Eldorado
de Laurent Gaudé

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 15 octobre 2006
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
L'espoir de mieux
Depuis vingt ans, le commandant Piracci intercepte les bateaux de fortune remplis d’immigrants clandestins risquant tout pour atteindre la citadelle Europe. C’est lors d’un passage à Catane qu’il fait la rencontre d’une femme qu’il avait rescapé. Le récit d’horreur de son exil en Italie bouleverse le policier et l’entraîne dans un grand voyage. Au même moment, un jeune soudanais quitte sa terre natale pour entreprendre le long périple cauchemardesque vers l’Eldorado…

L’écriture simple mais lyrique de Gaudé se prête parfaitement à ce récit aux ambiances fantomatiques. La tragédie de ces milliers de gens qui voient plus souvent qu’autrement leurs rêves brisés est poignante. Toutefois, le propos ne nous amène pas plus loin que cette vision idyllique d’un monde où les injustices n’existent pas. Même si le thème est ancré dans l’actualité, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une fable.

L’essentiel du roman est consacré à l’émotion. La misère est abordée avec finesse et beaucoup d’humanisme, sans dérapage fâcheux vers le mélodramatique. Cependant, des pans de l’histoire ne sont pas bouclés. Un bon roman, plus faible que le précédent, lauréat du Goncourt, peut-être en raison du sujet délicat difficile à cerner complètement.
Comme toujours... 8 étoiles

Comme toujours la force de Laurent Gaudé est de nous faire plonger dès les premières lignes dans son récit ; comme toujours il faire surgir avec poésie des émotions simples, concrètes, naturelles qui nous déroutent car elles sonnent justes, mettant en forme des ressentis que nous n'aurions pas su exprimer aussi clairement.

"Plusieurs visages s'étaient tournés vers lui. Il sentit que la conversation allait se répandre comme une maladie, tout autour de lui, et qu'il ne pouvait plus rien y faire" (page 203, Actes Sud).
Oui M. Gaudé, de vous je parle, de vous je recommande vos écrits, bien content à ce titre de contaminer "mon" monde.

PPG - Strasbourg - 48 ans - 29 août 2014


Feux follets à l'horizon. 8 étoiles

Voilà un auteur qui a le goût du voyage, mais pas du voyage touristique non, plutôt celui du dépaysement.
Enfin, quand j’écris dépaysement, je reste loin du cliché vendu par une quelconque agence de tourisme. Au sens propre du terme, il signifie arraché de son pays, en gros c’est l’expatriation.
Que ce mot est laid, presque vulgaire. Pour l’élaborer il a fallu une hache celle qui sectionna les racines, une tronçonneuse supprimant les branches et ramifications nombreuses, et enfin une broyeuse, genre de grosse machine pourvue de lames d’acier dans laquelle sont pulvérisées les notions de langage maternel, d’histoires personnelles familiales ou sentimentales, bref toute espèce de liens pouvant rassembler une ancienne identité.

Les histoires véhiculées à travers les récits journalistiques, les romans ou les témoignages sur le sujet me font penser à un immense gaspillage de vies sacrifiées, à un monumental charnier d’où les feux follets illumineraient l’horizon de ceux qui espèrent en un avenir meilleur.

Pas envie de résumer ce drame humain.
Pas envie de décortiquer les pages si bien écrites par Laurent Gaudé. Juste envie de recommander ce livre.

Un petit bémol pourtant, sur cette fâcheuse tendance à appuyer un peu trop sur la corde sensible. Mais cela semble nécessaire pour séduire son lectorat dont je fais partie.

Bertrand-môgendre - ici et là - 69 ans - 15 février 2014


Eldorado 9 étoiles

A la recherche d'une chimère, la recherche du mieux vivre se paye par des pérégrinations dans nombres d’États limitrophes de la Méditerranée pour découvrir que le pays dont on a rêvé n'offre pas les possibilités qu'on avaient cru acquises.

Ce Gaudé est une grande réussite, à mon avis, le fait d'avoir choisi ce thème si actuel et de l'avoir décrit avec cette merveilleuse écriture rendent les personnages encore plus attachants.

Ce roman est éclairant de la vie que mènent les migrants pour une vie plus facile. L'abondance rêvée n'est certes pas au rendez-vous, ou au prix de grands sacrifices, mais le chemin qu'ils suivent avec nous à leur suite est très bien décrit par Laurent Gaudé.

MEloVi - - 40 ans - 17 décembre 2013


Eldorado ô combien actuel 9 étoiles

A l'heure où les clandestins libyens affluent sur Lampedusa, il est bon de lire ce roman... qui permet de toucher du doigt les conditions difficiles des migrants clandestins dont nous ne voyons que les photos... L Gaudé a su adopter une structure narrative intéressante: alternance de deux récits, l'un à la 3ème personne qui décrit la vie de S Piracci un garde côte italien chargé de veiller sur la citadelle Europe et d'empêcher les clandestins d'arriver en Italie, l'autre récit s'opère à la 1ère personne , c'est celui de Soleiman, un jeune soudanais qui rêve de quitter sa misère et de parvenir en Europe... ces deux destins se croiseront peu avant la fin du livre... mais l'art du romancier ne s'arrête pas là, le style simple et dépouillé fait briller les métaphores et accroît l'émotion du récit. On y découvre un garde côte en proie à des doutes bien humains et des questions sur son métier... un migrant qui se brise aux difficultés de son voyage (racketté par ses passeurs, battu, forcé à dépouiller un homme pour continuer son voyage...) rien n'est simple dans ce livre qui évite les clichés habituels et montre simplement l'humanité des individus que tout oppose et rassemble à la fois...
Un roman dont on ne sort pas indemne et qui bouscule les préjugés...

Anicroche88 - - 56 ans - 1 juin 2011


Un beau livre 9 étoiles

J'ai lu ce livre il y a quelques années, mais je viens d'y repenser après avoir lu 'Ulysse From Bagdad' de Schmitt.
Le livre de Gaudé est un texte fort, non partisan, factuel, très bien écrit et riche en questions et en ressentis !
A conseiller vivement, car cela rend la réalité des flux migratoires bien plus forte que tous les discours politiques (de droite comme de gauche, extrêmes inclus) sur le sujet.

Panda - VLG - 44 ans - 17 décembre 2010


Pas convaincue 1 étoiles

On m'a conseillé ce livre, je n'ai pas vraiment aimé cette histoire, beaucoup trop sombre pour moi, j'ai dû me forcer à le finir, j'avais du mal à m'intéresser à l'histoire. J'avais pourtant bien aimé "Le soleil des Scorta" du même auteur.
Décidément, les livres qu'on me conseille ne me conviennent pas toujours!

Flo29 - - 52 ans - 1 novembre 2010


Encore une fois, pleine d'admiration devant un tel livre ! 10 étoiles

Encore une fois, je n'ai pas été déçue par le style de Laurent Gaudé ! Encore une fois, il m'a troublé, et j'ai retenu ma respiration jusqu'à la fin. Encore une fois, il parle de la vie, et transmet des émotions comme personne !

Encore une fois, il nous pousse à réfléchir sur le monde qui nous entoure et sur l'espèce humaine.

Un de mes auteurs préférés, qui ne cesse jamais de m'étonner et de m'impressionner !

Pélisse - - 38 ans - 22 novembre 2008


Beau livre sur l'exil 8 étoiles

Laurent Gaudé...je ne connaissais pas...j'ai ouvert le livre et, dès les premières pages, j'ai su que j'avais entre les mains un bon roman.
J'aime beaucoup sa façon de nous faire éprouver les peurs et sentiments de ses personnages qu'il s'agisse du capitaine, de la femme dont la traversée s'est mal passée ou des deux frères qui veulent quitter le pays.
Ainsi, nous adoptons tour à tour le point de vue du capitaine qui sauve des vies pour ensuite les raccompagner d'où elles viennent et celui de ceux qui traversent espérant atteindre, au bout d'un périple bourré de dangers, "l'Eldorado".
Tout cela est amené de manière très fine et a trouvé beaucoup d'écho en moi.

Pepe - - 43 ans - 30 septembre 2008


Il n'y a pas d'Eldorado 9 étoiles

Eldorado se partage entre deux récits, deux personnages, deux visions.
Il y a le commandant Salvatore Pirraci, basé à Catane, qui a bord d'une frégate de la marine italienne traque les bateaux d'immigrés. Une rencontre va bouleverser sa paisible existence, lui révéler la lassitude de sa vie, le dégoût de son activité professionnelle. Empêcher ceux qui ont la force et le désir de rejoindre les pays européens, les retenir pour les confier aux autorités qui les renverront de l'autre côté de la Méditerranée. Des êtres dans les yeux desquels il voit un désir, une volonté plus forts que ce qu'il a jamais ressenti. Alors, il abandonne son rang de commandant, sa vie dans la douce Catane, et de nuit, sur une barque entame, à contresens, la traversée de la Méditerranée, se perdant, cherchant à trouver au-delà de la mer une vitalité que l'Occident a perdu.
Il y a Soleiman. Avec son frère, après un dernier tour de la ville en voiture, un dernier thé au café habituel, ils quittent leur pays, traversent la frontière. Mais Jamal est malade, et il a réuni les possessions de la famille pour offrir à son jeune frère ce passage, cet espoir. Seul, Soleiman se jure de réussir pour son frère. Mais les passeurs, sur la grève où ils ont conduit les candidats à l'émigration les dépouillent de toutes leurs richesses avant de les abandonner. Là, Soleiman rencontre Boubakar. Depuis sept ans, Boubakar a entreprit le chemin qui le conduira en Europe. Ensemble, ils s'éloignent de la côte libyenne, et se dirigent vers le Maroc et l'enclave espagnole de Ceuta. Mais en chemin, sans argent, se posent à Soleiman la question de sa perte. Sera-t-il le même homme lorsqu'il aura atteint son but, ne sera-t-il pas laid de toutes les compromissions, de toutes les bassesses qui l'y auront conduit ?
L'usage des pronoms personnels (il pour l'Italien, je pour le jeune émigré), des temps (passé pour Salvatore Piracci, présent pour Soleiman) est fort et symbolique. Cet autre que l'ont voit en l'émigré est un autre nous même par l'emploi du 'je'. Ses émotions, ses réflexions, ses craintes, sont loin d'être frustres, loin de la brutalité des situations qu'il endurent, et permettent une identification du lecteur au personnage. La lassitude de Salvatore Pirraci est la nôtre, celle que nous ressentons dans une vie conditionnée où se répètent encore et encore les mêmes gestes, les mêmes pensées, où notre regard se voile à force de tant d'incompréhensible misère, son désespoir est tenu à distance par le 'il'.
Un roman sur la perte intime, celle qui détermine un être humain. Un roman qui pose avec sévérité la question des politiques d'immigration, de refoulement de l'immigré, des pays européens, déléguant pour partie cette politique aux Etats limitrophes. Il ne prend cependant pas parti, évite le dogmatisme. Il raconte la perte de vitalité de l'Europe face à la vitalité de l'Afrique ; le déchirement de ces Africains qui pour rejoindre l'Europe en arrivent à se perdre eux-mêmes.

Tout comme l'Europe est le contrepoint de l'Afrique dans ce livre de Laurent Gaudé, Piracci répond à Soleiman. C'est pourquoi les chapitres qui sont consacrés au commandant ne m'ont pas paru (au contraire de beaucoup des avis ici-même) plus faibles que le reste du récit. Piracci, symbolise l'Europe, celle qui rejette hors de ses frontières tout en disant encourager l'immigration, celle de l'abondance insatisfaite, celle de l'ambivalence, du flou.

Avec Eldorado, je découvre Laurent Gaudé, sa voix. Une belle découverte.

Vda - - 49 ans - 7 mars 2008


Aurait mérité quelques heures de travail en plus 8 étoiles

D’accord avec les critiques précédentes, je ne vais rien leur ajouter de révolutionnaire. J’insiste simplement sur l’écriture de Laurent Gaudé, très agréable à lire. Ce livre est essentiellement basé sur l’émotionnel au point que certains passages, pour moi, furent proches de l’insoutenable, comme ce bébé de 8 mois qui meurt doucement dans les bras de sa mère pendant l’exode. Mais l’émotion n’est pas toujours négative, elle souligne aussi des petits moments exceptionnels dans l’aventure de l’exil. Par exemple, dans ce contexte où le « chacun pour soi » est une question de vie ou de mort, l’amitié entre Boubakar et Soleiman réchauffe le cœur. Et, oui, les trente dernières pages valent le détour…

On peut quand même émettre le regret que l’auteur n’ait pas creusé davantage ce sujet qui le mérite pourtant. Pour ceux que ça intéresse, je conseille « Continents à la dérive » de Russel Banks : même thème, mais traité avec un souffle, une amplitude et un style hors du commun. Pour revenir à Gaudé, comme d’autres, la crise de conscience du commandant Piracci ne m’a pas semblé crédible.

Pour finir, une petite citation : « Nous nous en remettons à Dieu parce que nous savons que nous ne pouvons pas compter sur nous ».

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 20 février 2008


Meilleur après la lecture que pendant... 8 étoiles

Le texte est assez brut. La partie concernant le sicilien m'a moyennement intéressé. L'autre beaucoup plus, ce long chemin de croix. Le final est vraiment très très prenant à lire.

Je n'ai pas adoré pendant la lecture (c'est plutôt court), mais après coup, je suis très heureux de l'avoir fait, ça fait vivre un petit bout de cette situation impossible du continent africain. Et puis je me répète mais les 30 dernières pages sont haletantes (même si il ne faut pas s'attendre à un retournement de situation absolu... c'est plus proche d'un reportage écrit romancé que d'autre chose).

Manumanu55 - Bruxelles - 45 ans - 13 décembre 2007


Rien d'exceptionnel 6 étoiles

A l'instar des autres critiqueurs, la crise existentielle du capitaine ne m'a pas semblée très crédible. Je pense que l'auteur aurait du favoriser l'aspect fable qui lui est assez réussi (avec un joli revirement).

Comme le dit Pascale c'est intéressant d'être confronté aux problèmes des réfugiés, mais d'un autre côté on pouvait espérer plus sur un tel sujet. C'est vrai que le coup des 250 pages ça fait un peu baclé, même si c'est le format pratique quand on cherche un roman à lire vite (un trajet en train et c'est fini). Une mention quand même pour la scène vers la fin du livre, qui décrit le passage du Maroc en Espagne : c'est très prenant.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 3 décembre 2007


Un «beau» roman. 5 étoiles

Ce livre ne pas vraiment enthousiasmé. Il nous raconte une histoire qui se passe dans le monde des émigrés clandestins. Le sujet pourrait être passionnant.
Le procédé utilisé par l'auteur est des plus classiques : il nous raconte les pérégrinations de quelques personnages bien typés qui devraient nous montrer tout un pan du phénomène, dans toute sa tragédie.
Mais finalement, l'auteur n'arrive qu'à nous raconter «une belle histoire». Un peu trop convenue, un peu artificielle et par moment à la limite de la vraisemblance (personnage du Capitaine).
Il me semble que l'auteur ait été dépassé par son sujet.
Pourtant au départ tous les ingrédients y étaient : des beaux personnages, une belle intrigue, un style excellent, mais voilà, la mayonnaise n'a pas pris... Le souffle n'y était pas.
Il nous reste un «beau» roman, une belle histoire, sans plus.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 3 décembre 2007


Belle fable humaniste 10 étoiles

Un style toujours fluide et concis, où la poésie est éminemment présente :

"L'air du matin enveloppait les hommes d'un parfum de mer.C'était comme si les eaux avaient glissé de nuit dans les ruelles, laissant au petit matin les poissons en offrande."

L'auteur nous emporte sur les flots avec toute sa sensiblité. Un très beau roman, triste et attachant

Fleur783 - - 72 ans - 12 février 2007


La détresse ultime 8 étoiles

Impossible de ressortir de la lecture de ce livre intacts et de camper sur nos positions fermes barricadés sans être ébranlés. Laurent Gaudé nous plonge au cœur d’un problème brûlant d’actualité : les réfugiés clandestins. Il nous donne le point de vue des deux côtés de la barrière. Il tente de faire se rejoindre les deux sans y parvenir. Je pense qu’il veut démontrer l’absurdité de notre position. Par exemple, - et c’est vrai que c’est difficile à comprendre et à admettre - lorsque les Africains passent la frontière qui sépare le Maroc de l’Espagne à Ceuta, ils sont battus voire abattus avant de passer les barbelés, mais une fois qu’ils ont réussi à passer ce mince fil, on ne peut plus rien leur faire. C’est vraiment absurde. Pourquoi ne pas les renvoyer tout de suite de l’autre côté ?
Ce que je ne comprends pas, c’est l’histoire de l’Européen qui finit désespéré et malheureux alors qu’il a tout pour être heureux et mener une vie fertile. Il se détourne de son rôle de garde-frontière et de briseur de rêves, d’accord. Mais de là à sombrer dans le désespoir… Il pourrait se ressaisir et faire autre chose de sa vie.
L’auteur démontre également l’inutilité et l’échec de ceux qui veulent dissuader les désespérés de venir chercher chez nous ce qu’ils n’ont pas trouvé chez eux, l’Eldorado.
Il n'en reste pas moins que je recommande fortement ce livre ne fut-ce que pour la réflexion urgente qu'il impose.

Pascale Ew. - - 57 ans - 17 novembre 2006


Fort 9 étoiles

En lisant ces commentaires je réussis à mettre des mots sur cette lecture forte à la limite du soutenable dans les descriptions des errances des doutes de la perte d'identité de tous ces clandestins, la peur , le désespoir , le dégoût de soi et des autres tout ce renoncement que l'on découvre au fil des pages mais effectivement Piracci manque de corps et on aurait aimé le connaitre, le faire se raconter, cerner ce personnage énigmatique assez fou pour faire le voyage dans l'autre sens
Ce roman reste le plus fort de mes lectures 2006 et je ne me lasse pas de ce jeune et talentueux auteur, merci à lui de manier si bien le verbe et de nous le faire partager

Elfe191 - - 68 ans - 12 novembre 2006


Un personnage principal peu crédible 7 étoiles

J'ai moi aussi ressenti cette impression de frustration: un joli texte, mais dont l'intrigue laisse un arrière-goût d'inachevé. La lente dérive suicidaire du capitaine Piracci ne convainc pas: quitte à tout quitter, pourquoi ne se met-il pas à la recherche de cette femme qui lui a fait si forte impression et dont on ne parle plus après les premiers chapitres? Dommage car certaines scènes sont très fortes, comme la description de la mort du bébé. On aurait voulu en savoir plus sur Piracci: ses relations avec ses collègues, ses rêves, pourquoi il n'a jamais voulu avoir d'enfants, ses attaches familiales, ses racines... Le personnage y aurait gagné en consistance, et donc en crédibilité. Bref, un potentiel narratif énorme, bridé par les sempiternelles 250 pages... Défaut bien français d'ailleurs; format standard de nos romans, à l'instar des 1h30 chrono d'un film de cinéma... Nombreux sont les auteurs anglo-saxons à ne pas se brider de cette façon.

Philduch - Aix en Provence - 57 ans - 26 octobre 2006


Chimères 8 étoiles

Je suis plutôt d'accord pour considérer que ce 3ème roman n'est pas aussi bon que les précédents et j'ai du mal à trouver une raison claire pour étayer mon jugement.
Le récit est ancré dans la réalité l'immigration, de sa peine, de la misère humaine inhérente à ce sujet qui est abordée sous toutes ses facettes. Je pense que c'est la partie 'forte', réussie du roman. J'ai en particulier aimé la description de l'assaut des immigrés sur les grilles, le sacrifice de beaucoup pour que quelques uns passent de l'autre côté, du côté ou tout devient possible. J'ai trouvé que c'était une formidable image du monde : le sacrifice de pays entiers, presque de continents pour qu'une portion finalement restreinte du monde vive dans un univers où presque tout devient possible.
Le côté faible du roman, c'est Piracci, le capitaine, celui qui refuse, qui fait le voyage en sens inverse sans trouver un sens véritable à son action ou à sa vie. C'est beaucoup moins plausible, du point de vue du réalisme du personnage passe encore, mais du point de vue de la fable chère à Gaudé, on n'y voit guère de sens.
Tout bien considéré, ceci est tout de même un bon roman, c'est simplement que Laurent Gaudé nous avait habitué à de TRES bons romans !!!

Domreader - Ile de France - 66 ans - 19 octobre 2006