La honte
de Annie Ernaux

critiqué par Veneziano, le 2 février 2007
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
Laquelle, exactement ?
La honte principale est celle du jour où le père de l'auteur a frappé sa mère à mort, scène qu'Annie Ernaux n'a jamais oubliée, et qu'elle revit sans cesse. Cela s'expliquerait en partie par la forte personnalité de la mère.
Puis, le récit dérive, par digressions successives, sur l'enfance de l'auteur, la description de l'environnement familial, le café des parents, le petit appartement, l'absence d'amies, la terreur continuelle vécue à l'école catholique.
Elle décrit l'actualité de l'époque, de ce mois de juin 1952 : l'environnement y est livré dans ses moindres détails, comme pour permettre de mieux l'expliquer.
Il s'en dégage un ensemble de frustrations, si bien que la honte s'avère être un sentiment diffus, d'une vie en général, dont la scène centrale n'est finalement que le point d'orgue.

Le style est toujours aussi plat, mais ce roman est un peu plus émouvant, à peu près autant que la Place. Cela s'explique par la douleur qui s'en ressent, la volonté de s'en livrer, en décrivant son obsession.
Il est curieux de constater comment elle s'entiche de détails musicaux et d'actualité, comme dans Journal du dehors, et les programmes cryptés, comme dans la scène inaugurale de Passion simple.
Mais c'est un peu gênant, un tantinet impudique, et il me semble que ça ne casse pas des briques. Ca se contente d'être assez émouvant, et un peu voyeur et malsain, un peu à la manière des émissions de Jean-Luc Delarue.
Un long chemin bien lointain 4 étoiles

Annie ERNAUX est habituée, à travers de courts livres, à la description d’événements personnels, d'éléments biographiques. Des photographies de certains moment de sa vie.
Au premier abord d'un tel choix, on pourrait éprouver, avant toute lecture, une certaine réticence. Au fond, en quoi la vie d'une auteur qui nous est inconnue peut nous atteindre? D'autant plus que le sujet ici abordé est très intimiste et personnel. D'ailleurs, nous avons bien du mal à rentrer dans le livre et son histoire. Nous suivons les faits, la vie de l'auteur sans réellement d'intérêt pour le lecteur. Nous lisons des souvenirs d'enfance, une reconstitution à laquelle se livre l'auteur, qui se définit d'ailleurs comme " ethnologue d'elle-même" dans le but de comprendre et se replacer lors de ce jour de 1952 où son père tenta de tuer sa mère.
Seulement, il ne s'agit que de ça, d'une description d'un milieu social, intéressante, d'une éducation religieuse, d'un voyage à Lourdes. Tout au long du récit, l'auteur tente de nous expliquer sa honte ressentie du fait de son éducation, de sa famille et dont l’événement de 1952 est une prise de conscience, un point d'orgue.

Rien de bien transcendant, un sujet intimiste dont la description très plate et très personnelle risque ne pas trouver d'écho chez le lecteur, lequel n'éprouvera que peu de sentiments. Reste, hormis la description de cette enfance et du contexte social et religieux qui est indissociable à cette honte et sa compréhension, un sujet qui aurait sans saveur car trop intimiste et dont on ne comprend pas réellement la finalité.

Enfin, on ne comprend que mal la notion et le sentiment de honte évoquée. Honte de l'acte de son père? ou bien honte du milieu dans lequel l'auteur a grandi et qu'elle décrit à travers son éducation, ses parents et leur langage, habitude, le monde rural. Reste donc un sentiment de malaise à la lecture. l'auteur nous dit elle qu'elle a honte de son milieu social, du monde ouvrier?

Lectgreg - toulouse - 38 ans - 3 février 2015