L'évangile de Judas: du codex Tchacos de Rodolphe Kasser (Co-auteur), Marvin W. Meyer (Co-auteur), Gregor Wurst (Co-auteur)
( The Gospel of Judas)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Spiritualités
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Qui était Judas?
Le codex Tchacos est sans aucun doute l'une des découvertes majeures depuis les rouleaux de la Mer morte en 1947.
Un texte qui a connu de multiples péripéties: retrouvé lors de fouilles clandestines, objet de convoitise pour marchands peu glorieux, transbahuté de toutes parts en y laissant chaque fois quelques lambeaux... Heureusement, cela a pris fin et ce qui reste du codex a été restauré, traduit et commenté par Rodolphe Kasser, professeur émérite à la Faculté des Lettres de l'Université de Genève et spécialiste en langues et littérature coptes.
J'admire régulièrement les fragments (de beaux fragments!) de ce codex à la Bodmeriana à Genève (un de mes lieux favoris). A chaque fois, c'est une émotion nouvelle.
Que de péripéties diverses et variées avant que ce trésor ne soit enfin révélé au grand public avec un appareil critique. On pourrait imaginer un sombre complot visant à empêcher la réhabilitation d'un traître et la modification de la perception universellement diffusée de la fin de vie de Jésus (et aussi de son message, d'ailleurs), mais il ne s'agit pour l'essentiel que de querelles mesquines et des histoires d'argent, comme hélas trop souvent dans le milieu de l'art.
Cette découverte est intéressante à plus d'un titre et j'ai apprécié la qualité du travail fourni par le professeur Kasser, qui ne tente pas de tout révolutionner mais présente, avec rigueur et détails, un document inestimable, qu'il a lui-même traduit.
Rodolphe Kasser qui a donné une conférence sur ce sujet en octobre dernier à Genève, on peut télécharger le tout ici:
http://www.canalacademie.com/article1105.html
Evidemment, de nombreux hauts placés dans la hiérarchie de l'Eglise ont critiqué ce document, et pas uniquement parce qu'il ne fournirait aucune nouvelle donnée historique sur Judas. Il fallait s'y attendre.
Il n'empêche, c'est un ouvrage à lire pour élargir les horizons jusqu'ici enseignés, ce qui ne fait jamais de tort.
Judas ne serait donc pas un traître mais un être dans lequel Jésus a placé toute sa confiance pour qu'il accomplisse enfin son dessein sur terre. Pourquoi pas? On peut déplorer l'absence d'une bonne partie du texte original qui aurait sans doute apporté encore plus d'éléments pertinents sur la question, mais ce qui est déjà évoqué ici révolutionne à mes yeux l'image couramment admise d'un Judas diabolisé, mauvais parmi tant de bonnes âmes. Ce petit coup de pied dans le manichéisme classique n'est pas pour me déplaire, ça pousse à réfléchir et questionner autrement sur le pourquoi du comment.
Les éditions
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L'Évangile de Judas [Texte imprimé], du Codex Tchacos édité sous la direction de Rodolphe Kasser, Marvin Meyer et Gregor Wurst avec la collaboration de François Gaudard traduit de l'anglais par Daniel Bismuth
de Kasser, Rodolphe (Directeur de publication) Meyer, Marvin W. (Directeur de publication) Wurst, Gregor (Directeur de publication) Bismuth, Daniel (Traducteur)
Flammarion / DIVERS SCIENCES
ISBN : 9782082105804 ; 15,30 € ; 16/06/2006 ; 221 p. ; Broché
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Révélations
Critique de Bernard2 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 75 ans) - 26 juillet 2014
Ce qu'il révèle remet en cause bien des affirmations de la Bible. A commencer par le fait que Judas n'aurait pas trahi Jésus, mais bien au contraire aurait voulu lui permettre de faire éclater au grand jour sa divinité.
Il apporte également une vision plus troublante encore : il n'y aurait pas qu'un seul Dieu, et le Dieu suprême n'aurait pas créé l'univers dans lequel nous vivons.
Lecture complexe, d'autant plus que de nombreux passages sont manquants, la mauvaise conservation du document rendant impossible leur exploitation. Les auteurs, en plus de reproduire l'Évangile tel qu'il nous est parvenu (bien sûr traduit en français), donnent des explications et une interprétation, indispensables à la compréhension. Ils nous parlent également du parcours de ce document depuis sa découverte.
L'Église a rejeté cet écrit, non conforme à sa doctrine. Le lecteur garde évidemment sa liberté d'interprétation. Mais cet ouvrage peut être considéré comme essentiel, tant il remet en cause certaines « vérités »...
Un document fondamental du Christianisme gnostique.
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 21 juillet 2007
C'est une tentative d'expliquer ce personnage tragique entre tous, ce Judas dont il est dit qu'il aurait mieux valu qu'il ne fût pas né !
Cet Evangile était connu dans l'Histoire des religions, par les écrits d'Irénée de Lyon qui en a donné de larges extraits pour le condamner, parce qu'il est une pièce majeure du Christianisme gnostique.
Comme Irénée en parle en 170 et que cet évangile parle d'un texte de Luc qui date de 90, on peut être sûr que la version originale de cet évangile a été écrite entre 90 et 170 et, plus que probablement, en grec.
La version découverte en Egypte est une traduction en copte qui date du IVème siècle et qui était conservée dans la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi.
Mais voyons d'abord de quoi est constitué le livre présenté par Kasser, Meyer et Wurst.
Il y a d'abord une introduction qui nous rappelle qui était ce Judas, celui qui dans le nouveau Testament n'est jamais désigné autrement que : "celui qui a trahi".
Vient ensuite le texte intégral de ce qui reste de l'Evangile de Judas avec de très nombreuses notations en bas de pages qui prennent la plupart du temps plus de place que le texte lui-même, ce dont personne ne se plaindra. (Cet évangile est constitué de 27 pages dont environs 67 lignes sont détruites).
Puis vient ensuite l'histoire de la découverte et de ce qu'elle contient : il s'agit d'un "codex" constitué de quatre textes : une lettre de Pierre à Philippe, un texte intitulé : première apocalypse de Jacques, l'Evangile de Judas, et un texte titré : Livre d'Allogène qui parle des débuts du Gnosticisme.
L'histoire de la découverte est une succession de catastrophes lamentables. Le découvreur a décomposé le livre pour le photographier, il a changé l'ordre des pages pour mettre certains titres en évidence, puis il a vendu l'évangile page par page à des antiquaires pour faire monter les prix ! Certaines pages se sont perdues, d'autres ont été volées...
L'antiquaire américain qui a fini par acheter le lot, n'a rien trouvé de mieux que de le congeler...
Bref, découvert en 1970, ce document fabuleux, ou ce qu'il en reste, est arrivé en 2001 où il aurait dû arriver dès le début : dans une fondation suisse, dans les mains de professeurs spécialistes de restauration de manuscrits, qui en ont entrepris immédiatement la restauration, la traduction et la publication ; ce sont les auteurs du livre dont nous parlons ici.
Cette partie du livre, qui parle de l'histoire de la découverte, est à la fois passionnante et pathétique ! On s'en amuserait s'il ne s'agissait d'un des livres les plus précieux de l'Histoire de l'humanité, qui a été vandalisé pour en faire ...de l'argent !!
Enfin la dernière moitié de ce livre de 160 pages contient trois chapitres qui nous expliquent cet Evangile de Judas, dans ce qu'il est : un évangile du Christianisme gnostique ; et par conséquent nous avons droit à de très larges explications sur le Gnosticisme.
Disons tout de suite que ces explications ne contiennent aucune condamnation. Elles sont données dans une optique historique, ce qui les rend absolument passionnantes.
En gros, nous dirons que le Gnosticisme est une tentative d'expliquer le mal dans le monde :
ce n'est pas Dieu qui a créé le monde mais un succédané de Dieu, né, selon certains, d'une catastrophe, selon d'autres, d'une querelle, ou encore selon d'autres, par accident.
Ce Dieu, rebelle et mal intentionné, s'appelle Sofia – Connaissance – dans l'Evangile de Judas.
Le Christianisme, lui, nous parle d'un Dieu, Père et Créateur de toutes choses. La Genèse nous parle des Anges rebelles, en guise d'explication du mal ; mais en fait, la religion chrétienne nous dit que l'Homme doit s'arrêter une fois pour toutes devant l'Arbre de la science du bien et du mal ! Le mal dans le monde n'a pas d'explication...
Mais où les Pères de l'Eglise, chargés d'établir l'orthodoxie chrétienne, n'ont plus été d'accord du tout, c'est quand les gnostiques nous ont dit que tous les hommes n'étaient pas tous égaux devant Dieu : certains hommes, comme Judas, ont reçu une "étincelle" de la divinité qui leur permet d'avoir accès à la connaissance, s'ils font l'effort d'y parvenir. Les autres n'ont aucune chance d'être sauvés : c'est la connaissance qui sauve l'Homme et non la foi !
C'est évidemment contraire aux fondements même du Christianisme !
Et parmi les douze apôtres, seul Judas avait cette "étincelle" qui lui a permis de reconnaître la vraie nature de Jésus. Par conséquent ce privilégié a eu droit à une révélation particulière, qui est racontée dans l'Evangile de Judas ; et il sera le seul à être sauvé.
Sa trahison n'en était pas une, nous explique cet évangile, puisque Judas accomplissait le plan de Jésus en le débarrassant de son enveloppe charnelle qui le tenait incarné parmi des hommes incapables de le comprendre.
Et voilà notre Judas réhabilité, seul Juste admis à la connaissance, parmi les ignorants disciples de Jésus !
Le Gnosticisme est intéressant parce qu'il est très cohérent ! Beaucoup de textes, même du nouveau Testament, peuvent être interprétés dans un sens gnostique. La Gnose existait, nous dit-on, bien avant le Christ et dans d'autres religions et philosophies telle que le platonisme.
Il a subsisté à travers les siècles : Pascal et les Jansénistes qui croyaient à la prédestination, étaient en quelques sortes adeptes du Gnosticisme.
Les mystiques, croyants ou non croyants (Comte-Sponville raconte dans son dernier livre une expérience mystique qu'il a vécue), ne sont-ils pas des privilégiés, des élus, des prédestinés, qui possèdent cette étincelle qui leur donne accès à la connaissance de Dieu ?
Bref, ce livre, écrit à propos de l'Evangile de Judas, outre qu'il nous révèle un document de premier intérêt, soulève bien des questions qui, c'est bien à craindre, ne trouveront jamais d'explications définitives en ce bas monde.
C'est un livre visiblement écrit dans un but didactique, dans un langage que tout le monde peut comprendre ; il passionnera tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la spiritualité dans laquelle la vie nous a plongés – bon gré mal gré !
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