Les âmes sombres
de Marc Vlieger

critiqué par Shelton, le 20 mars 2007
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Brouuu ! Que c'est sombre, tout ça !!!
La collection Mirage de chez Delcourt continue son travail de défrichage, repérage et exploration de la narration dans la bande dessinée. Oui, c’est l’un des lieux où il se passe quelque chose tous les jours, enfin, plus exactement, à chaque parution. Avec Les âmes sombres, c’est un pan de philosophie et d’humanité qui entre dans le catalogue, avec Marc Vlieger un raconteur d’histoires de grande qualité…
Mélodie, la vieille dame qui cherche le bonheur, qui veut trouver le havre de paix où elle pourra s’installer et finir sa vie… Qui pourrait penser en la voyant qu’elle vient d’un petit monde bourgeois, qu’elle avait une vie bien réglée avec de quoi vivre, qu’elle avait une fille, qu’elle était grand-mère… et, maintenant, elle marche sur la route, à la recherche d’un abri…
Le seul problème, pour elle, c’est que sur la route, il arrive, parfois, que l’on rencontre des gens peu fréquentables, sombres, tout simplement… Ralf appartient à cette race violente, alcoolique, désespérée, anarchiste, destructrice… La faune qui l’accompagne ne vaut guère mieux ou, plus exactement, n’a pas été plus gâtée par la vie… Oui, c’est bien ça, cette violence, cette méchanceté n’est pas vraiment gratuite, elle est le fruit de la vie, de ce qui a été subit, de l’amour qui n’a pas été donné, de la tendresse qui a été absente trop longtemps, beaucoup trop longtemps… Alors, une Mélodie qui fait la cuisine, qui prend soin de vous, qui vous soigne les blessures, physiques ou morales, on ne peut pas la comprendre…
Brice est un être à part dans cette galère. Il est jeune, il ne peut pas tout comprendre mais sauvé par Ralf, et avec difficultés, soigné et cajolé par Mélodie, il s’en sortira, peut-être…
Mélodie n’est jamais seule car elle est à l’écoute de ses voix, des voix tantôt noires, tantôt blanches…
« Faites attention, ces voix créent dans la tête de ceux qui les écoutent un monde qui leur ressemble ! Ces hommes finissent par être complètement assombris, éteints… »
Et c’est bien cela qui attend toutes ces âmes sombres qui hantent la ville…
Marc Vlieger travaille seul et on perçoit dans cet album la maturité qu’il vient d’atteindre à force de traverser la vie à l’écoute de ses voix, celles qui le guident sur le chemin de la révolte. Ce qu’il nous propose là est une sorte de fable humaniste, de cri de vengeance contre la violence inutile de notre monde, contre cette société qui laisse tant de monde exclu de l’humanité, de cette collectivité humaine qui devrait être si accueillante que nous devrions tous y trouver notre place, y compris Mélodie, Ralph et Brice…
C’est beau, violent et tendre à la fois, bien raconté et dessiné pour séduire le lecteur, désespérant à souhait pour nous éviter de tomber dans les histoires à l’eau de rose, porteur d’espérances profondes comme tous les mythes fondateurs de sociétés… Oui, le paradoxe est bien là : faut-il en rire, faut-il en pleurer, faut-il tirer dans tous les sens ou refermer l’album en se disant qu’un monde meilleur viendra… A vous de choisir !
J’espère que les éditions Delcourt vont pouvoir continuer à donner leurs chances à des bédés de cette nature et que le public saura les trouver, les lire, les apprécier et permettre, ainsi, à la bande dessinée de franchir un nouveau pas sur le chemin de la narration…
Un coeur pur parmi les truands. 10 étoiles

Est-elle un peu givrée, Mélodie? Peut-être, finalement, mais surtout, c'est un coeur pur, à l'écoute des voix qui lui parlent dans sa tête. Quelles voix, au juste? Celle de sa conscience, ou d'un monde angélique qui commande ses faits et gestes? En tous cas, il faut oser... Quitter tout, son métier de pharmacienne, sa famille, pour se promener dans la jungle urbaine avec son cabas. Oui, finalement elle est un peu "spéciale", c'est sûr, mais elle est la bonté même. Réussira-t-elle à apprivoiser les fauves de la ville, les âmes noires de la "racaille"? Sa belle âme réussira-t-elle la rédemption ne fût-ce que d'une seule de ces âmes perdues? En tous cas, elle en prend le pari, courageusement, quels que soient les risques encourus. Tour à tour cuisinière, infirmière et consolatrice,elle accompagnera la bande de malfrats, sûre au fond d'elle qu'il y a quelque chose de beau en chacun. Un magnifique dessin, des personnages bien croqués, un scénario en béton, c'est tout ce que nous offre le talentueux Marc Vlieger. C'est brillant, intelligent, magnifiquement mis en images.
Ruez-vous sur cette bédé, les oeuvres de cette qualité sont rares.

Le rat des champs - - 74 ans - 28 mars 2007