Panchen Lama, Otage de Pékin
de Gilles Van Grasdorff

critiqué par Karma Tashi Dondrup, le 16 mars 2007
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Le plus jeune prisonnier politique du monde atteint l'âge de la majorité ... en prison
Le 28 Janvier 1989, dans son monastère de Tashilhunpo, à Shigatsé au Tibet, le 10e Panchen Lama, Lobsang Trinley Lhundrup Choekyi Gyaltsen, meurt d'une crise cardiaque, à l’âge de 50 ans. Les Tibétains disent qu'il a été empoisonné 3 jours après son discours historique critiquant la politique chinoise et affirmant sa loyauté envers le Dalaï Lama. Le Panchen Lama avait notamment déclaré que le progrès apporté au Tibet par la Chine ne saurait compenser la somme de destructions et de souffrance infligée au peuple tibétain. Après sa disparition, le Parti communiste chinois chargea Chadrel Rimpoché, le responsable du monastère du Tashilhunpo, croyant qu'il leur était favorable, de trouver la réincarnation du Panchen Lama. Le Dalaï Lama proposa à Pékin de dépêcher une délégation de hauts dignitaires religieux pour "assister" Chadrel Rimpoché. Mais l’offre fut rejetée par la Chine, qui la qualifia de «superflue». Trois enfants aux qualités remarquables furent retenus par Chadrel Rimpoché. Parmi eux, le petit Gendhun Choeky Nyima, fils de nomades tibétains. Chadrel Rimpoché informe une équipe envoyée clandestinement au Tibet par le Dalaï Lama. Gendhun reconnaît sans hésiter les biens du défunt Lama. Il aurait déclaré à ses parents «Je suis le Panchen Lama. Mon monastère est le Tashilhunpo.»

Le 14 mai 95, le Dalaï Lama reconnaît officiellement Gendhun Choekyi Nyima, âgé de 6 ans, comme réincarnation du 10e Panchen Lama. Le 17 mai 95, il est enlevé par les autorités chinoises dans son village natal de Nagchu dans la région de Lhari au Tibet. Chadrel Rimpoché, lui, est immédiatement arrêté et emprisonné. Depuis près de 12 ans, Gendhun est en résidence surveillée. Il aura 18 ans le 25 Avril 2007. Il a vraisemblablement été le plus jeune prisonnier politique du monde, victime de violations de la liberté religieuse et de violations des droits de l'enfant. Que le gouvernement chinois aie enlevé Gendhun et désigné un autre enfant pour succéder au Panchen Lama affirmant que "seule l'autorité de la Chine devait être prise en compte dans ce choix" est étonnant à plus d'un titre. D'une part parce que le gouvernement chinois est athée. D'autre part parce que les Dalaï Lama ont toujours désigné les Panchen Lama sans que la Chine ne s'en offusque. Qui plus est, en 1992, le 17e Karmapa avait été reconnu par le Dalaï Lama le 7 juin 92, puis par les autorités chinoises le 27 juin 92 comme si elles acceptaient les responsabilités des autorités bouddhistes.

En 1996, le cas de Gendhun a été examiné par le Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU et les autorités chinoises admirent pour la première fois avoir "pris l'enfant pour sa sécurité". Le Comité a demandé à rendre visite à Gendhun, mais les autorités chinoises ne l'ont jamais invité. Le dossier n'a pas avancé depuis lors.
Pourtant, pour les Tibétains et les Bouddhistes de l'école Tibétaine, il est le 11e Panchen Lama, l'un des plus hauts dignitaires du bouddhisme tibétain. Pékin lui a substitué un autre enfant, originaire du même village, que les Tibétains tiennent pour un usurpateur. A travers ces enfants, tous deux otages de Pékin, se joue l'avenir du Tibet. Gilles Van Grasdorff a réalisé une enquête remarquablement documentée. Surtout, à la lumière de l'histoire récente du Tibet, il révèle la situation politique actuelle et l'ambiguïté des relations entre les Panchen Lamas et la Chine. Le Panchen Lama, prisonnier, sera-t-il autorisé, comme la tradition l'exige, à reconnaître le prochain Dalaï Lama ? Les Chinois en désigneront-ils un autre Dalaï Lama?

Gilles Van Grasdorff remonte l'histoire du Tibet et de la Chine au début du siècle en présentant les itinéraires des 9e et 10e Panchen Lama qui furent eux aussi, à certains moments, les otages de Pékin.