La femelle de l'espèce
de Andrea H. Japp

critiqué par Guigomas, le 23 octobre 2006
(Valenciennes - 55 ans)


La note:  étoiles
…est bien plus meurtrière que le mâle
La femelle, c’est celle qu’il faut tuer en premier car elle sait se montrer bien plus combative, destructrice et cruelle que le mâle, tout chasseur d’ours sait cela.
La femelle, dans le livre d’Andrea Japp, c’est Sarah Magnani qui vit avec son mari Toni et leur fille Sophia dans un petit coin d’Italie d’un faubourg de Boston. Sarah, elle, est d’origine Irlandaise et n’est pas très à l’aise dans cette communauté de mammas, de cousins, et de parrains invisibles, où les affaires se règlent en famille en essayant de ne pas trop faire appel aux autorités.

Or, un jour, Sophia disparaît. Sarah sait que sa fille a été kidnappée mais elle ignore pourquoi car aucune demande n’est émise par les ravisseurs. Du côté de son mari, Toni, on fait confiance à « la famille », aux cousins qui ratissent le quartier, aux oncles bienveillants à qui il faudra faire appel au cas où, aux mammas pour faire en sorte qu’évite de trop piaffer cette grande jument Irlandaise de Sarah...

Ca part bien ce livre, car évidemment Sarah va piaffer, ruer dans les brancards, devenir la « femelle de l’espèce » prête à tout pour retrouver son petit, sa petite en l’occurrence. Seulement, hélas, elle va vite se comporter comme une héroïne de série B, tomber amoureuse du premier Steven Seagal venu, lui-même héros blessé rongé par une culpabilité qui le dévore, faire avec lui des projets d’avenir, se faire de nouveaux amis, se faire trahir, faire le coup de poing, etc, etc

Il y a deux parties dans ce livre, la première est séduisante car pleine de réflexions piquantes sur la communauté italienne de Boston, sur le mal-être de Sarah et son manque d’intégration, le type de réflexions qu’on trouve rarement dans ce genre de polar « ferroviaire ». On assiste à la maturation de Sarah, jeune maman mariée trop tôt qui va peu à peu sortir de ses pantoufles. Mais la seconde est plus convenue, Sarah s’y avère assez fleur bleue, remettant son salut et celui de sa fille entre les bras virils de papa ours.

C’est le premier livre d’Andrea Japp qui je lis. On m’a conseillé cet auteur et je lirai d’autres livres d’elle car la première partie du livre m’a suffisamment appâté pour reléguer la seconde au… second plan. Il y a en effet bien plus dans ce livre que dans un simple polar.
Boston, les Italiens, … 7 étoiles

Elle a dû vivre à Boston, Andréa Japp. Ce n ‘est pas son premier polar qui prend Boston pour cadre. Ici, c’est toutefois un Boston particulier ; le Northend, apparemment (je ne suis pas allé vérifier) un quartier principalement colonisé par des souches italiennes, qui ont organisé un mode de vie et de fonctionnement « à l’italienne » où la vie est plus « collective » que privée et où, surtout, les problèmes se règlent entre soi (entre italiens s’entend !).

« Jamais Sarah ne pourrait se faire à ces éclats de voix qui s’enflaient en cascadant dans Salem Street. A se demander pourquoi ils se faisaient installer le téléphone. Des relais anarchiques se constituaient dont l’efficacité permettait une transmission presque immédiate de n’importe quelles informations, bribes de rien ou secrets d’alcôve. Toni disait que cette convivialité bruyante était l’essence de la vie et Sarah s’accomodait de ces indiscrétions permanentes dont la jovialité extrême lui demeurait étrangère. »

Sarah Magnani a donc un peu de mal avec cela car si Magnani est son nom de femme, elle est irlandaise à la base et c’est dur de s’adapter. Elle vit pourtant dans ce quartier dont est issu son mari et s’accroche, tant bien que mal. Jusqu’au jour (et au début du roman !) où sa fille de treize ans est enlevée à la sortie de l’école. Son mari gère ceci « à l’italienne », entre gens du quartier, et rien n’avance. Sarah, elle, sentant bien qu’il y a un loup dans l’histoire sort de son cocon, s’émancipe et redevient l’irlandaise qu’elle était. Et c’est son enquête en même temps que sa propre émancipation que l’on va suivre.
C’est bien fichu, assez original, même s’il y a quelques faiblesses dans les caractères et la suite des rebondissements, des faiblesses qui sont liées à l’originalité par ailleurs. On ne réclamera donc pas.

Tistou - - 68 ans - 15 janvier 2008