Un ciel radieux de Jirō Taniguchi

Un ciel radieux de Jirō Taniguchi
( Hareyuku sora)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Manga

Critiqué par Shelton, le 30 septembre 2006 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 611ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 6 313  (depuis Novembre 2007)

Une véritable réussite !!!

Il y a quelques années, un spécialiste des mangas (il se reconnaîtra) qui allait devenir un ami me disait que Jirô Taniguchi était, avec Ozamu Tezuka, un des auteurs fondamentaux en mangas. Mais voilà, quand on ne connaît pas très bien cet art narratif japonais, on a bien du mal à comprendre ce type de message. A l’époque je ne connaissais ni l’un ni l’autre, je n’avais lu qu’un ou deux mangas et parmi les plus mauvais de surcroît… Le temps a passé et j’ai découvert que les mangas, comme de très nombreux autres arts narratifs, regorgeaient de merveilles et de banalités. Oublions ces dernières et limitons-nous aux trésors qu’il faut découvrir au fur et à mesure…
Jirô Taniguchi est né en 1947, presque au moment où Ozamu Tezuka inventait le (ou la) manga. C’est en 1970 qu’il se lance dans le grand bain japonais comme auteur avec Un été desséché. Mais si au Japon l’accueil est très favorable, en France on l’ignore paisiblement. Il faudra attendre quelques années pour voir arriver, en version adaptée à la bédé franco-belge, Le grand incendie, première partie du Journal de mon père (1999). A partir de ce moment là, Jirô devient l’auteur manga le plus proche de la bande dessinée et les reconnaissances tombent en rafale : 2003, l’Alph’Art du meilleur scénario pour le premier volume de Quartier lointain ; 2005, l’Alph’Art du meilleur dessin pour Le sommet des dieux. Ce dernier titre, cinq magnifiques volumes parus chez Kana, constitue un de ses chefs d’œuvre.
Les éditions Casterman, elles, continuent de présenter certaines de ses histoires en version « à l’occidentale », donc en sens de lecture français. Certains n’apprécient pas, préfèreraient que tous les mangas soient livrés en version lecture inversée, mais je dois dire, que bien qu’adepte du sens traditionnel, si l’adaptation peut permettre d’offrir à un plus grand nombre de lecteurs de découvrir Taniguchi, je ne peux qu’accepter ce travail (remarquable) de Vincent Lefrançois.
Un ciel radieux est une merveilleuse histoire, un conte philosophique, un manga gorgé d’humanisme à portée universelle, bref une bande dessinée comme on aimerait en trouver plus dans les bacs des libraires…
Deux destins se croisent, un soir, sur un boulevard urbain. Un homme dans une voiture, un jeune sur une moto… Un choc terrible, deux êtres se retrouvent à l’hôpital, dans le coma. Et tout cela ne pourrait être qu’un banal concours de circonstances, une dramatique histoire comme on en lit dans le journal, parfois…
Un jour, alors que les médecins étaient réservés, le jeune homme, Takuya Onodéra, ouvre légèrement les yeux. L’espoir renaît. Ses parents soufflent. La vie se réinstalle dans la famille, en particulier chez sa petite sœur… Mais il a perdu la mémoire… Pire, il croit être Kazuhiro Kubota, le conducteur de la voiture, le mari, le père de famille…
C’est un peu comme s’il y avait eu un changement d’âme, un échange temporaire… Et pourquoi ? Pour surprendre le lecteur ? Pour expliquer quoi ? Pour parler de la vie après la mort ? Pour calmer les angoisses de l’auteur ? Ce manga serait-il métaphysique ? Ou tout simplement fantastique ?
Je crois que Jirô Taniguchi nous livre là tout simplement un ouvrage majeur comme l’était en son temps Le sommet des dieux. Ce Japonais est un conteur et un humaniste comme la littérature mondiale en compte quelques dizaines. Il nous montre que le manga est un art narratif important et classique, que l’on peut tout raconter avec des dessins et des mots, à condition d’avoir envie de le faire. Il veut nous faire réfléchir à ce qu’est la vie, la mort, la responsabilité, l’amour… Les thèmes essentiels de la vie ! Il le fait avec un conte philosophique que ne renieraient pas Voltaire ou Italo Calvino… mais il y ajoute un dessin, une narration graphique plaisante et fascinante…
Je sais qu’il est très difficile et délicat d’énoncer ce qu’offre ce dessin en noir et blanc par rapport à un livre qui ne comporte que des mots… De nombreux spécialistes tentent régulièrement d’avancer dans ce domaine… Je crois, après une dizaine d’années de recherches non abouties encore, que la narration graphique permet d’aplanir des différences culturelles. Cette histoire en manga est probablement plus universelle qu’un texte en japonais traduit en français ou anglais dans un deuxième temps… Elle permet à des lecteurs ne maîtrisant pas parfaitement la lecture de philosopher, oui, c’est à dire de se poser des questions existentielles sans pour autant se prendre la tête avec des intellectuels pas toujours accessibles… Et pourquoi, dites-le-moi, la réflexion métaphysique serait-elle réservée à ceux capables de lire des bouquins de mille pages et plus ?… Trois cent pages de manga signées Taniguchi feront le même effet… peut-être plus d’ailleurs, qui sait ?
Je voulais donc vous dire que j’ai aimé passionnément cet ouvrage qui est à la fois un conte, un traité philosophique, un manga, une œuvre d’art… signé d’un génie japonais que j’aime lire de plus en plus au fil du temps…
Incontournable !!!

J’en profite pour vous citer une bibliographie un peu plus complète :

Le sommet des dieux d’après un roman de Yumemkura Baku, 5 volumes parus aux éditions Kana-Dargaud
Le journal de mon père plusieurs versions chez Casterman
Quartier lointain 2 volumes parus aux éditions Casterman, collection Ecritures
L’homme qui marche 1 volume paru aux éditions Casterman, collection Ecritures
L’orme du Caucase d’après un texte de Ryuichiro Utsumi1 volume paru aux éditions Casterman, collection Ecritures
Terre de rêves 1 volume paru aux éditions Casterman, collection Ecritures
Icare sur un scénario de Moebius, 1 volume paru aux éditions Kana-Dargaud
L’homme de la Toundra 1 volume paru aux éditions Sakka/Casterman

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Les éditions

  • Un ciel radieux [Texte imprimé] Jirô Taniguchi traduit du japonais par Patrick Honnoré (Orbis-Tertius)
    de Taniguchi, Jirō (Scénariste) Honnoré, Patrick (Traducteur)
    Casterman / Écritures (Bruxelles. 2002)
    ISBN : 9782203396418 ; 23,95 € ; 08/09/2006 ; 304 p. ; Broché
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Un Taniguchi en petite forme

6 étoiles

Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans) - 21 janvier 2012

"Un ciel radieux" ou "le ciel peut attendre" aurait pu sous-titrer Jirô Taniguchi, si cela ne faisait pas déjà référence à un film célèbre. Cette imposante bande dessinée (300 pages) reprend les thèmes chers à Taniguchi, le temps, la famille, les secrets, les remords et les regrets. Pourtant contrairement au "journal de mon père" qui m'avait ému presque jusqu'aux larmes ou alors "Quartier lointain", chef d'oeuvre absolu , je n'ai été peu ou prou, touché par cette aventure de Kubota et de Takuya. Non, l'émotion, que sait si bien manier habituellement Taniguchi, n'atteint pas le lecteur ici. Quelques exceptions notables tout de même, lorsque Kubota revoit sa fille par exemple. Mais j'ai eu parfois l'impression que l'auteur avait du mal à faire passer auprès du lecteur cette idée, pourtant originale, de l'esprit de Kubota dans le corps d'un jeune homme. Parfois, je ne savais plus qui parlait. Le livre aurait sans doute gagné en intensité et en émotion en étant plus court : les passages faisant allusion aux cadences infernales des entreprises japonaises, m'ont semblé inopportuns, ou tout du moins, trop longs. Taniguchi aurait dû se contenter de la sphère familiale. "Un ciel radieux" reste malgré tout un livre de qualité mais bien en deçà des oeuvres que j'ai citées au début

Une deuxième chance d'aimer...

9 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 10 juin 2007

Comment résister à une aussi belle histoire que celle-là ! Je n’en ferai pas le résumé car Shelton l’a déjà fait dans sa très belle critique. J’avoue qu’avant d’ouvrir ce livre, j’avais des doutes. Les dessins sont en noir et blanc et je ne suis pas une fan des mangas. À dire vrai, je n’en ai lu aucune sauf « Un ciel radieux » bien entendu.

Les premières pages entraînent le lecteur dans un terrible accident avec art et beaucoup de talent. Le mouvement dans le dessin est remarquable. C’est une entrée en matière fracassante ! Avant d’aller plus loin, je voudrais souligner la très belle image qui occupe deux pages au tout début du livre. On peut y voir le jeune Takuya assis sur sa moto et Kazuhiro debout non loin de lui. Les deux personnages observent le ciel où on peut voir un envol d’oiseaux. Absolument magnifique et rempli de poésie !

Comment résister à de tels personnages ! La petite Tomomi est tellement charmante dans sa fragilité et sa candeur ! Lorsque Takuya sous l’emprise de Kazuhiro, retourne chez lui revoir sa femme et sa fille sous les traits d’un jeune homme de dix-sept ans, Maru le chien de la maison reconnaît son maître et Tomomi ne tarde pas à réaliser que c’est son père, mort depuis un mois, qui est revenu. Elle s’obstine à essayer de convaincre sa mère et finit par réussir mais avec beaucoup de ténacité. J’avoue avoir été très émue devant cette scène touchante et belle !

L’auteur explique dans les dernières pages, ce qu’il a voulu transmettre par le biais de cette belle histoire. Il faut rechercher l’essentiel de ce qui fait notre vie et parfois, cela consiste en l’amour que nos proches nous portent et qu’on leur rend parfois bien maladroitement. Le livre amène aussi le problème de l’absence de vraie communication qui enferme chacun à l’intérieur de soi, muré avec ses problèmes. Taniguchi invite au partage de nos émotions dans le but de donner un vrai sens à notre vie. Le sens de notre vie, voilà ce qu’il faut rechercher avant qu’il ne soit trop tard car nous n’aurons pas une deuxième chance comme l’a eu Kazuhiro en s’emparant du corps et de l’esprit de Takuya pour revoir et aimer sa famille éplorée.

Une histoire qui est remplie de belles valeurs : amour, amitié, don de soi, honneur, fidélité et surtout, partage…

Petit bémol : l’histoire semble avoir été étirée surtout vers la fin où l’âme de Kazuhiro hésite à s’en aller pour de bon et revient plusieurs fois dans le corps de Takuya. J’ai eu l’impression que l’auteur allongeait l’histoire délibérément. Ce qui m’a un peu étonné aussi, c’est quand l’auteur explique qu’il a été inspiré par la mort de son chat ! Ça m’a laissé un peu perplexe. Bien sûr, la mort d’un être cher est toujours une tragédie mais peut-on comparer la mort d’une chatte avec celle d’un être humain ?

je même, bravo monsieur taniguchi

10 étoiles

Critique de Elyria (, Inscrite le 25 mars 2006, 33 ans) - 3 mai 2007

MAGNIFIIIIIIIQUE, splendide, comme les autres je dirais car tous sont fabuleux!!
un scénario dans lequel on sent la réflexion nécessaire pour y arriver, les dessins sont impressionnants bref un chef d'oeuvre à lire absolument.

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  Sujets Messages Utilisateur Dernier message
  Un ciel radieux 10 Dirlandaise 12 juin 2007 @ 22:57

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