Libéré sur parole
de Lucien

critiqué par Hieronimus, le 5 octobre 2006
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Au plus près de la Vie
Un homme, Lucien, sort de prison après une longue peine et parle de l'enfermement…
Il témoigne : murs, mitard, encagement, gardiens, viols : « sentir la loi des « hommes », des gardiens, des taulards, à chaque moment, au travail, aux douches…la menace concrète ou confuse du plus fort (…)les animaux ne savent pas ça, même les chacals, les requins, les rats en temps de peste. »

Il découvre les livres : lire pour s’évader, pour rester en vie, pour plus tard, pour soi, pour rien…
Désespoir, souffrance indicible, isolement, folie, hurler, à se frapper la tête contre les murs, à n’en plus pouvoir … « j’ai vécu l’enfer, l’enfer n’est pas ce qu’on croit ».

Lucien dans ce cri nous interpelle simplement, sans haine mais fermement. « Prison, taule, cachot, bagne, tout ça ne dit rien pour moi. J’ai vécu l’enfer : cela veut-il dire quoi que ce soit pour vous ? ».
Il s’adresse à nous, ceux du dehors, ceux qui ne savent pas ce que vivent ces exilés parqués dans des prisons décrépites. Des exclus qui à travers ce témoignage nous deviennent proches, des hommes et des femmes qui nous ressemblent de par leur souffrance, leur difficulté à vivre.
Au fils des années « vingt ans pourquoi ? » et cette interrogation « comment supportes-tu de comprendre un jour que tu n’es pas un assassin, personne n’est un assassin, ou tout le monde (…) crois-tu que tu n’aurais pas tué, crois-tu ? ».

Lucien nous perce le cœur avec des mots denses d’expérience, il dit avec puissance et sobriété cet incommunicable : être enfermé, jour après jour, non pas dans quelque dictature éloignée mais ici en France…
« Jour après jour j’ai viré à la haine ». Chute, coupure avec l’extérieur… jusqu’à « ce pressentiment, une terrible évidence. Il ne restait que ça : j’étais l’enfer »

Va- t-il en rester là ? A ce constat, ce lent suicide ?
Non, car peu à peu, au fil du texte, jaillit un espoir : « je reprends contact avec la parole, la présence des autres ». La rencontre d’un être, d’un texte, puis un autre ouvre en lui un espace, celui d’une renaissance. « récit (…)d’une profondeur humaine qui me chavire entièrement. »

Cette prison n’était pas seulement celle, faite de murs et de barreaux mais aussi celle que nous portons tous en nous, sans que, souvent, nous en ayons conscience : « J’ai quitté la prison bien avant d’en sortir. Je l’ai quittée le jour où j’y suis entré ».
4respiration est possible dans cette traversée de l’enfer. Il y a un retournement, le lieu d’une redécouverte. La rancœur effacée, les barreaux se sont écartés, le chemin peut reprendre, au pas tranquille d’une réconciliation.
Coup de poing fulgurant 8 étoiles

Très surprise par la petitesse de ce ‘livre’ ! Il semble écrit d’un jet, même si le style est plus recherché que je ne l’aurais pensé : on voit qu’effectivement, l’auteur s’est instruit. Le style est sec et rapide, parfois trop et difficile à suivre. En tous cas, l’auteur réussit à nous communiquer la violence de l’injustice qu’il a subie, la folie où l’a plongé le désespoir. Mais c’est vraiment trop court comme livre ! On reste sur sa fin. C'est du concentré détonnant qui mériterait d'être explicité plus longuement.

Pascale Ew. - - 57 ans - 9 avril 2009


La parole est libération 10 étoiles

Cet écrit n’est pas seulement le témoignage d’un homme qui a vécu l’incarcération mais la vision profonde qui lui est venue de cette épreuve. La sincérité et la force émotionnelle de son récit nous font plonger dans un monde dont on ne ressort pas indemne. Quand cela lui est arrivé, Lucien n’a rien compris, happé par la fatalité de la vie.

Pour venger la femme qu’il aimait, il a commis un meurtre. Tout jeune, il est condamné à vingt ans de prison dans des quartiers sécuritaires où la folle cruauté humaine se déchaîne.

Il dit j’ai tué mais je ne suis pas un assassin. En vous tous, la mort tue à chaque instant.

Pendant cette sordide descente aux enfers qui n’est pas ce que l’on croit, nous rappelle t-il, il traverse des strates de l’humanité qu’il dépeint avec une lucidité déchirante.
Quand tout s’est effondré, même le sol, quand la souffrance, d’étages en étages s’est retranchée dans l’impossible, quand « ça » a fini par ramper, ni ver, ni pierre, quand « ça » a rebroussé chemin jusqu’à la poussière, il se produit quelque chose d’inespéré…

Et il aura peut-être fallu tout cela, il aura fallu le pire pour que cela soit vu : l’enfer, au dedans de soi ! Quand Lucien le voit, il cesse d’être enfermé.

La prison n’a pas besoin de murs. De génération en génération, c’est la machine à recommencer les mêmes erreurs, à payer les dettes du non-dit.
La parole est libération.
Lucien qui a vu l’enfer nous offre un hymne à la vie. On ne peut passer à côté de ce cri qui nous dit : traqués par la répétition de vos drames, que faudra-il pour que vous voyiez vous aussi?

Victoire - - 49 ans - 28 novembre 2006