Professeurs de désespoir de Nancy Huston

Professeurs de désespoir de Nancy Huston

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par DomPerro, le 17 octobre 2006 (Inscrit le 4 juillet 2006, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 364ème position).
Visites : 6 190  (depuis Novembre 2007)

Des espoirs à lire

Voici la part d’ombre, le dark side, du Monde de Sophie. Si vous avez éprouvé un malin plaisir en compagnie des écrivains négatifs de Vila-Matas, il est plus que certain que l’enseignement des Professeurs de désespoir vous comblera. Lecture heureuse sur ce qui ne l’est pas.

Respectant l’ordre chronologique, Nancy Huston nous présente une sombre constellation où brillent Arthur Schopenhauer, Samuel Beckett, Emil Cioran, Jean Améry, Charlotte Delbo, Imre Kertesz, Thomas Bernhard, Milan Kundera, Elfriede Jelinek, Michel Houellebecq, Sarah Kane, Christine Angot et Linda Lê. Jamais cet essai ne tombe dans l’abîme du nihilisme qui pèse sur la littérature depuis la fin du 19e siècle, car la réputée romancière, à travers la narration de Déesse Suzy, conteste et nuance surtout leur vision noire du monde et de l’homme. Et elle interroge : Pourquoi et comment devient-on nihiliste ? Mais aussi pourquoi noircir de tels papiers pessimistes ? De petits détours à travers la psychanalyse, ou les faits biographiques, apportent avec clarté des réponses. Un émouvant hommage à Romain Gary vient mettre un point final à cet essai lumineux.

Bref, une lecture agréable qui peut remonter le moral d’une personne déprimée ou même désespérée. Ou tout simplement convertir un lecteur novice aux univers insaisissables de ces créateurs énigmatiques.

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Les éditions

  • Professeurs de désespoir [Texte imprimé] Nancy Huston
    de Huston, Nancy
    Actes Sud / Babel (Arles)
    ISBN : 9782742758173 ; 9,70 € ; 28/10/2005 ; 380 p. ; Poche
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La mélancolie littéraire disséquée

10 étoiles

Critique de Ex Nihilo (, Inscrit le 23 août 2016, 51 ans) - 23 août 2016

A travers cet essai éclairant de 350 pages, Nancy Huston s'attarde sur l'oeuvre et la psychologie de plusieurs écrivains nihilistes qu'elle qualifie de "mélanomanes" (adeptes de la noirceur).
Elle dissèque les similitudes qui lient ces professeurs de désespoir dont les plus nobles représentants s'appellent Schopenhauer, Cioran, Beckett, Bernhard, Kundera, Jelinek, Houellebecq, Angot...
Elle sonde les racines de leur négativisme dans leur enfance, leur parcours et le contexte politique de leur patrie (l'Europe orientale la plupart du temps).

Huston se montre globalement sévère avec ces écrivains dans le sens où elle fustige leur attirance exclusive pour le pessimisme, la solitude, le néant, le silence, la misanthropie, le désenchantement, la génophobie.
Ceci étant dit, elle reconnaît également la virtuosité de leur style littéraire et signale, du reste, que la plupart de ces écrivains étaient beaucoup plus joyeux, beaucoup plus sociables dans leur vie personnelle que ne le laissent suggérer leurs écrits.
Ces hommes et femmes qui ont fait du non-sens de l'existence un repère cardinal ont simplement supporté leur angoisse à vivre par l'entremise de l'écriture.
Ils semblaient irrémédiablement désabusés mais comme le pressent Nancy Huston "écrire c'est déjà espérer".

Écrivains nihilistes

8 étoiles

Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 24 février 2013

De Nancy Huston, j’ai apprécié de nombreux romans, particulièrement L’empreinte de l’ange et Lignes de faille. S’inspirant de faits socio-historique (seconde guerre mondiale, immigration…), elle emprunte un style narratif bien précis et manie la langue française de manière à rendre agréable la lecture de certaines phrases, quel qu’en soit le sens. Je savais qu’elle avait écrit des « essais » portant sur la littérature, mais je redoutais toujours de les découvrir, de peur que leur qualité n’égale pas celle de ses romans. J’ai tout de même lu les premières pages de Professeurs de désespoir. Ce passage là m’a donné envie d’en savoir plus :

« Nous devenons schizos, mes amis. Dans le quotidien, nous tenons les uns aux autres, suivons l’actualité avec inquiétude, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver et renforcer les liens. En tant que lecteurs ou spectateurs, au contraire, nous encensons les chantres du néant, prônons une sexualité aussi exhibitionniste que stérile et écoutons en boucle la litanie des turpitudes humaines. A quoi est dû cet écart grandissant, à l’orée du XXIè siècle, entre ce que nous avons envie de vivre (solidarité – générosité - démocratie) et ce que nous avons envie de consommer comme culture (transgression - violence – solitude - désespoir) ? »


Nous ne pouvons qu’être en accord avec cette tirade, qui résume ce que nous pensons lorsque l’ont voit des livres comme ceux de Houellebecq dans le top des ventes.

Nancy Huston émet l’idée que la pensée européenne a pris deux directions opposées depuis 200 ans. Une direction « utopique », qui demande de « mettre son intelligence au service de la révolution pour faire advenir un monde meilleur ». Une direction « nihiliste », « négativiste », qui prétend que « tous les agissements humains sont dérisoires et tous les espoirs voués à l’échec ». Cette dernière est la « doctrine des modernes professeurs de désespoir », professeurs dont Nancy Huston développe la biographie, la pensée, les points communs.
Le chef de fil de ces écrivains est Arthur Schopenhauer. Elle analysera donc en quelques pages sa vie et son œuvre, puis procédera de la même façon pour tous ses héritiers spirituels : Samuel Beckett, Emil Cioran, Imre Kertész, Thomas Bernhard, Milan Kundera, Elfriede Jelinek, Michel Houellebecq, Sarah Kane, Christine Angot, Linda Lê.

Evidemment, Nancy Huston ne prétend ni à l’exhaustivité, ni à l’objectivité. Elle tente néanmoins d’expliquer pourquoi ces écrivains peuvent être rangés dans la même catégorie, celle des « nihilistes ». Elle cherche aussi à trouver les causes de cette tendance négativiste : naissance dans un pays suscitant l’ambivalence, malheur familial… qui renvoie plus au travail d’un psychanalyste que d’un écrivain. J’aurais préféré qu’elle nous explique plutôt pourquoi selon elle les lecteurs apprécient ces écrits. Elle n’émet malheureusement aucune hypothèse à ce sujet.

Je ne suis pas habituée à lire ce type d’ouvrage, que je qualifierai d’ « essai sur la littérature ». Aussi ne me permettrai-je pas de juger de sa qualité. Je peux seulement signaler que j’ai apprécié les commentaires de Nancy Huston sur ces écrivains, que je les connaisse ou non au préalable. J’aurais aimé qu’elle rajoute à sa liste Ryu Murakami, dont je n’ai jamais saisi le succès de Bleu presque transparent, ou même des écrivains du « post-modernisme » tels Antoine Volodine. Je regrette cependant que Nancy Huston se soit livrée à une psychanalyse de ces hommes de lettres. Je ne trouve pas que cela apporte quelque chose au propos, si ce n’est de la frivolité.

Les nuances du nihilisme

7 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 22 septembre 2009

L’écrivain nihiliste est « un enfant mutilé qui a choisi d’aggraver son handicap ».

J’ai apprécié …
- le choix des auteurs
- le style fluide et la suite dans les idées
- l’aperçu de l’œuvre d’Elfriede Jelineck, dont les romans me semblent difficiles d’accès

Beaucoup de considérations biographiques sur les auteurs traités. J’aurais préféré qu’elle donne plus de poids au style. On y trouve un angle intéressant avec la génophobie : les nihilistes refusent de mettre au monde des enfants.

espoir désespoir

10 étoiles

Critique de Printemps (, Inscrite le 30 avril 2005, 66 ans) - 19 octobre 2006

De fait ce livre passe en revue les professeurs de désespoir, nihilistes masculins et féminins des deux siècles passés et du présent. Il offre un essai d'explication à cette tendance noire et pessimiste dans le jugement de la vie et des êtres humains. L'auteure voit dans le principe de vie porté par l'élément féminin un antidote à ces noirceurs et la déesse Suzy est bien attachante dans sa démonstration pour la vie. "La vie n'est ni absurde ni pas absurde, elle est ce que les gens en font" (p. 353).

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