Emmène-moi au bout du monde!...
de Blaise Cendrars

critiqué par Lig, le 18 janvier 2007
(Gouesnac'h - 41 ans)


La note:  étoiles
Un appel à la Vie!
Emmène-moi au bout du monde !... est le tout premier Cendrars que j’ai pu avoir entre mes mains.
Et il ne me semble pas inutile de noter que c’est dans l’édition originale de 1956 qu’on me l’a offert, ses pages mal coupées, jaunes, difficiles à tourner, émanant une odeur -ah l’odeur !- de vieux manuscrit… Et peut-être est-ce pour cette raison que j’ai pris mon temps, tout mon temps pour le lire. Le déguster.

Etrange d'ailleurs puisque le « flow » de l’écriture de Cendrars est tout sauf lent ! C’est une écriture faite de phrases longues, très longues, parsemées de points d’exclamations, de virgules, d’énumérations, d’adjectifs enflammés. Un style énergique et emporté qui ne demande qu’à être lu de la même façon. Mais pour la dégustation de l’objet et aussi pour mieux apprécier ce style particulier, c'est lentement que je l'ai lu.

Et tout cela pour une peinture épique du Paris artistique des années d’après guerre. Une énigme policière avant tout derrière laquelle des milliers de choses à découvrir. L’argot de la langue des années 50s à Paris, Paris pauvre. Le sexe conté par une femme de 80 balais, l’actrice déjantée Thérèse Espinosa ou Eglantine, dite Madame L’Arsouille, pièce de théâtre dans laquelle elle joue l'héroïne. Nue. La drogue, la violence, l’alcool…
La déchéance pourrait-on dire.
Allusions aux grands de l’époque, Cendrars lui-même, Juliette Gréco, Mistinguett, Proust…

On rit, on s’étonne, on est choqué, dégoûté… toutes les émotions sont là.

Le bout du monde alors, c’est quoi ? Le Père-Lachaise nous dit-on.
Mais avant ce bout du monde, il y a un long, très long chemin à parcourir, à 200/h, en riant, criant même !

Ceci est un appel à la vie.

Un extrait en complète contradiction avec le style général du livre mais qui sonne juste, si juste :
« Danger. Danger. Danger. Tout va trop vite. La vie nous emporte, fonce et s’enfonce. La mort. On est bredouille. Le vide. C’est du vertige. » (P286 de mon édition, 12p avant la fin)