Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte
de Thierry Jonquet

critiqué par Julius, le 6 janvier 2007
( - 51 ans)


La note:  étoiles
vous êtes feuj madame ?
qui aura reconnu Victor Hugo ? pas moi, je l'ai appris dans le bouquin, je trouvais ce titre cheulou ! ce livre parle d'une cité, sujet ô combien délicat ! pendant les émeutes ! ô combien racoleur ! où sont les bons, où sont les méchants, où sont ceux qui ne se trompent jamais, où sont ceux qui ont tout compris ? n'importe quoi ce livre !! rien n'est résolu ! des solutions, des programmes, des promesses dedieu ! rien que des conséquences. J'aurais presque envie de pleurer en refermant le livre, pourtant l'espoir, pour certains, qu'il soit prof ou enfant perdu, existe, peut-être ... pourquoi on ne pleure pas parce que cet extrait par exemple :

"C'était parti. Comme dans une bonne vieille pièce de boulevard réglée au quart de tour, avec des décors de Roger Hart...
Acte I. Protestation outrée de Fatoumata. Collégienne, seize ans habitant la cité des Sablières.
- Steeve, tu ferais mieux de t'occuper de tes boutons. C'est plus une tronche, que t'as, c'est Halloween ! Fais toi un plan Biactol ! Et essuie-toi avec du Lotus Double Epaisseur Senteur des îles! Ta gueule, elle vaut pas mieux qu'un cul !
Acte II. Vive colère de Steeve. Collégien, quinze ans, habitant la cité des Grands-Chênes.
- Et toi, taspé de ta sale race, le tien, de cul, va t'laver au Canard WC ! Ta teuche de pute, elle pue la merde ! Va te faire niquer ! Y a Moussa qui t'attend !
Actee III. Gueulante d'Anna Doblinsky, vingt-cinq ans. Titulaire du CAPES. TZR dans l'académie de Créteil. Habitant Paris XIXe.
Rideau. Retour au calme.
Exercice de conjugaison.
Tout de suite !
Sortez vos classeurs, interrogation écrite.
Non mais alors !"
bien ou bien ? 8 étoiles

C'est le titre "ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte" qui m'a attiré en premier lieu vers ce livre. Ambiance de cité garantie, certains traits réalistes, d'autres un peu plus poussés. On est livré au coeur de la vie du collège où Anna, professeur de français fait ses premiers pas. Livré dans les dérives de cités où il ne manque plus qu'un n° SIREN aux business organisés. Belle immersion.
Dommage que l'histoire s'oriente vers l'extrémisme religieux avec insistance.

Sincou - - 43 ans - 24 mai 2010


frasque contemporaine 8 étoiles

Un roman noir que l'on aurait pu qualifier de "science fiction" il y a une cinquantaine d'années mais qui malheureusement retrace la société actuelle et surtout la vie des banlieues.

Zones de non-droit, coke, prostitutions, problèmes sociaux... Jonquet ne nous épargne rien de ce qui se passe en banlieue parisienne, à quelques kilomètres de la capitale huppée française. La montée d'un islamisme non modéré, d'un fanatisme religieux en plein coeur de la France a souvent été retranscrit par les médias, images chocs à la clé mais ce roman, à force de détails, fait profondémment réfléchir le lecteur quant à la société vers laquelle nous nous dirigeons.

J'ai trouvé une belle écriture, assez simple mais fluide. Des personnages assez profonds, avec une histoire, des racines. J'y ai trouvé un certain fatalisme de la part de l'auteur, est-ce de l'objectivité sur la situation actuelle? Je ne saurais dire....

En conclusion, un livre pour ceux qui veulent se plonger au coeur de la jungle urbaine actuelle, un mélange de "La Haine" et de "Ma 6T va cracker" duquel on ne peut sortir totalement indemne...

Clubber14 - Paris - 44 ans - 29 mars 2010


Devoir de vacances 10 étoiles

Jonquet tire à boulets rouges sur les impérities de nos modèles sociaux qui ont dégénéré pour arriver au plus bas de l'abîme. Une société où les élèves sont des apprenants, où les profs deviennent des puériculteurs sur-diplômés, une institution policière qui gère au coup par coup les débordements d'une catégorie de personnes qui ne s'intègre pas. Au final Jonquet ne donne pas de leçon, mais on ressent un certain dépit quant à l'analyse qu'il fait de cette société, de ce zoo humain où évolue tant bien que mal, et plutôt mal une partie de la société française. Je dirai qu'il s'agit d'une bonne radioscopie de notre société actuelle. Le constat est froid et désempare, car Jonquet constate avec acuité l'évidence, mais nous laisse pantois car aucune solution ne se profile à l'horizon. Le salafisme et ses répercussions dans nos vies, la misère sociale et intellectuelle, la rigidité administrative et le dépit de ces populations qui, quoi qu'on pense ne font pas partie de la France qui avance. Combines, trafics, esclavage sexuel et surtout le pire l'impasse. Un brûlot formidable balancé à la face de nos têtes pensantes. Que ceux qui pensent que Jonquet en fait trop aillent vivre un mois de leur vie au sein d'une cité française de la banlieue. La fin laisse en suspension.
- " Il faut dire m'dame si vous êtes Feuj."
- " Oui, et alors."
Et alors quoi ? on la trouve la solution, on s'extirpe de ce bourbier qui a donné les émeutes de 2005.
Je voudrais dire tout mon admiration pour toutes les Anne d'ici bas.

Hexagone - - 53 ans - 27 décembre 2009


Quand l'écrivain tombe dans le pessimisme 6 étoiles

Le roman a l'avantage d'emmener son lecteur dans l'univers que lui présentent journaux télévisés et émissions sensationnalistes, en s'inscrivant dans la durée, celui non pas de la banlieue, mais Des Banlieues, celles que tout un chacun évite (on évite de s'y rendre, on évite d'y penser).
Il partage les points de vue entre la toute jeune enseignante, le substitut au procureur rompu à son territoire - difficile - les caïds de ce territoire, du haschich (les frères Lakdaoui), du sexe (le Magnifique Boubakar), et les plus fragiles de ses habitants, sa jeunesse pour qui l'Ecole est une imposture, la justice une caricature.
Malheureusement, Jonquet est d'un tel pessimisme, qu'il englue son lecteur dans des développements inutiles : la schizophrénie en milieu aisé du jeune Rochas, les déboires et dérives du jeune Lakdar (symétrie du récit qui est artificielle, maladroite, et manipulatrice).
Le récit de Jonquet était suffisamment sombre et subtil dans les non-dits (le désir puéril de Lakdar de devenir dessinateur de BD, l'abandon paternel et son impuissance, la révolte adolescente agressive et destructrice) sans qu'il soit besoin d'appuyer dans le côté victimaire.
Certes, les outrances de certains de ses personnages sont le reflets de faits-divers existants, mais étaient-elles saines dans le propos, dans la description d'un territoire qui n'est montré le plus souvent, quand il est montré, que sous un jour caricatural et stigmatisant ?

Vda - - 49 ans - 26 mai 2008


Indispensable ... 9 étoiles

Thierry Jonquet nous emmène découvrir la banlieue à travers les yeux d'Anna, jeune prof de français fraichement sortie de l'IUFM et parachutée dans un collège de ZEP. Elle y a comme élève Lakdar jeune garçon au destin brisé par une erreur médicale. Elle découvre la lâcheté des responsables, le dogmatisme de ses collègues syndicalistes et le découragement quasi général des enseignants.

Nous suivons la montée inexorable de la tension jusqu'à l'explosion : les émeutes de novembre 2007.

Ce livre vous prend et ne vous lâche plus. Même une fois reposé dans votre bibliothèque vous repenserez à Anna, Lakdar, Moussa et aux autres....

Sur_une_ile_déserte - - 46 ans - 7 avril 2008


Grave et douloureux 9 étoiles

Lorsqu’Anna Doblinky, tout droit sortie de l’IUFM, se retrouve nommée au collège Pierre de Ronsard, dans le 9-3, elle se doute que sa tâche ne sera pas simple. Mais elle ne s’attend pas à devoir faire face à l’antisémitisme ordinaire, qui va la menacer directement.
Dès le premier jour, les élèves vont la défier. En particulier Moussa, un des cas les plus difficiles pour tous les professeurs. Heureusement, il y a Lakdar, seul capable de tenir tête à Moussa, et qui se montre particulièrement doué. Seulement voilà, un accident stupide suivi d’une bavure médicale, a mis un terme définitif aux rêves de Lakdar, qui voulait devenir auteur de bande dessinée.
Dès lors, la vie va basculer pour ce jeune garçon, guère aidé par un père dépassé par les évènements, et qui va se laisser embrigader par la seule personne qui lui manifeste de l’intérêt dans la cité, mais dont les activités sont douteuses.

Ce roman noir, qui se lit effectivement comme un polar, est tout bonnement glaçant. Il peut parfois sembler caricatural, d'où sans doute la note de l'auteur en fin d’ouvrage, qui précise que « quelques éléments présents dans ce roman peuvent surprendre, voire choquer. Aussi grotesques, saugrenus ou scandaleux qu’ils puissent paraître, ils sont pourtant tirés de la réalité que chacun peut vérifier s’il s’en donne la peine ».
Les émeutes de novembre 2005, intégrées au récit, résonnent encore tellement vivement dans nos mémoires qu’effectivement ce livre inquiète.
Et le plus effrayant dans cette histoire, ce n’est pas la lutte des bandes rivales qui finissent par se neutraliser elles-mêmes à force de vouloir régner en maître dans la cité. Ce qui fait peur et pose question, c’est de voir ce jeune homme, élève brillant et bon garçon, se métamorphoser en brute par désespoir et abandon. Dès lors on se dit qu'il faut impérativement tendre la main, et surtout pas montrer du doigt.
Thierry JONQUET utilise la littérature comme plaidoyer en faveur de ces jeunes des cités, trop souvent stigmatisés, et le résultat est bouleversant, vibrant. Ce livre est à lire d’urgence, et à méditer !

Aliénor - - 56 ans - 9 mars 2007