Depuis toute la vie
de Jean-Marc Parisis

critiqué par Heleneb, le 9 novembre 2006
( - 45 ans)


La note:  étoiles
La mère vole la vie
Dans ces années 90 où le refus de vieillir engendre des "fils anachronique[s]", victimes du "sablier bouché", un homme décide de forcer sa reconnaissance, de rétablir son identité. Avant que "la mort [ne] vole la vie", leurs vies, le narrateur voudrait accoucher sa mère de la maternité. Il se raconte alors, "Depuis toute la vie", pour retisser la filiation, mais surtout réfléchir sur l'Amour et notre temps.

Têtes réduites et "idylle de pygmées"
L'amour maternel s'est amoindri et l'amour amoureux a perdu sa fougue, sa volonté de conquête. "Viagra" pour "baisouilles postiches" et "complicité muqueuse" font l'Amour contemporain. La Beauté s'est aussi perdue, "lâché[e] par la main de sa mère" et de ses autres géniteurs. Reste la peur qui colle à la peau, ravive terreurs infantiles, cave grouillante et placard tombal. Syndrome générationnel, l'Amour déficient, mourant, est finalement mortel. Corps et coeurs affaiblis cèdent à la facilité des mots, à l'illusion confortable des phrases mensongères.

L'orpheline galloise et "la princesse Môme"
Dans un monde où les parents, "fous de la gueule", se déchirent, la paix retentit comme un coup de foudre. Deirdre, apparition féminine et fortuite, ressuscite les blasons, soulage l'esprit morbide. Rencontre adolescente, d'un jour. Relation épistolaire pour prolonger l'éphémère. Réponse unique et lettres mortes. Séparée de l'étrangère, la peur asphyxiante peut regagner sa proie, le laid peut reprendre ses droits démocratiques. Les journalistes chargent le peuple de désespoirs asservissants : "l'information est la traduction occidentale du mot tyrannie". Les éditeurs déterrent les morts et usurpent leur identité pour prix et ventes. Quant aux exclus, ils ne sont que conversations de cocktails mondains, prétexte littéraire servant les faiseurs de politiquement incorrect. L'adulte condamne, mais participe, contaminé. Prise de conscience rassurante : "Dame Peur a peur." Dame Beauté a le pouvoir de la faire trembler. Pourtant, même si "les princesses sont belles et bonnes absolument", elles finissent sous un tunnel, écrasées dans la tôle.

"Depuis toute la vie" est un roman aux "phrases fumées à la cigarette" : aériennes, élevées, mais aussi nocives et plombées. Métaphores filées, déviées, détournées, Jean-Marc Parisis nuit gravement à la santé des évidences, ébranle les certitudes et cogne le fragile palpitant. Il ranime nos sentiments, choque nos méninges et excite les neurones de la pensée.