King Kong théorie de Virginie Despentes
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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Variation punk sur le thème « on ne naît pas femme, on le devient »
Dans cet essai pamphlétaire, Virginie Despentes utilise la métaphore de King Kong pour appuyer sa démonstration de la faiblesse à laquelle sont assignées les femmes. King Kong est un être puissant, dépourvu d’attributs sexuels ce qui le rend neutre, entretenant une relation asexuée avec l’héroïne, et incarnant l’idéal protecteur (sa propre force protectrice). Mais on connaît l’histoire : King Kong sera capturé(e) par les hommes, exhibé(e), puis assassiné(e). L’héroïne, alors dépourvue de sa puissance, rejoindra finalement un homme pour se mettre sous sa protection et donc se priver de liberté.
Ce livre s’inscrit dans la lignée de nombreux écrits anti-sexistes et revisite une fois de plus la fameuse citation de Simone de Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient ». L’auteure l’illustre de moultes exemples, pour la plupart autobiographiques, puisés notamment dans sa jeunesse de punkette puis dans son expérience de la prostitution.
Un aspect important de ce livre est la question du viol. Le viol fondateur de la prise de conscience de l’auteure de son assignation à la catégorie « femme » : « Cette proximité, depuis, parmi les choses indélébiles : corps d’hommes dans un lieu clos où l’on est enfermées, avec eux, mais pas semblables à eux. Jamais semblables, avec nos corps de femmes ». Le viol cristallisant toutes les injonctions faites aux femmes : la peur inculquée depuis le plus jeune âge, la culpabilité de ne pas se débattre à mort, et surtout l’obligation de silence. « Les premières années, après le viol, surprise pénible : les livres ne pourront rien pour moi. Ca ne m’était jamais arrivé. Quand, par exemple, en 1984, je suis internée quelques mois, ma première réaction, en sortant, a été de lire. Le Pavillon des enfants fous, Vol au-dessus d’un nid de coucou, Quand j’avais cinq ans je m’ai tué, et les essais sur la psychiatrie, l’internement, la surveillance, l’adolescence. Les livres étaient là, tenaient compagnie, rendaient la chose possible, dicible, partageable. Prison, maladie, maltraitances, drogues, abandons, déportations, tous les traumas ont leur littérature. Mais ce trauma crucial, fondamental, définition première de la féminité, « celle qu’on peut prendre par effraction et qui doit rester sans défense », ce trauma-là n’entrait pas en littérature. Aucune femme après être passée par le viol n’avait eu recours aux mots pour en faire un roman. Rien, ni qui guide, ni qui accompagne. Ca ne passait pas par le symbolisme. C’est extraordinaire qu’entre femmes on ne dise rien aux jeunes filles, pas le moindre passage de savoir, de consignes de survie, de conseils pratiques simples. Rien. »
Si dans ses romans Despentes ne brille pas par la finesse de son style, cet essai est relativement bien écrit. Alliant le discours et la forme, elle dénonce l’exigence pour les femmes d’être douce, gentille, polie et aimable. Dès lors, elle écrit comme elle donnerait des coups de boule, enchaînant virulence et fermeté, n’hésitant pas à utiliser des mots qu’on accepte mieux lorsqu’ils proviennent de bouches masculines. Cette écriture donne au livre un ton militant et rassembleur, y compris avec les hommes que Despentes invite à faire leur propre révolution.
Les éditions
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King Kong théorie [Texte imprimé] Virginie Despentes
de Despentes, Virginie
B. Grasset
ISBN : 9782246686118 ; 15,20 € ; 29/09/2006 ; 158 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (7)
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Heureux d'être né au masculin
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 24 octobre 2024
Son point de vue sur la place de la femme à travers son expérience de libertine, prostituée et actrice du X n’est a priori pas le parcours de tout le genre féminin, bien qu’elle compare d’autres situations à ces professions ou vocation ; elle dit notamment que toute femme choisit entre le statut de mère ou de pute, ce qui semble selon elle revenir au même.
Je crois que cette vision est pour le moins réductrice et d’aucun pourrait ne pas partager ce point de vue.
Contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, les hommes ne sont pas à considérer par elle comme les ennemis, mais c’est davantage notre société patriarcale qui donne à la femme cette place, ce statut, de victime ou d’esclave.
Evidemment, le mouvement « Me too » est entre temps passé par là et a clairement donné un coup d’accélérateur à la lutte contre le sexisme.
Les propos tenus permettent sans doute d’ouvrir les yeux un peu plus grand et pointer le doigt sur les membres du genre masculin qui, malheureusement inconsciemment, se croyaient porteur de privilèges dû à ce qu’ils ont entre les jambes. En tant qu’homme, on ne pourra jamais ressentir, même un peu, ce qu’est d’être harcelé, dénigré ou injuriée parce qu’on est trop femme. Je crois en cette réalité et j’avoue être parfaitement conscient du privilège d’être né et non née.
Le vocabulaire utilisé dans ce livre est conforme à ce quoi je pouvais m’attendre à lire, et les propos, sur le fond, bien qu’on puisse y trouver à redire, notamment lorsqu’ils généralisent et théorisent, ont le mérite de faire réfléchir, en ce compris ceux qui ont toujours eu du respect pour le genre féminin et qui ont essayé de comprendre les femmes, et qui continuent à essayer de le faire.
Un anti-sexisme musclé
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 28 septembre 2014
Elle livre un assez long passage sur la prostitution, en relatant sa propre expérience. Si elle n'est pas favorable à son développement, elle précise qu'il va être difficile de l'endiguer, car cette pratique constitue un moyen facile de se procurer de l'argent rapidement, ce qui n'enlève pas l'écoeurement de vendre son intimité. Mais, pour celles qui arrivent à passer cet a priori, les besoins financiers prennent le dessus et cela n'est pas condamnable. Elle n'en fait pas l'apologie, mais explique le mécanisme ; c'est intéressant.
Elle relate bien également son combat contre le viol, avec tout ce que cela a de fatigant, à la longue, avec ces témoignages en série qui lui sont fait. Elle ne manque pas de courage.
Je partage moins son avis sur le cinéma pornographique. Elle défend certes sa paroisse, mais assimiler cela à des films ordinaires, car ce segment peut tout aussi bien produire des oeuvres de qualité, relève quelque peu du raccourci. Elle spécifie en quoi les hardeuses inspirent du respect.
Virginie Despentes avance, avec force, des positions arguments, avec lesquelles chacune et chacun s'accorde ou non, mais qui ont le mérite de faire réfléchir, de prendre du recul, sur des idées reçues et des positions arrêtés de manière un peu rapide. Ce petit essai est donc utile.
un essai réussi
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 30 juillet 2013
Punk-rock
Critique de Kabuto (Craponne, Inscrit le 10 août 2010, 64 ans) - 21 janvier 2012
Un essai courageux et percutant
Critique de Thorpedo (, Inscrit le 22 octobre 2009, 45 ans) - 24 octobre 2009
Ce petit essai peut être lu par tous (plus de 15 ans tout de même).
Le franc-parler par excellence
Critique de Baader bonnot (Montpellier, Inscrit le 11 janvier 2008, 41 ans) - 30 avril 2009
Bien que très court (150 pages) « King Kong Théorie » sensibilise, choque mais surtout ouvre des voies pour réfléchir à la place de la femme. Virginie Despentes décrit avec justesse que le féminisme ne peut pas être un combat si l’on ne définit pas la place de l’homme, qu’au lieu de comparer l’homme et la femme il vaudrait mieux les accoler. Le passage où l’auteur nous parle de son viol est assez personnel et laisse le lecteur dans le flou, mais la description de cet acte barbare est très instructive.
Virginie Despentes décrit également avec sincérité la part inconsciente qui réside en nous et qui se manifeste lors des pulsions sexuelles. La masturbation est selon elle une pratique indispensable à la recherche de la jouissance absolue et montre à quel point le tabou posé sur cette pratique est une bêtise. Le monde du sexe est un véritable marché omniprésent de la pornographie jusqu’à la simple publicité. Le sexe est une chose que l’on cache puis que l’on suggère afin d’en tirer profit.
Enfin selon l’auteur, l’homme s’admire et la femme n’est qu’un miroir. Pendant l’acte sexuel, l’homme se verrait déjà en train de raconter ses exploits à ses potes et que finalement, si l’on poussait la logique un peu plus loin, « le réel désir des hommes serait de s’enculer entre eux », ce qu’ils ne peuvent accepter dans leur conscience.
Les références bibliographiques sont nombreuses ce qui montre que le travail réalisé par l’auteur a été colossal. Virginie Despentes propose un féminisme intelligent loin des clichés que l’on connaît depuis 68. Elle décrit par ailleurs l’évolution du marché du sexe qui a explosé depuis l’arrivée des nouvelles technologie constituant une sorte de prostitution légale (l’auteur s’est d’ailleurs prostituée avec l’arrivée du minitel).
Un essai subversif qui montre que l’auteur n’a pas que du talent mais aussi de l’intelligence.
Bof
Critique de Sophie_752001 (Vitry sur Seine, Inscrite le 12 février 2008, 39 ans) - 12 février 2008
Complètement différent de son autre livre "Teen spirit" qui m'avait davantage amusé.
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