Wondrak
de Stefan Zweig

critiqué par Tistou, le 12 octobre 2006
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Sept nouvelles
Wondrak est un recueil de sept nouvelles de Stefan Zweig écrites de 1900 pour la plus ancienne à sa toute fin de vie (rappelons qu’il s’est suicidé en 1942) et d’ailleurs inachevée. La nouvelle éponyme, pas sa vie (encore que !).
Guère de gaieté dans ces nouvelles, pas trop le genre de Zweig. Mais de la justesse, de la sensibilité, de la compassion dans l’analyse d’âmes simples broyées dans les faits simples ou l’étau de la vie comme elle va. Comme elle allait en 1900 et comme elle va toujours.
Wondrak, la nouvelle éponyme, est donc inachevée mais possède sa cohérence et pourrait parfaitement se terminer ainsi. Drame de l’exclusion d’un individu sur son aspect, de sa rédemption dans la nature à l’écart des hommes, et de sa déchéance –non, pas déchéance – son malheur plutôt une fois rattrapé par la société.
« La scarlatine » est davantage une fable, à morale, qui se termine mal, sur ce que la faiblesse psychologique d’un homme peut l’amener à devenir. Histoire d’un étudiant en médecine, qui touche un moment la rédemption avant de finir, mal finir. Tout se paie chez Zweig, dans la vraie vie aussi d’ailleurs.
« Fragment d’une nouvelle » est plus inégal. A morale également mais qui se voudrait trop démonstrative.
« La dette » est particulièrement originale, et par bien des égards, la manière dont l’héroïne est amenée à considérer ses compatriotes, ce doit être l’Autriche d’ailleurs, fait penser aux propos amers de Thomas Bernhardt sur ses propres compatriotes. Une femme paie sa dette, de jeunesse, en répandant le bien sur son bienfaiteur retrouvé, déchu. (extrait)
Tu peux imaginer, chère Ellen, la raison de mon effroi.Car je compris aussitôt l’inconcevable. Ce Peter Sturzentaler, ce vieillard ivrogne, décrépit, perclus, n’était autre que le dieu de notre jeunesse, l’inspirateur de nos rêves ; celui qui, sous le nom de Peter Sturz, jeune premier du théâtre de notre ville, avait été pour nous le parangon du Sublime, celui que toutes les deux, tu te le rappelles, adolescentes à peine sorties de l'enfance, nous avions admiré avec tant d'extravagance et aimé si follement. Je savais à présent pourquoi, dès le premier mot qu'’l avait prononcé dans la salle de l'auberge, quelque chose en moi avait été ébranlé."
« Un homme qu’on n’oublie pas », « Rêves oubliés » et « Printemps au Prater » sont trois nouvelles courtes qui n’ont pas l’intensité de « Wondrak » ou « La scarlatine ».
Au bilan un recueil qui permet de replonger dans le monde selon Stefan Zweig. Un monde bien ressemblant, un monde bien analysé surtout.
Un conte cruel 5 étoiles

Ruzena Sedlak, paysanne difforme de Bohème dépourvue de nez, est dénommée "Tête de mort". Elle fait ainsi l'objet de la frayeur, comme de la risée des alentours. Et ce fut non sans surprise que les villageois apprirent qu'elle donna naissance à un fils, qui s'avère bien formé, et même beau.
De peur qu'on ne vienne lui enlever, elle désire s'abstenir de le déclarer, de le faire baptiser, puis de l'inscrire à l'école. C'est Karel Wondrak, le secrétaire de la Mairie qui la force à accomplir les formalités subséquentes à cette naissance.
L'envie de le couver l'amène, de la même manière, à le cacher, lors de la guerre de 1914. L'armée se souvient de lui et l'incorpore de force. Elle doit justifier de cette dissimulation fautive.

Tout dans cette nouvelle sent la souffrance, la cruauté, la privation, la frustration. Les sentiments sont bien analysés, comme Zweig en a l'habitude, mais ici dans un bain de cruauté cynique et brutale qui rend cette nouvelle désagréable. C'est l'un des rares écrits de cet auteur qui me crée ce sentiment.

Je n'évoque pas les nouvelles annexes dont parle Tistou. Nous n'avons visiblement pas lu cette nouvelle dans le même volume.

Veneziano - Paris - 47 ans - 31 décembre 2013