pèche par certains travers et notamment sa longueur, il aurait mérité d'être amputé d'un quart, notamment la fin qui s'étale inutilement. Par ailleurs, l'emploi excessif d'un vocabulaire issu du patois bourguignon finit par être lassant et frôle parfois la caricature, ce qui gâche la très bonne impression qu'on a de l'ensemble de ce livre qui constitue selon les amateurs le chef d'oeuvre de cet écrivain si particulier, OVNI littéraire au mitan d'un vingtième siècle qui aura vu une transformation majeure des campagnes auxquelles était si attaché Vincenot l'enfant de la terre de Bourgogne.

A noter de très belles pages sur Autun, la plus belle ville du monde ;)

Vince92 - Zürich - 47 ans - 31 mai 2017


Druidique 6 étoiles

La Gazette, mendiant sublime et prophète illuminé à ses heures perdues (qui composent l'essentielle de son activité quotidienne), parcourt sans relâche et par tout temps sa Bourgogne natale, ici et là il déclame avec une verve sans pareille les nouvelles du pays à tout ceux qui veulent bien l'écouter et ils sont nombreux. Le prix de l'abonnement à la Gazette est un bon verre de vin et parfois une assiette glissée au coin de la table. Prenant assise sur l'héritage des Druides qui peuplaient autrefois cette contrée avant l'avènement du christianisme, il proclame sur tous les chemins, qui tournent le dos à Rome, qu'il en est le digne héritier. Son verbe tempétueux est accueilli par les hochements de têtes complaisants et les sourires narquois des habitants de cette contrée qui savent intuitivement, malgré toutes ses bravades qu'il sème par monts et par vaux, qu'il incarne l'âme de ce pays.

Gilbert, pendant ce temps, sculpte inlassablement des œuvres magnifiques dans son antre à l'abri des regards. Seul La Gazette est admis à contempler son bel ouvrage qui se dessine petit à petit sous les coups de ciseaux. Il le considère comme son fils spirituel, digne successeur dans sa marche tonitruante pour la reconquête des vieilles traditions mises à mal par ce monde moderne tonitruant et superficiel.

Jusqu'au jour où deux margoulins débarquent dans le repaire de Gilbert afin de le convaincre de venir exercer son art à Paris où il pourra se faire un nom. La Gazette tente vainement de l'en empêcher, lui promettant mille tourments dans ce monde sans âme. Gilbert accepte l'offre des deux mécènes.

Les chemins des deux compères se séparent, chacun va errer longuement avant de pouvoir se retrouver.

Ce roman est une invitation à la joie de vivre en dehors des miracles de la société moderne soumise aux contractions douloureuses de désirs sans lendemain. Le discours de l'auteur peut être perçu comme un combat d'arrière garde mené par un individu hermétique aux délices du progrès, mais ce roman publié en 1972 conserve toute sa fraîcheur et reste d'actualité. L'auteur met en scène des personnages qui se battent pour conserver un minimum de dignité et d'authenticité face à la dévastation perpétrée par un société affadie et entièrement dévolue à la superficialité et à l'appât du gain.

Ajoutez à cela une écriture jubilatoire enchâssée dans le patois Bourguignon qui met en exergue toute la truculence du personnage de La Gazette. Un vrai plaisir de lecture.

Heyrike - Eure - 57 ans - 6 janvier 2014


Par Toutatis ! 5 étoiles

Matois comme un vieux vigneron bourguignon qui compte ses bouteilles dans sa cave, le père Vincenot nous donne une belle leçon de morale et d’éducation en nous montrant comment en détruisant les us et coutumes ancestraux et en manquant de respect à dame nature, nous mettons en péril notre futur pour profiter des plaisirs frelatés et éphémères que donnent l’argent et le pouvoir.

Mais derrière cette première lecture, le vieil écrivain campagnard lance quelques appâts pour nous attirer vers ses convictions païennes et je ne suis pas loin de croire que le bougre se considère un peu comme un descendant des druides gaulois et qu’il dispose d’une certaine initiation que nous autres pauvres citadins ne pouvons pas comprendre. Le Pape des escargots aurait-il replanté des menhirs dans la campagne bourguignonne pendant certaines nuits de pleine lune ? Par Toutatis !

Débézed - Besançon - 77 ans - 4 avril 2008


très étonnant !! 6 étoiles

J'ai failli le laisser dix fois ce livre avant de le finir. J'étais partagée entre l'envie de le jeter et de le lire jusqu'au bout pour savoir jusqu'où Vincenot allait aller dans le dénigrement du progrès.
Il est daté, ce livre, on sent les années soixante-dix : le progrès contre le terroir.
Les remarques sur l'écologie et la protection de la planète sont intéressantes parce qu'actuelles.
On comprend alors une partie de l'histoire des ces trente dernières années : nous avons perdu la connaissance de la nature, notre histoire patrimoniale et nous courons aujourd'hui après, en encourageant les prises de position d'un Jean-Pierre Coffe par exemple : vive le terroir.
C'est un roman passionnant pour mesurer le chemin parcouru depuis trente ans par notre civilisation.
Cela fait vraiment peur !

Zelda - Rambouillet - 53 ans - 10 mars 2007