Le marchand d'oiseaux
de Robert Brasillach

critiqué par Shelton, le 3 septembre 2006
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Paris ! Oui ! Paris restera toujours Paris !
Vouloir critiquer, chroniquer un roman de Robert Brasillach peut sembler à beaucoup d’entre vous un acte dangereux. Oui, Robert Brasillach a été condamné à mort puis exécuté le 6 février 1945 pour collaboration avec l’ennemi… Malgré une pétition, signée par de nombreux écrivains comme Mauriac ou Claudel, Cocteau ou Camus, demandant la grâce de Brasillach au nouveau chef de l’Etat, le général de Gaulle, ce dernier restera ferme… Mais comme la condamnation ne concernait que le comportement du journaliste pendant l’occupation, je pense qu’il est possible de parler du roman, Le marchand d’oiseaux, ouvrage écrit en 1936. L’auteur est alors âgé de 27 ans, il a fait l’Ecole Normale Supérieure, il se veut écrivain et son engagement n’est pas encore trop marqué. Certes il a tenté de se rapprocher de Charles Maurras, mais il est surtout fasciné par le fascisme italien… J’ai l’impression d’un grand gosse qui ne comprend rien à ce qui se passe en Europe… Et c’est très net dans ce roman qui est celui de l’insouciance, de l’inconscience, du moins pour Laurent, un étudiant, que dis-je, un personnage du roman, incarnant, certainement, l’auteur lui-même… C’est surtout un témoin, un jeune ne voulant prendre aucune responsabilité et qui, chaque fois qu’il doit dire «oui» ou «non», joue la réponse à «pile ou face»…
Mais revenons au roman lui-même. Nous sommes dans Paris, en compagnie d’un auteur qui adore cette ville et nous fait revivre le Quartier latin, le parc de Montsouris, la Cité universitaire… Les personnages sont très nombreux et pour chacun, Robert Brasillach nous donne des tranches de vie, des anecdotes pour situer chacun à sa place… Isabelle, l’étudiante intelligente et sensible, accompagnée de ses deux chevaliers servants, Daniel et Laurent. Tous les trois semblent se laisser bercer par la vie et on ne les voit pas trop travailler… et pourtant ils réussissent leurs études ! On a le père la Frite, le marchand d’oiseaux, le personnage le plus sympathique de ce roman et qui, pourtant, n’y joue q’un rôle secondaire. J’adore cet homme qui promène ses oiseaux et ne cherche jamais à les vendre car il les aime trop… Il y a, toujours près de lui, le Kid, un jeune enfant espiègle, celui que j’aurais aimé être car toujours en liberté dans les parcs parisiens… et c’est dans l’un de ces parcs que j’ai appris à marcher… On a aussi la vieille épicière, Marie Lepeticorps. Elle est solitaire, grognonne, agressive envers les enfants, et tente d’oublier sa vie, une vie bien désagréable avec un mari qui l’a quittée depuis longtemps, heureusement d’une certaine façon… Enfin, il y a les dames de charité, des « chieuses de bas étages », et deux enfants, Serge et Michel… Ces deux là vont faire basculer le monde, perturber bien des vies tranquilles dont celle de madame Taillerand, qui avait, probablement, bien des aspects obscurs… Ah ! Je n’ai rien dit de madame Pusseigne… mais que pourrait-on en dire ? Non, je crois qu’il vaut mieux s’abstenir…
Ah ! Vous auriez voulu quelques mots de l’intrigue elle-même ? Je préfère ne rien vous en dire, elle est basée sur un suspense que je ne voudrais pas casser. Mais, soyons honnêtes, c’est surtout l’ambiance qui est de qualité, servie par une écriture que j’ai beaucoup aimée… Oui, indépendamment des idées politiques de l’auteur, je crois que l’on peut dire que c’est un bon roman.
La collection du Livre de poche, en 1974, écrivait pour le présenter : « Ce délicieux conte de fée moderne se déroule… » mais, pour moi, c’est plus un drame qu’un conte de fées…
La question qui reste en moi après cette relecture est double : Parlerait-on encore de Robert Brasillach s’il n’avait pas été exécuté en 1945 ? Aurais-je aimé ce roman, aujourd’hui, si je ne l’avais pas découvert en pleine adolescence, il y a de nombreuses années ? Les deux questions resteront, encore pour le moment, sans réponse, et c’est donc avec ces a priori que je le noterai de 4 étoiles… A vous d’en juger !