Les nouvelles confessions de William Boyd
( The new confessions)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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C'est la faute à Rousseau (air connu)
William Boyd appartient à cette génération d’écrivains britanniques, apparus dans les années 80, très connus et appréciés tant chez eux qu’à l’étranger. Son sens du récit, son imagination flamboyante, sa vaste culture, son brio lui ont valu récompenses et lecteurs.
Il a découvert Jean-Jacques Rousseau dans les années 70, quand il était étudiant, et « Les nouvelles confessions » seraient une sorte d’hommage aux Confessions de son illustre prédécesseur. Hommage ou pastiche ? En tout cas, des variations subtiles et originales.
James John Todd (avez-vous remarqué que les initiales de son prénom sont les mêmes que celles de Rousseau ?) entreprend, à 73 ans, de raconter sa vie, « un catalogue fait d’occasions ratées, de décisions excessives, d’impulsivité folle, aveugle et naturellement de circonstances absurdes et d’affreuse malchance. » Né le jour de la mort de sa mère (Rousseau aussi), il date de ce moment le début de ses ennuis. Un père indifférent le fait élever par une servante au grand cœur. Peu doué pour les études (tout comme Jean-Jacques), il s’évade du pensionnat, pris d’une grande passion pour sa tante Faye, sorte de Madame de Warrens du début du vingtième siècle. Il a 16 ans et cet épisode qui s’avère vite malheureux le conduit dans l’armée, alors en guerre. Atroce boucherie, notamment ce 22 août 1917 dont il se sort avec la conviction qu’ « il est impossible d’être confronté au chaos et à une absurdité cruelle sur une telle échelle sans en avoir son point de vue modifié pour la vie. » Pour la vie et sur la vie. Il entre ensuite au service du cinéma aux armées et réalise son premier film qui sera censuré : on ne doit pas montrer le vrai côté de la guerre. Il en tire la conclusion qu’il lui faudra désormais tout contrôler, dans son travail ( de la prise de vue au montage) comme dans la vie (ce que la suite montrera impossible). Prisonnier en Allemagne, isolé, il éprouve une désespérante solitude qu’un gardien, Karl-Heinz Kornfeld - ancien artiste peintre qui rêve de faire l’acteur – va égayer en lui offrant, en échange de quelques baisers, les pages volantes d’un livre. Découverte étonnante, bouleversante, fascinante, unique des « Confessions » de Jean-Jacques Rousseau qui devient le livre de sa vie.
Rentré chez lui, il veut continuer à faire des films, devient cameraman mais ses projets plus ambitieux échouent. Il épouse Sonia (en qui on pourra voir sa Thérèse Levasseur), a des enfants qu’il abandonnera plus tard (ainsi que le fit Rousseau). Un film « commercial » lui apporte enfin le succès mais « le succès peut emprisonner autant que libérer. » Il va connaître des hauts et des bas, avec toujours cette ambition de porter à l’écran le livre de sa vie pour en faire un film à nul autre pareil.
Installation difficile dans le Berlin des années vingt devenu le royaume du cinéma à l’invitation de Karl Heinz. Les temps sont durs et les petits boulots plus nourrissants que les grands projets. Mais chaque fois que Todd est dans la misère, matérielle ou morale, une rencontre le fait rebondir, monter très haut avant qu’un aléa ne le fasse chuter encore. Haut et bas : il peut réaliser son rêve et filmer la première partie des « Confessions ». Mais le travail prend du retard et le film est prêt trop tard : le cinéma parlant vient de tuer le muet ! Haut et bas toujours : son amour (le seul amour de sa vie) pour une grande actrice Don Bogan qui restera toujours inachevé, qu’il perdra à Paris avant de la retrouver bien des années plus tard dans un ranch de l’Ouest américain, désespéré de constater combien ils sont devenus étrangers l’un à l’autre.
Les années américaines de Todd seront essentiellement marquées par l’hystérie anticommuniste où la rumeur tient lieu de preuve et l’invocation des premier et cinquième amendements constitutionnels d’aveu. Todd est accusé d’être communiste comme Rousseau le fut d’être libertaire. Et peu à peu l’inquiétude le cède à la peur, la peur à la paranoïa et la fin incertaine de l’histoire (dont je ne vous ai raconté qu’une infime partie) laisse le lecteur à son propre choix.
Ce roman est une composition extrêmement brillante où chaque détail a une signification comme un plan de cinéma qui s’attarde sur un objet, un lieu, initialement sans importance pour devenir ensuite la clé d’uns situation. C’est après tout normal, s’agissant de l’autobiographie d’un cinéaste. Mais d’autres moments sont restitués différemment, certains sous forme de notes éparses issues d’un journal que Todd aurait tenu (phrases courtes, sèches, mémento pour une éventuelle utilisation ultérieure pour un film ?). Ou bien encore ces ruptures de ton et de rythme qui nous font parcourir des années en trois lignes pour s’attarder ensuite sur un fait, une rencontre, une émotion puis revenir en flash back. La vie de Todd est chaotique comme l’est le roman de Boyd.
Comme à l’accoutumée, William Boyd fait preuve d’une imagination toujours surprenante et riche en symboles : Léo, l’ami retrouvé qui trahit, Aran Lokodian devenu Eddie Simonnette, sorte d’ange gardien de Todd réapparaissant aux moments cruciaux. On parcourt trois quarts de siècle au galop, s’attardant toutefois sur les évènements majeurs : « la grande guerre », l’Allemagne des années 20 et la montée du nazisme (que Todd enfermé dans son obsession rousseauiste ne perçoit pas), l’age d’or d’Hollywood et l’envers du décor, le débarquement américain en Europe, le Berlin dévasté de l’après guerre, le dévoiement de la démocratie par le maccarthysme.
On a parfois qualifié Boyd de faussaire pour lequel le roman serait une sorte de « biofiction », tant il sait insérer l’imaginaire dans le monde supposé réel, ce qu’il fera par la suite dans « Nat Tale » ou « A livre ouvert ». Tout est vrai et tout est faux, sauf peut-être cette idée que le monde va comme il peut, sans réel déterminisme. La vie, faite de rencontres, de moments, de sentiments est parsemée d’aléas, elle est imprévisible. « Nous ne pouvons influencer les évènements que dans une certaine mesure…Les prétendus « motifs » de votre vie ne vous apparaissent rien de plus qu’une accumulation de hasards et de chances…En réalité, il n’existe rien d’autre que le sort ».
Ce livre brillant m’a pourtant laissé dubitatif. Est-ce parce qu’il est trop long d’un bon quart ? Est-ce parce que j’ai déjà lu « A livre ouvert » qui utilise le même procédé ? Est-ce parce que le style ne permet pas d’être en empathie avec un personnage qui, finalement, reste distant, un peu étranger ? Est-ce le prix de son honnêteté et sa franchise ? Est-ce parce que cette histoire, aussi rocambolesque soit-elle à certains égards ne va jamais au delà du récit en lui donnant une portée plus universelle ? Or ce sens existe dans le livre, porté par l’ami de Todd, Hamish Malamide, brillant mathématicien pour qui « il ne peut y avoir de certitudes…il vaut mieux vivre en le sachant parfaitement plutôt que de continuer à chercher des « vérités » illusoires qui ne pourront jamais exister ». Boyd, ce n’est qu’un avis, a préféré raconter comment Todd « creuse son ornière », se laissant emporter par ses personnages –comme quoi même le romancier ne peut, lui non plus, dominer le sort de ses créatures- plutôt que de tracer le portrait de « l’age de l’Incertitude et de l’Inachevé », c’est à dire de notre époque. Et c'est dommage.
William Boyd est un excellent écrivain, « Les nouvelles confessions » un brillant roman, mais ce n’est pas encore ce « grand livre » qu’on peut attendre de lui.
Les éditions
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Les nouvelles confessions [Texte imprimé], roman William Boyd trad. de l'anglais [et présenté] par Christiane Besse
de Boyd, William Besse, Christiane (Traducteur)
Seuil / Points (Paris).
ISBN : 9782020239233 ; 8,90 € ; 31/12/1995 ; 632 p. ; Poche
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Boyd, le grand conteur !
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 25 mars 2020
"Voici l’histoire d’une vie. Ma vie. La vie d’un homme au vingtième siècle. Ce que j’ai fait et ce qu’on m’a fait. Si parfois il m’est arrivé d’employer quelque ornement innocent, cela n’a jamais été que pour pallier un défaut de mémoire. J’ai pu quelquefois prendre pour un fait ce qui n’était guère plus qu’une probabilité, mais – et ceci est capital – je n’ai jamais fait passer pour vrai ce que je savais être faux. Je me montre tel que je fus : méprisable et vil quand je me comportai de la sorte ; bon, généreux et sublime quand je l’ai été. J’ai toujours observé de très près ceux qui m’entouraient et je ne me suis pas épargné ce même examen minutieux. Je suis tout simplement un réaliste. Je ne juge pas. Je note. Ainsi donc, me voici. Vous pourrez gémir sur mes incroyables gaffes, me maudire pour mes innombrables imbécillités et rougir jusqu’à la racine des cheveux de mes confessions, mais – mais – pouvez-vous, je me le demande, pouvez-vous vraiment mettre la main sur votre cœur et dire : " Je fus meilleur que lui ? "
Qu'en penser ? Comme tous les amoureux de Boyd, je me suis régalé mais je me rends bien compte que cette lecture est un peu décalée face aux aspirations actuelles des lecteurs de la nouvelle génération.
Bonne lecture !
Critique de Vinmont (, Inscrit le 12 août 2014, 50 ans) - 8 octobre 2019
Ses nouvelles confessions s'inscrivent dans cette "démarche".
Toutefois, c'est dans la "fabrication" de ses personnages principaux que Boyd est sans doute le plus fort.
Il s'agit ici d'une belle histoire forte, imaginative et passionnante.
Un bon souvenir
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 29 février 2012
Il s'agit aussi d'un livre atypique pour l'auteur qui campe le plus souvent ses histoires en Afrique.
Ce livre est géant
Critique de Free_s4 (Dans le Sud-Ouest, Inscrit le 18 février 2008, 50 ans) - 12 janvier 2011
Coup de coeur.
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